Fyctia
XI : Révélation
Après cette humiliation, Pauline retourne dans le bar, plus remontée que jamais. Elle aussi a vraisemblablement vécu des moments difficiles. Je peux comprendre son ressenti, mais je ne fais pas partie de ces personnes qui hiérarchisent la douleur d'un traumatisme ou qui estiment qu'elles ont vécu pire parce que ceci ou qu'il y a pire dans la vie parce que cela. Cela décrédibilise profondément la parole des victimes, je suis énervée contre elle, comment elle peut hurler de telles choses et rejoindre ses amis ensuite comme si de rien n'était ? Il est certain que je ne lui pardonnerai jamais, peu importe les motivations qui l'ont poussé à se comporter ainsi.
Tête baissée, je m'éloigne du bar rapidement, je suis secouée par cette soirée qui ne pouvait pas plus mal tourner mais je n'ai pas le temps de m'apitoyer sur mon sort. Je dois trouver un moyen de rentrer chez moi.
Cela fait maintenant une bonne vingtaine de minutes que je marche sans trop savoir où je vais. Bien sûr, j'utilise une application pour m'aider mais même si je me rapproche petit à petit de mon appartement, j'ai encore cinquante minutes de marche avant d'arriver chez moi. Prendre un taxi me coûterait bien trop cher et je ne connais personne qui puisse me ramener à part Roméo, que je n'ai pas envie de déranger une fois de plus. Je sais que je me mets en danger et que je pourrais probablement éviter toute cette angoisse d'un simple coup de fil mais je me sens mal à l'idée de gâcher la soirée de Roméo.
Par chance, les rues sont relativement bien éclairées et je croise souvent des jeunes étudiants, je ne me sens pas seule. Pour le moment, je tente de me rassurer au maximum et de rester concentrée sur mon objectif : rentrer chez moi le plus vite possible. Pour moi, cet événement est comme une punition, j'avais décidé de ne pas y aller et j'ai finalement changé d'avis, les choses ne pouvaient pas bien se terminer.
Alors que je marche depuis presque une heure, je réalise que je serai chez moi dans moins d'un quart d'heure. Je retrouve le sourire, rien ne me ferait plus plaisir que de retrouver mon cocon et me glisser bien au chaud sous ma couverture. J'accélère le pas, il n'y a plus de lumière et seul le flash de mon téléphone m'éclaire. Ce dernier n'ayant plus beaucoup de batterie, je me dois de mémoriser le trajet indiqué par mon application et surtout de me hâter. Même si je suis soulagée de savoir que je serai chez moi dans quelques minutes, je ne peux m'empêcher d'angoisser. Je me retourne toutes les dix secondes afin d'être certaine de ne pas être suivie.
Cette fois j'y suis, c'est la dernière ligne droite, il ne me reste que quelques mètres. Dans un dernier effort, je cours à toute vitesse pour rejoindre mon immeuble et y entre en un rien de temps. Je cours dans les escaliers pour rejoindre mon appartement et m'y faufile rapidement. Je soupire, enfin je suis arrivée.
Je jette mon sac à main au sol, retire mes vêtements et fonce sous la douche. L'eau est brûlante et cela me fait un bien fou, j'ai eu si peur. À présent, tout va pour le mieux et je me sens en sécurité. Néanmoins, maintenant que je ne crains plus rien, les événements de la soirée me reviennent en tête un par un.
D'abord, je repense à ce que Roméo a fait pour moi et je me mets en tête de le remercier comme il se doit. Je ne sais pas encore comment, mais je pense l'inviter à manger un midi.
Me viennent ensuite en tête les révélations familiales de Roméo. J'aurais aimé réagir différemment, peut-être qu'il n'a pas apprécié. Je n'ai pas su trouver les mots pour lui exprimer mon soutien, il m'a raconté sa tragique histoire et je me suis permise de me l'approprier en ayant les larmes aux yeux plutôt que de penser à lui. J'ai fait ce que j'ai pu sur le moment mais je sais que ce n'était pas suffisant, j'espère pouvoir me rattraper et surtout m'excuser.
Enfin, je pense à Pauline. Je suis écœurée par ce qu'elle m'a dit, par son comportement et par l'humiliation qu'elle m'a fait subir. Elle avait peut-être ses raisons, mais je n'accepte pas d'être traitée de la sorte, je ne le méritais pas. Au fond de moi, j'espère qu'elle va s'excuser mais j'en doute. À vrai dire, même si elle prenait la peine de le faire, je ne suis pas certaine que j'accepterais ses excuses.
Alors que je suis enfin dans mon lit bien au chaud, mon téléphone sonne, c'est Roméo :
- Maya, t'es où ? Pauline m'a dit que tu étais rentrée, tu as pris un taxi ?
Je meurs d'envie d'insulter Pauline de tous les noms mais je garde mon calme :
- C'est Pauline qui m'a demandé de partir.
- Quoi ? Comment ça ?
- Lorsque nous sommes arrivés au bar, je me suis installée à côté d'elle, elle était froide. Ensuite, elle m'a demandé de partir. Je suis allée dehors et quelques minutes plus tard, elle m'a rejoint. Elle m'a insulté et humilié puis est repartie.
Je conte l'histoire sans trop réaliser les faits, mais je n'ai pas envie de couvrir Pauline ni de la protéger, ce qu'elle m'a fait est intolérable :
- Je sais pas quoi dire, elle est allée trop loin cette fois.
- Cette fois ?
- Pauline est mon ex, je suis restée quatre ans avec elle.
Je ne sais pas comment réagir face à cette nouvelle, je reste silencieuse tandis que Roméo poursuit :
- On a vécu de beaux moments ensemble mais on a fini par nous éloigner, la crise sanitaire n'a pas aidé. C'est moi qui ai mis fin à notre relation, elle a essayé de me récupérer plusieurs fois mais je l'aime plus depuis un moment. Le problème, c'est que maintenant elle supporte pas de me voir avec une autre fille, elle veut pas passer à autre chose et je t'avoue que je sais plus quoi faire. Ça me dérangeait pas tellement quand elle s'en prenait à moi mais là... Je suis désolé.
- C'est pas grave, réponds-je timidement.
Je ne sais pas quoi lui dire, j'aurais dû m'en douter, Pauline m'avait déjà parlé de l'ex copine de Roméo et elle semblait différente quand je lui parlais de lui, elle aurait pu me le dire dès le début, je ne comprends pas pourquoi elle a attendu de pouvoir agir de la sorte alors que tout aurait pu être évité.
Roméo déglutit :
- T'es rentrée en taxi ? demande-t-il inquiet.
- Je suis rentrée à pied.
- Quoi ? C'est une blague ?
- Non.
- Mais Maya t'habites à au moins une heure de marche, c'est pas du tout éclairé vers chez toi la nuit, tu t'es mise en danger, pourquoi tu m'as pas appelé ? T'as fait une mauvaise rencontre ? T'es bien rentrée au moins ?
Son inquiétude me touche mais je ne veux pas m'emballer. Certes, il est adorable mais ce qu'il vient de me dire à propos de Pauline m'a complètement refroidi, il va me falloir un peu de temps pour passer à autre chose :
- Je suis désolée, je voulais pas te déranger. Ne t'en fais pas, tout s'est bien passé.
- Tu me rassures, mais ne fais plus jamais ça s'il te plaît.
- T'as raison, je n'aurais pas dû.
Nous discutons encore quelques minutes avant de raccrocher.
Ensuite, je pose mon téléphone et sombre rapidement dans les bras de Morphée en pensant à cette soirée catastrophique.
7 commentaires
Tonie Mat N’zo
-
Il y a un an
MONTENOT Florence
-
Il y a un an
Ska
-
Il y a un an
Rukyona
-
Il y a un an
Ashley_Parker
-
Il y a un an
Rukyona
-
Il y a un an
Jodie P.M
-
Il y a un an