Rukyona Malgré elle XIV : Rendez-vous

XIV : Rendez-vous

Il est 19h58, je ne sais pas si je suis en retard ou en avance. Mon père m'a toujours dit qu'être à l'heure c'est être en retard, alors j'essaie toujours d'arriver au moins une dizaine de minutes avant mes rendez-vous. En conclusion, je suis en retard.


Soudain, mon téléphone se met à vibrer, un appel de Roméo :


- Salut Maya, tu comptes entrer dans le restaurant ou rester devant ? demande-t-il en riant.


Je me tourne et l'aperçoit à une fenêtre, il me fait signe de la main, je lui souris :


- J'arrive ! m'écrié-je.


Je ne pensais pas qu'il était déjà là, cela m'étonne. J'ai toujours eu en tête cette image de la fille qui arrive en avance et du garçon qui arrive soit en retard soit pas du tout. Finalement, je suis soulagée de voir que tout ne se passe pas toujours comme on l'imagine.


Une fois à l'intérieur du restaurant, je rejoins Roméo et m'installe en face de lui :


- Tu vas bien ? me demande-t-il.


- Très bien et toi ?


- Super ! Tu es splendide !


Je me sens rougir. Je n'ai pas l'habitude de recevoir ce genre de compliments. De plus, je trouve Roméo vraiment charmant ce soir, il a mis une chemise et un joli pantalon gris, il est à tomber et je suis instantanément sous son charme. Néanmoins, je suis toujours persuadée qu'il ne veut rien de plus que de l'amitié avec moi, je décide donc de réagir sobrement :


- Merci beaucoup, toi aussi ! m'écrié-je.


Je suis curieusement enthousiaste, je sais que je vais finir par déchanter quand nous commencerons à parler de moi mais pour le moment je préfère profiter de cette légèreté sans me soucier de l'après :


- Tu es venu en voiture ? demandé-je.


- Oui ! Ça m'a pris un quart d'heure environ.


- T'habites loin de la fac ?


- Un peu, en tout cas à pied ou en transports, c'est pour ça que très rapidement j'ai voulu avoir un job étudiant pendant ma licence, il me fallait une voiture !


- Je comprends.


Je décide de lui parler un peu de son travail étudiant et naturellement, nous commençons à discuter de nos vies respectives.


Notre plat arrive une vingtaine de minutes plus tard et nous attaquons directement le repas. Au bout de quelques minutes, Roméo pose ses couverts et me regarde dans les yeux :


- Je peux te poser une question ?


- Oui !


- T'as un copain ?


Je manque de m'étouffer avec ma part de pizza et pose une main confuse sur ma bouche :


- Ça va ? demande-t-il inquiet.


- Oui, désolée, je m'attendais pas à cette question.


- Elle te gêne ?


Je tousse :


- Non pas du tout ! Je... Non, j'ai pas de copain.


- Je te pose la question parce que j'imagine que si c'était le cas il serait peut-être pas d'accord avec le fait que tu sortes avec moi ce soir.


- Oui, je suppose.


- Tu as eu beaucoup de relations amoureuses dans ta vie ?


Nous y sommes, le moment que je redoutais le plus, je vais devoir me livrer à une personne sur des choses que j'arrive à peine à surmonter encore aujourd'hui. Je ne sais pas dans quel état je vais me retrouver à la fin de ce rendez-vous mais ce qui est sûr, c'est que je n'en sortirai pas indemne.


Je prends une grande inspiration avant de me lancer :


- Ma dernière relation remonte à il y a un moment. Je suis restée trois ans avec un garçon...


Je n'arrive pas à finir ma phrase, je n'ai qu'un mot à dire mais je suis bloquée, les choses sont sur le point de devenir réelles. Je ne suis pas en train de raconter l'histoire dans ma tête ou à voix haute seule chez moi, je suis sur le point de me confier à une vraie personne juste en face de moi et je suis terrifiée :


- Prends ton temps, si jamais c'est trop difficile, on peut changer de sujet si tu veux, me dit Roméo avec douceur.


Je lève les yeux au plafond comme pour chercher une quelconque assistance, je commence à être agitée, je bouge dans tous les sens, joue avec mes doigts, cligne des yeux à répétition, je perds le contrôle.


Subitement, Roméo tend sa main droite pour attraper la mienne et la serre avec douceur. Je sens les battements de mon cœur se faire de plus en plus lents jusqu'à redevenir complètement normaux. Au bout de quelques minutes, je me sens enfin prête à tout lui dire.


Je le regarde dans les yeux et poursuis mon histoire :


- Je suis restée trois ans avec un garçon violent. Il était contrôlant, jaloux maladif et extrêmement blessant, aussi bien dans ses paroles que dans ses actes.


Roméo ne réagit pas, il me regarde avec empathie mais semble attendre que je poursuive :


- Il me frappait, je ne pouvais pas avoir de contact avec un autre homme sans en payer les conséquences. Je ne pouvais pas m'habiller comme je le souhaitais, je devais lui demander la permission pour tout un tas de choses, j'étais complètement sous son emprise.


Roméo lâche ma main et ferme son poing, il semble abasourdi par ce qu'il entend et ne réagit pas. Je vois dans ses yeux qu'il est impacté par ce que je lui dis mais aucun son ne sort de sa bouche. Je ne sais pas si je dois poursuivre alors je préfère m'arrêter :


- Voilà, c'est tout, dis-je timidement.


- J'arrive pas à croire que tu aies subi tout ça, j'ai énormément de peine pour toi, est-ce que tu es toujours en contact avec lui ? T'as réussi à te libérer de son emprise ? T'as porté plainte ?


Soudain, il se fige, puis reprend :


- Je suis désolé, je te mitraille de questions, c'est peut-être pas ce que tu veux.


- Si t'en fais pas, on est là pour apprendre à se connaître, réponds-je en souriant.


Il me rend mon sourire et je prends mon courage à deux mains pour répondre à ses interrogations :


- Non, je ne suis plus en contact avec lui et oui, j'ai fini par me libérer de son emprise. J'ai pas porté plainte et ne compte pas le faire, j'ai voulu oublier et enfouir cette histoire le plus vite possible, c'était pas forcément la meilleure solution, j'en suis consciente, mais à ce moment-là, il était vital pour moi d'oublier.


- Je peux comprendre mais tu en as parlé à quelqu'un ? C'est un peu ironique puisqu'on est en psycho mais... T'as vu quelqu'un ?


- J'en ai parlé à mon médecin traitant à l'époque mais j'ai volontairement omis de nombreux détails, c'est pas allé plus loin.


- Je vois, je te remercie de m'avoir fait confiance et de me dire tout ça, je suis désolé, ma réaction n'est peut-être pas appropriée, mais je t'avoue que je sais pas comment réagir.


- Ne t'en fais pas, tout va bien, c'est normal.


- C'est bizarre, je suis en Master de psycho, des histoires comme ça j'en ai entendu des centaines, à mon grand regret et en général, malgré mon empathie, j'arrive à mettre une certaine distance mais là c'est très différent, je me sens complètement démuni et meurtri face à tes révélations.


- Ça se comprend, t'as pas à t'en vouloir, lui dis-je avec un large sourire.


- Est-ce qu'il y a autre chose dont tu voudrais me parler ?


- Non, je crois pas, réponds-je en détournant le regard.


Roméo n'insiste pas mais il semble avoir compris que je lui mentais, je lui en ai déjà dit suffisamment pour ce soir, que ce soit pour lui ou pour moi, c'est beaucoup à digérer. Pour le reste, on verra plus tard.

Tu as aimé ce chapitre ?

2 commentaires

EmyDestiny

-

Il y a un an

J'ai hâte de lire la suite !

Rukyona

-

Il y a un an

Merci beaucoup, je suis ravie que l'histoire te plaise !
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