Fyctia

La soirée se termine tranquillement, nous apprenons encore un peu plus à nous découvrir et je réalise que j'ai de nombreux points communs avec Roméo : l'amour de la musique, des animaux, des jeux vidéos, du cinéma, j'ai l'impression que je pourrais discuter des heures avec lui et avoir toujours un sujet à aborder. Il est ouvert à la conversation mais aussi aux avis qui ne sont pas les siens, il cherche à comprendre et non à juger, au fur et à mesure que nous parlons, je commence à me dire qu'il est vraiment fait pour travailler dans la psychologie.

Au terme de la soirée, il propose de me ramener chez moi en voiture, j'accepte volontiers.

Une fois dans cette dernière, je me souviens des confessions qu'ils m'avaient faites à la fameuse soirée catastrophe :

- Tu sais, pour ce que tu m'as dit à propos de ta famille à la soirée, j'ai pas su comment réagir, j'aurais dû faire preuve de plus de réconfort, j'ai...

- T'en fais surtout pas Maya, tout va bien et je comprends, t'as vraiment pas à t'excuser.

- T'es sûr ? Je voulais me faire pardonner derrière en t'invitant à manger, mais ensuite il y a eu l'histoire avec Pauline et... Je sais pas, j'ai flippé.

- Tu voulais m'inviter à manger ? demande-t-il en souriant naïvement.

Je ricane :

- Oui, pour me faire pardonner.

- T'as pas à te faire pardonner mais j'accepte quand même l'invitation, ça nous permettra de retourner manger dans un bon restaurant et de discuter musique et cinéma, t'en dis quoi ?

- Oui, carrément !

Une fois devant mon immeuble, je remercie chaleureusement Roméo de m'avoir raccompagné chez moi et rentre l'esprit léger. J'ai passé une agréable et douce soirée, j'ai été déboussolée un court instant mais j'ai vite retrouvé le sourire. Roméo est solaire et il me donne envie de faire des efforts, je me sens si bien de lui avoir confié cette petite partie de mon histoire, je sais qu'il ne s'en servira pas contre moi. Il a juste fait preuve de bienveillance et d'empathie, ces deux qualités que je croyais perdues dans notre génération actuelle.

À l'avenir, j'espère pouvoir me faire d'autres amis et retrouver peu à peu foi en l'autre.

Nous sommes le 31 octobre. Ce soir, la plupart des gens de mon âge célébreront ma fête préférée tandis que de mon côté, je serai avachie dans mon canapé devant des films d'horreur que j'ai déjà vus des centaines de fois.

Je n'ai jamais pu me retrouver en soirée le jour d'Halloween. Quand j'étais petite, je faisais le tour des maisons de mon village quelques fois avec mes parents pour récolter quelques bonbons, je m'en souviens vaguement, mais sans plus.

Pourtant, cette fête m'a toujours fasciné. Rien que l'ambiance automnale me fascine : le soleil se couche plus tôt, il fait frais dehors, les feuilles tombent, le vent se lève, je me sens généralement bien durant cette période. C'est assez ironique car bien souvent les gens préfèrent l'été, les couchers de soleil tardifs, les barbecues et les terrasses entre amis. Je pense que dans mon cas, il est assez logique que je préfère les six mois de l'année les plus froids et tristes.

Cela fait quelques jours que j'ai eu mon rendez-vous avec Roméo, je dois le recontacter afin d'organiser le prochain. Je ressens une certaine appréhension, il semblait tout à fait enchanté à l'idée de remettre cela mais je ne sais pas encore vraiment ce qu'il pense de moi. Bien sûr, de mon côté je suis certaine qu'il ne veut rien de plus que de l'amitié, il est aussi beau que gentil et intelligent, je le vois mal jeter son dévolu sur moi. Je pense que je ferais une bonne amie, mais j'ai tout de même peur de développer des sentiments amoureux pour lui. Je n'y ai jamais vraiment réfléchi, ou alors je ne voulais pas me l'avouer, mais il est vrai que Roméo me plaît énormément, je ne voudrais pas gâcher une possible belle amitié à cause de sentiments parasites. Je dois à tout prix m'enlever cela de l'esprit et me concentrer à nouveau sur ce qui est important pour moi : me faire des amis et obtenir mon Master. Je penserai à l'amour plus tard.

Je prends mon courage à deux mains et envoie un SMS à Roméo :

- Salut Roméo, comment tu vas ?

- Oh, salut Maya ! Ça va super et toi ?

- Je vais bien aussi je te remercie. Je devais te recontacter pour notre prochain repas ensemble, tu te souviens ?

- Bien sûr que je me souviens, je me demandais quand tu allais revenir vers moi, j'ai même cru que tu avais oublié !

- Non du tout, désolée, j'ai consacré pas mal d'heures à la Psychopathologie ces derniers jours.

- Je comprends t'en fais pas.

- Ce soir tu serais disponible ?

- Tu fêtes pas Halloween ?

Tout à coup, je me souviens de la date du jour et me sens complètement idiote :

- Mince, désolée, j'imagine que tu dois être occupé, on peut faire ça une autre fois.

- Non, pourquoi ? Je suis disponible.

- Mais tu m'as demandé si je fêtais Halloween.

- Oui, parce que lors de notre dernière conversation, tu m'as confié ta passion pour les films d'horreur.

Je suis flattée qu'il ait retenu ce détail à propos de moi :

- Oh ! C'est vrai ! Non, je ne fête pas Halloween malheureusement mais c'est ma fête préférée !

- Faut carrément y remédier alors !

- Comment ?

- On m'a proposé plusieurs soirées déguisées dans des boîtes ce soir, ça te dit ?

- Je sais pas trop, je suis jamais allée en boîte de nuit.

J'angoisse à l'idée qu'il me juge. J'ai vingt-quatre ans et je n'ai jamais mis les pieds dans une boîte de nuit. Je ne sais pas comment ça se passe à l'intérieur mais mon anxiété risque de ne pas tenir le choc :

- Je vois, est-ce que tu voudrais essayer ? T'as le droit de dire non, on peut très bien faire autre chose, ça me dérange pas ! Je suis pas spécialement fan des boîtes pour être honnête, c'est d'ailleurs pour ça que je comptais pas y aller ce soir, mais si toi tu aimerais pouvoir fêter Halloween avec des gens et t'éclater, je serais ravi de t'accompagner.

J'ai du mal à croire que Roméo puisse agir uniquement dans mon intérêt. Je n'arrive pas à imaginer qu'un homme accepte de se plier à mes quatre volontés et me témoigne autant de respect, c'est assez nouveau pour moi, je ne sais pas comment accueillir toute cette bienveillance.

Au fond de moi, je n'ai pas spécialement envie d'aller en boîte, je n'y suis jamais allée mais je sais que ce n'est pas un endroit pour moi. Il y a du monde, du bruit et on peut également y faire de mauvaises rencontres, je suis certaine de ne pas m'y sentir à ma place. Néanmoins, je n'ai pas envie une fois de plus de refuser et de passer pour la fille chiante et coincée que je suis certaine d'être :

- Ok, allons-y ensemble alors !

- Super, est-ce que t'aimerais te déguiser ? Je crois que beaucoup de personnes ont prévu de le faire mais ce sera pas le cas de tout le monde, t'es pas obligée si tu veux pas. De mon côté, je pense pas le faire.

- Je pense pas non plus.

- Alors on est sur la même longueur d'onde ! Je passe te chercher aux alentours de 22h00, ça te va ?

- Oui, merci Roméo !

- Il n'y a pas de quoi Maya.