Fyctia

Après notre séance de révisions, Roméo est parti dans le calme. Il était plutôt silencieux et cela m'a inquiété. Néanmoins, je n'ai pas osé lui poser les questions qui me taraudaient l'esprit.

Cela fait maintenant deux jours que je n'ai pas eu de nouvelles de lui. Je ne sais pas ce qu'il fait ni avec qui, je cogite, me pose des questions et plutôt que de le contacter, je me fais des nœuds au cerveau.

Finalement, alors que je suis allongée dans mon lit à me manger l'intérieur des joues, je décide qu'il est temps de prendre les choses en mains. Roméo a déjà fait beaucoup pour nous deux, peut-être que lui aussi attend des efforts de ma part, je suis prête à lui fournir :

- Salut Roméo, tu vas bien depuis la dernière fois ?

Sa réponse se fait attendre. D'ordinaire, il met à peine cinq minutes à me répondre. Cette fois, je dois attendre une bonne trentaine de minutes avant que mon téléphone se mette à vibrer :

- Salut Maya, ça va et toi ?

- Ça va, je voulais te parler par rapport à notre dernier rendez-vous.

- Oui ?

Sa froideur me freine, je ne sais pas s'il est déjà passé à autre chose, s'il me teste ou simplement s'il ne se rend pas compte du ton qu'il emploie. Néanmoins, je m'accroche :

- On s'est embrassés, tu es parti quelques temps après et depuis on n'a pas discuté, alors je sais pas, je trouvais ça étrange.

- Je suis d'accord.

- Pourquoi tu ne m'as pas recontacté alors ?

- Toi non plus.

C'est bien la première fois que je fais face à un Roméo sur la défensive, lui qui d'habitude est tellement de bonne humeur et souriant, il semble froid et distant. Je ne sais pas ce qu'il attend de moi, j'essaie au maximum de rester agréable et aimable mais petit à petit, je sens que je me renferme :

- Oui c'est vrai, désolée.

Ma réponse est fermée et courte. J'ai envie de lui dire tout un tas de choses, d'être honnête, de lui avouer mes sentiments mais j'ai l'impression qu'il n'est plus prêt à m'écouter, je suis peut-être allée trop loin, ou alors j'ai trop fait traîner les choses. J'aurais probablement dû faire plus d'efforts au moment où il m'en a donné l'occasion, à présent j'ai le sentiment de devoir ramer plus que jamais sans trop savoir pourquoi.

Quelques minutes après mon dernier message, mon téléphone vibre de nouveau :

- Est-ce qu'on est en couple, Maya ?

Je ne m'attendais pas à cette question, c'est moi qui étais censée la poser, je ne voulais pas avoir ce poids sur les épaules. Je voulais lui poser la question pour lui laisser le choix, pour être certaine de ne pas me faire d'illusions. À présent, je suis face au mur et je n'ai pas d'autre choix que d'être honnête avec lui.

Je mets du temps à lui répondre, de longues minutes. Si je réponds " oui ", j'ai peur qu'il prenne peur. Si je réponds " non ", j'ai peur qu'il soit déçu. Je pense le connaître assez bien maintenant pour savoir qu'il a fait exprès de me poser la question en premier, lui aussi veut être rassuré. Après avoir longuement réfléchi, je décide d'enfin lui répondre :

- Oui, pour moi nous sommes en couple, enfin en début de relation.

Je ne lui demande pas son avis en retour pour lui prouver que je suis sûre de moi. J'ai du mal à envoyer mon message et je tremble à l'idée de recevoir sa réponse mais je sais que j'aurais regretté de ne pas lui dire ce que je ressens véritablement.

Deux minutes plus tard, mon téléphone vibre de nouveau et mon cœur bat la chamade.

J'attrape nerveusement mon téléphone, le déverrouille et tapote sur ma dernière notification, c'est le moment de vérité :

- On est sur la même longueur d'onde alors.

Je jubile, je ne me suis pas fait d'illusions, nous sommes en début de relation. Bien sûr, ce ne sont que les prémices, je ne dois pas m'emballer et surtout rester moi-même. Je lui réponds :

- Je suis contente de lire ça, on se voit à la fac alors ?

- Avec plaisir.

L'ambiance est toujours légèrement froide mais je pense que cela vient du fait que nous sommes tous les deux nerveux et angoissés à l'idée de commencer une nouvelle relation. De son côté, Roméo a vécu une longue histoire avec Pauline et il doit probablement appréhender sa réaction lorsqu'elle sera au courant. Du mien, je suis encore fragile, ma dernière relation n'a pas été de tout repos et je sais que je souffre encore de nombreuses séquelles. Heureusement, Roméo est déjà au courant et devrait pouvoir s'y accommoder, du moins je l'espère.

Le lendemain, je me prépare pour aller à l'Université. Je m'apprête plus que d'habitude, j'enfile une robe d'automne marron, un collant noir et des bottes de la même couleur. J'attache mes cheveux et mets le paquet niveau maquillage. Cette mise en beauté me prend du temps mais j'arrive à me trouver plutôt mignonne, ce qui me met en confiance pour revoir Roméo.

En sortant de chez moi, je mets mes écouteurs et marche à reculons vers l'Université. Je suis tétanisée à l'idée de revoir Roméo au milieu de tous les autres étudiants. L'embrasser chez moi fut déjà complexe, je n'imagine pas devant une masse de monde, encore moins devant Pauline ou Eden.

Je ne sais pas comment son groupe d'amis va réagir, je me demande même s'il en a discuté avec eux. Sur le chemin, une fois de plus, mes pensées m'empêchent de profiter pleinement de ma musique, j'ai presque envie de rentrer chez moi et de feindre une maladie soudaine. Cependant, j'ai décidé de faire des efforts pour que cette relation fonctionne, alors je me dois d'aller jusqu'au bout. Je me suis faite plus jolie que jamais pour Roméo, je ne voudrais pas qu'il passe à côté d'une telle mise en beauté. Ce n'est pas tous les jours que j'arrive à supporter mon propre reflet.

En arrivant devant la faculté, je me sens fébrile.

Timidement, je me dirige vers les portes. Pour le moment, je n'ai croisé personne que je connais et étrangement, cela me rassure. Après tout, il y a tellement de monde, peut-être que je ne vais même pas croiser Roméo aujourd'hui.

Je me dirige vers la machine à cafés et prends un chocolat chaud. Ensuite, je m'éloigne et m'isole dans un coin. Je sors mon téléphone et fais mine d'aller sur les réseaux sociaux mais en réalité, j'essaie simplement d'avoir l'air naturelle, de faire comme si je me fichais de qui entre et sort du bâtiment. La vérité, c'est que je passe mon temps à lever discrètement les yeux afin d'essayer de voir Roméo, j'ai peur qu'il ne me remarque pas, ou pire, qu'il m'ignore. Je me sens mal à l'aise, j'aimerais me cacher dans un trou de souris.