Fyctia

Je sors mes écouteurs et commence mon trajet. Ma musique est forte mais étonnamment cela ne me dérange pas, j'ai besoin d'arrêter de penser à Roméo. Au bout de quelques minutes, je chantonne et m'imprègne enfin de la musique, je me sens un peu mieux.

Après une vingtaine de minutes de marche, je reçois un SMS de Roméo :

- Tu es dans le taxi ?

- Oui.

- Tu serais pas en train de me mentir par hasard ? Si t'avais pris un taxi tu serais déjà chez toi là.

- Il a mis du temps à arriver.

- Maya...

- Je rentre à pied.

- J'en étais sûr. T'es où ?

- J'en sais rien, je marche.

- Arrête de jouer à ça, dis moi où t'es, je viens te chercher.

- Non merci, je me débrouille très bien toute seule.

Soudain, mon intuition me crie de faire attention. J'aperçois au loin deux jeunes hommes qui semblent bien éméchés. Il fait sombre et la ruelle par laquelle je passe est déserte. Il n'y a que nous trois sur cette route, je ne me sens pas en sécurité. Peut-être que je ne risque rien mais je ne veux pas tenter le diable. Je décide de faire demi-tour mais un des deux hommes m'interpelle :

- Eh, tu fais quoi ici ? Viens !

Je ne réponds pas. Sans réfléchir, j'envoie rapidement ma localisation à Roméo et glisse mon portable dans ma poche, puis je me mets à courir.

Les deux hommes me courent après et me hurlent de m'arrêter, je suis terrifiée, je cours le plus vite possible mais je sens leurs pas se rapprocher, j'ai le souffle coupé, je n'arrive pas à crier, je m'en veux de ne pas avoir fait attention à mon itinéraire.

Vont-ils me rattraper avant l'arrivée de Roméo ?

D'habitude, je ne tiens pas autant de temps à la course, je déteste cette activité. Je n'ai jamais aimé faire du sport à l'école, j'en ai pratiqué en club mais c'était surtout parce que mes parents voulaient que j'exerce une activité physique, je n'ai jamais pris plaisir à en faire.

Cependant, la peur semble me propulser, je n'ai jamais couru aussi vite, je ne fais pas attention à mon corps et à ce qu'il est capable de faire, je l'oblige à se dépasser, à repousser ses limites, il en va de ma sécurité.

Soudain, je me heurte violemment à une personne et tombe à la renverse :

- Maya ! Tu vas bien ?

C'est Roméo, il a débarqué avec une telle rapidité, je suis reconnaissante mais je n'ai pas le temps de le remercier. Il m'aide à me relever, je n'ai plus de souffle, aucun son ne sort de ma bouche, je me contente de montrer du doigt ma direction opposée et Roméo aperçoit les deux hommes au loin, qui ont ralenti la cadence :

- Laisse tomber, y'a son mec, dit l'un d'eux.

Je soupire de soulagement, je suis sauvée, les larmes me montent aux yeux et je sens que toute la peur que j'ai ressentie ne va pas tarder à exploser.

Alors que je me pensais tirée d'affaire, Roméo fait quelques mètres dans la direction des deux hommes et hurle :

- Bande de sales fils de putes !

Je suis bouche-bée, une fois de plus je ne m'attendais pas à une telle vulgarité venant de lui mais j'ai le sentiment qu'il est plus énervé que jamais. J'imagine qu'il fait le lien avec ce que je lui ai raconté par rapport à ma dernière relation mais je ne suis pas certaine de cette théorie.

Évidemment, l'un des deux hommes se retourne :

- T'as dit quoi là ?

- T'as très bien entendu mon gars !

L'homme lui fonce dessus à toute vitesse. De mon côté, je hurle à Roméo que nous devrions partir et abandonner, que je vais bien et qu'il n'a pas besoin de se battre mais je ne suis plus face au Roméo que j'ai eu l'habitude de côtoyer. Il est en furie et rejoint l'homme qu'il vient d'insulter.

Rapidement, ils en viennent aux mains, les coups pleuvent et au bout de quelques secondes, l'ami de l'homme le rejoint pour lui prêter main forte. De mon côté, je meurs d'envie de venir en aide à Roméo mais je ne sais pas comment, je ne sais pas me battre ni me défendre, je ne sais pas quoi faire.

Soudain, j'aperçois un groupe de jeunes au loin, ils sont environ une dizaine, je me mets à hurler :

- Venez s'il vous plaît ! Ils vont le tuer !

Je hurle à pleins poumons, je n'ai plus de souffle, j'ai la voix cassée, je suis en sanglots et effrayée, je veux juste que cela se termine. Roméo est en sang, à terre, il bouge à peine et pendant un instant, j'ai même peur qu'il soit inconscient.

Je me précipite vers lui et lui parle pour le maintenir éveillé tout en appelant une ambulance.

Étonnamment, il me sourit et je ne sais pas comment interpréter son expression, il semble apaisé et il se permet même d'essuyer mes larmes avec sa main droite. Il est méconnaissable, son visage est tuméfié, gonflé, j'ai peur pour lui, les deux hommes se sont enfuis en courant.

Heureusement, le groupe de jeunes qui m'est venu en aide a décidé de rester avec moi. Une fille me rassure, m'aide à retrouver une respiration correcte et m'explique que tout ira bien.

J'ai comme le sentiment que l'univers fait tout pour m'empêcher de vivre mon histoire avec Roméo. À chaque fois que les choses se passent bien entre nous, une personne ou un événement nous éloigne, je finis toujours soit en larmes soit en colère, parfois même ces deux émotions se mélangent jusqu'à me donner mal au crâne.

Que faut-il que je fasse pour que notre relation soit normale et saine ?

Encore secouée par ce que je viens de vivre, je grimpe à l'arrière de l'ambulance avec Roméo. Je me sens coupable de son état et j'espère pouvoir rester avec lui le plus longtemps possible.

Lorsque nous arrivons à l'hôpital, il est rapidement pris en charge. De mon côté, je préfère rester en retrait et patiente dans une salle d'attente. J'aurais probablement besoin d'une prise en charge psychologique mais je n'ai pas envie de parler, je veux écouter ma musique dans le calme en attendant des nouvelles de Roméo. Je ne sais pas quand l'hôpital va le libérer mais je compte bien rester jusqu'à ce que ce soit le cas.

Au bout de quelques minutes, je me sens partir petit à petit, je suis en train de m'endormir et je n'arrive pas à lutter contre cette fatigue incontrôlable. Je finis par me laisser porter dans les bras de Morphée.