Fyctia
X : Incompréhension
Alors que nous tentons de nous frayer un chemin pour entrer dans le bar, je bouscule un groupe de filles :
- Oh pardon, je suis désolée ! m'écrié-je instantanément.
- T'as le droit de regarder où tu marches, me répond froidement l'une des filles du groupe.
- Je suis désolée, il y a du monde et...
Roméo me coupe la parole :
- C'est bon, y'a des gens partout, tout le monde se pousse, elle a pas fait exprès.
- T'as de la chance d'être avec ton mec.
Mon mec ? Je ne réagis pas et me contente de poursuivre ma route, les choses commencent à s'envenimer pour pas grand chose et je n'ai pas envie de me battre ou d'attirer l'attention sur nous. Gênée, je garde les yeux baissés et laisse Roméo me guider afin d'éviter une nouvelle situation dangereuse.
Au bout de quelques minutes, nous finissons par trouver le groupe d'amis de Roméo. La joyeuse bande est installée à une grande table. J'aperçois Pauline et lui sourit mais je ne la sens pas réceptive, elle me jette un regard froid, il fait plutôt sombre alors je suppose qu'elle ne m'a tout simplement pas reconnue.
Je lâche la main de Roméo pour aller m'installer près d'elle :
- Salut Pauline !
- Salut.
- Est-ce que ça va ? Tu te souviens pas de moi ?
- Si, si.
Je la trouve terriblement froide et son attitude me met mal à l'aise. Je ne vois pas pourquoi elle se comporte de la sorte avec moi, je ne lui ai rien fait et je ne comprends pas sa méchanceté soudaine. Pour autant, je ne baisse pas les bras, je ne la connais pas encore bien mais je l'apprécie déjà beaucoup et si j'ai fait quelque chose de mal, j'aimerais être au courant pour pouvoir arranger les choses :
- J'ai fait quelque chose de mal ?
- Écoute Maya, je suis avec mes amis ce soir, j'ai pas forcément envie de me taper une nana incapable de vivre en société.
- Pardon ?
- T'as bien entendu, je veux bien que tu quittes notre table assez rapidement s'il te plaît.
Je reste bouche-bée. Incapable de bouger, je commence à m'en vouloir d'avoir finalement accepté de venir. Roméo est en train de rire avec ses amis, il ne semble pas remarquer ce que je suis en train de vivre avec Pauline et je n'ai pas envie de lui en parler. Je préfère le laisser profiter, il a déjà fait beaucoup pour moi.
Soudain, je me sens nauséeuse, je sais que je ne suis pas à ma place, je l'ai toujours su. Je dois partir et vite. Je finis par trouver le courage de me lever. Avant de quitter la table, je tente de jeter un regard désespéré à Pauline mais cette dernière m'ignore superbement et regarde dans la direction opposée. Je suis profondément peinée par la situation mais une partie de moi s'attendait à ce dénouement.
Alors que je commence à partir, Roméo me retient :
- Attends Maya, tu viens d'arriver, tu pars déjà ? Quelque chose ne va pas ?
Je déglutis. Il me faut quelques secondes pour lui répondre tant il est difficile de parler avec une boule dans la gorge :
- Je... Si, tout va bien, j'ai besoin d'aller aux toilettes, je reviens vite.
- D'accord, on bouge pas d'ici.
Je m'éloigne de la table rapidement et finis par retrouver l'extérieur. Je ne sais pas où je suis ni comment rentrer. J'ai envie de vomir mais je tente par tous les moyens de reprendre mes esprits. Je fais des exercices de respiration, je ferme les yeux quelques secondes, j'essaie de me détendre.
Au bout de quelques minutes, je me sens mieux et décide de sortir mon téléphone pour chercher un moyen de rentrer chez moi.
Par chance, un bus devrait passer non loin du bar d'ici une dizaine de minutes. Je suis angoissée par les transports en commun en général, j'ai de nombreuses peurs irrationnelles à ce sujet. J'ai peur que le chauffeur ne s'arrête pas à mon arrêt, que je le rate, que le bouton d'arrêt ne fonctionne pas. Lorsque je prends les transports avec une ou plusieurs personnes, je suis rassurée, mais seule, je suis tétanisée. Néanmoins, je n'ai pas le choix, je vais devoir me faire violence si je veux pouvoir rentrer chez moi car c'est le dernier bus de la soirée.
Alors que je m'apprête à me rendre à l'arrêt de bus, Pauline fait irruption hors du bar :
- T'es encore là toi ? me demande-t-elle agacée.
Cette fois, je ne compte pas me laisser faire :
- Je sais pas ce que je t'ai fait mais si tu voulais pas apprendre à me connaître ou même que je vienne à cette soirée, t'avais qu'à me le dire, pas besoin de te comporter comme une connasse.
Je réalise que je viens de l'insulter sans réfléchir, je m'en veux instantanément mais d'un autre côté, je ne pense pas avoir tort, j'aurais pu m'exprimer autrement, certes, mais Pauline n'a pas à me traiter de la sorte.
Elle soupire :
- Pourquoi tu tenais la main de Roméo en arrivant ? Vous êtes déjà en couple ? C'est rapide, non ?
- Il sait que je suis angoissée par tout ce monde, il m'a juste pris la main pour pouvoir me guider et me rassurer, c'est tout.
- Pf, ça t'arrange bien de jouer les pauvres filles en détresse, forcément, gentil et bête comme il est, Roméo est tombé sous ton charme, il croit pouvoir te sauver, te venir en aide, il te voit comme une petite chose fragile. Vous êtes ridicules, tous les deux.
- Tu me connais pas Pauline, j'ai...
- T'as vécu des choses, c'est ça ? Des choses tristes qui t'ont traumatisées ? Pauvre pitchoune, c'est vrai que t'es la seule à être traumatisée, la seule dont on doit s'occuper.
Elle commence à hurler et à attirer l'attention sur nous. Je me sens terriblement mal à l'aise, je ne sais pas comment arrêter ça et pendant ce temps, les minutes passent et je risque de rater mon bus.
Elle poursuit :
- Il t'est arrivé quoi ? Tu t'es fait violer, frapper, humilier ? C'est le cas pour nous toutes, pourtant tu me vois pas chialer toutes les cinq minutes et avoir peur de mettre un pied dehors !
Personne n'intervient, je cherche Roméo du regard mais il est probablement toujours à l'intérieur du bar. Je ne suis pas dans un conte de fées, mon prince charmant ne va pas débarquer et me sauver de cette humiliation, je dois m'en sortir seule mais je suis tétanisée par Pauline. Ses propos me blessent, même si au fond, elle a raison. Je me sens inutile, j'ai l'impression de toujours devoir compter sur les autres même pour faire des choses insignifiantes, à vingt-quatre ans j'ai encore cette impression de découvrir la vie comme une enfant de huit ans et d'avoir peur de chaque chose qui m'entoure.
Les larmes montent, je tente de les retenir mais il ne leur faut que quelques secondes pour se déverser sur mes joues. Pour combler le tout, j'aperçois mon bus au loin s'éloigner.
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Lola B. Thomas
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