Fyctia
XIII : Stress
J'attrape sa main et la serre dans la mienne :
- Je ne sais pas comment te conseiller, t'as essayé d'avoir une discussion avec elle ?
- C'est impossible, elle ne comprend rien, elle est persuadée qu'on est faits pour être ensemble et que j'ai fait une grosse erreur en la quittant. Elle pense que dans quelque temps, je réaliserai ma bêtise et reviendrai vers elle, mais ça n'arrivera pas, je ne l'aime plus.
- Je vois, mais on ne peut pas la laisser dicter ta vie comme ça et t'empêcher de créer des amitiés, voire des relations amoureuses avec d'autres filles sous prétexte qu'elle t'aime encore.
- Je suis d'accord, mais je sais vraiment plus quoi faire.
Je commence déjà à réfléchir à une manière de calmer Pauline. Elle se fait du mal et elle en fait à Roméo par la même occasion, c'est malsain, ce n'est pas comme ça qu'elle réussira à faire le deuil de sa relation. Je compte bien faire en sorte de les aider tous les deux, même si je ne veux plus rien de la part de Pauline, j'aimerais au moins qu'elle laisse Roméo tranquille une bonne fois pour toutes.
Finalement, ce dernier sèche ses larmes et me sourit :
- Merci de ne pas t'être moquée de moi.
- Quoi ? Mais pourquoi je me moquerais de toi ?
- C'est pas tellement bien vu un grand garçon comme moi qui pleure pour une fille, j'ai toujours eu du mal à assumer mon côté sensible. Beaucoup de mes potes se sont déjà moqués de moi à cause de ça.
- Laisse-moi te dire qu'ils sont ridicules, il n'y a rien de plus touchant qu'un homme qui accepte sa part de sensibilité et d'émotivité.
- Je te remercie. Est-ce que je peux te poser une question ?
- Oui, je t'écoute.
- Qu'est-ce que Pauline t'a dit exactement lors de cette fameuse soirée ?
Mon cœur bat la chamade. Les durs mots prononcés par Pauline me reviennent en tête comme un boomerang et je me sens cruellement démunie face à Roméo. J'ai peur qu'il trouve ma réaction démesurée une fois que je lui aurai tout avoué, j'ai peur qu'il me trouve ridicule, qu'il se moque de moi, qu'il se mette à rire nerveusement, qu'il me dise que ce n'était rien, que j'en ai fait une montagne.
Néanmoins, c'est lui qui a pris la peine de revenir vers moi, il a été sincère, il a même pleuré devant moi, je ne me vois pas lui mentir ou ne pas répondre à sa question, j'ai envie de le remercier en faisant preuve d'honnêteté.
Je prends une grande inspiration.
Nerveusement, je commence à me confier :
- Après m'avoir demandé de quitter la table, elle est sortie du bar, nous nous sommes croisées et elle m'a demandé devant tout le monde si j'avais été violée, humiliée ou frappée, elle a aussi parlé de traumatismes en m'expliquant que tout le monde en avait et en insinuant que je faisais du cinéma.
Roméo est sans voix. Progressivement, je vois ses yeux s'écarquiller et il semble sous le choc. Au bout d'une dizaine de secondes, il réagit enfin :
- Honnêtement, je suis choqué par son comportement, elle me fait honte.
- T'as pas à t'en vouloir tu sais, t'as rien fait dans cette histoire, t'es pas responsable de ce qu'elle dit.
- Je sais, mais je me sens tellement mal pour toi, j'aurais aimé la suivre pour pouvoir te défendre et ensuite te ramener chez toi, j'étais trop occupé avec mes potes, j'ai fait ma soirée sans trop me poser de questions, je suis sincèrement désolé, j'aurais dû être plus attentif.
- C'est du passé maintenant, j'ai plus forcément envie de parler à Pauline mais j'ai aucun problème avec toi, je te rassure, malgré cette période de silence entre nous deux.
Nous nous regardons pendant quelques secondes avant que Roméo ne réagisse :
- Est-ce qu'un jour tu accepterais de me parler un peu de toi ?
- C'est-à-dire ?
- J'aimerais bien apprendre à mieux te connaître, j'ai constaté que tu souffrais probablement d'anxiété sociale, je peux ressentir une certaine douleur quand tu parles. Enfin, je comprendrais que tu ne veuilles pas forcément mais...
Soudain, je prends mon courage à deux mains et lui coupe la parole sans même m'en rendre compte :
- J'aimerais beaucoup te parler de moi.
- Cool, je suis content alors. Est-ce qu'on peut se voir ce soir ?
- Oui, tu veux qu'on aille manger quelque part ? demandé-je timidement.
- Ouais carrément, je connais un restaurant trop bon pas loin de la fac, ça te dit ?
- Oui, pas de souci, ça me va très bien.
- Niquel, je t'envoie l'adresse par SMS et on se retrouve là-bas vers 20h00, ça te va ? Pour le trajet ça devrait aller, c'est tout près de chez toi !
- Super, ça me va, à tout à l'heure alors.
- À toute !
Je n'arrive pas à croire que je viens d'accepter d'aller manger en tête à tête avec Roméo. J'essaie de ne pas m'emballer trop vite, après tout on peut très bien se voir en tant qu'amis en dehors des cours, c'est probablement ce genre de relation qu'il a en tête. Il veut apprendre à mieux me connaître pour que notre amitié puisse éclore pour de bon, rien de plus. Je suis certaine que tout se passera bien même si je suis angoissée à l'idée de lui révéler des choses sur moi que je n'ai jamais dites à personne. Je ne pense pas qu'il fera preuve de jugement à mon égard, au contraire, il sera probablement une oreille attentive et peut-être même que cela me fera du bien de parler de certaines choses avec lui. Dans tous les cas, j'ai pour but de faire preuve d'ouverture et de lui en dire le plus possible à mon sujet, en espérant que cela ne le fasse pas fuir.
Il est 18h27 lorsque j'arrive chez moi. Bien sûr, je me pose tout un tas de questions concernant mon rendez-vous de ce soir. Est-ce que l'ambiance sera gênante ? Sera-t-il à l'heure ? Vais-je avoir le cran de tout lui avouer ? Comment va-t-il réagir ? J'en ai presque mal à la tête.
Je tente de me calmer et commence à réfléchir à ma tenue. Je n'ai pas envie d'avoir l'air trop apprêté et qu'il pense que je m'imagine certaines choses avec lui. D'un autre côté, j'aimerais tout de même me mettre un minimum en valeur, je ne sais pas quoi faire. Au bout d'une vingtaine de minutes, je me mets finalement d'accord sur un pantalon palazzo prune et un chemisier blanc. Je laisse mes cheveux détachés et applique un trait d'eye-liner sur mes paupières ainsi qu'un peu de mascara. Je n'ai pas pour habitude de me maquiller, je privilégie bien souvent mon temps de sommeil malgré mon amour pour les produits de beauté.
Une fois prête, je constate que je ne suis pas encore en retard mais que ça ne saurait tarder. J'attrape mon sac à main, enfile mes baskets et sors de chez moi à toute vitesse. Une fois dehors, je mets mon GPS : quinze minutes de route à pied, c'est parfait.
Je me mets en route, de la musique dans les oreilles et une pointe d'angoisse dans le cœur, me demandant ce que cette soirée me réserve.
Une fois devant le restaurant, je me sens fébrile. Mes jambes ont du mal à suivre, j'ai l'impression que je vais m'effondrer d'une seconde à l'autre. Péniblement, je m'adosse à une rambarde et attrape mon téléphone : aucun message.
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