Rukyona Malgré elle IX : Confidences

IX : Confidences

- J'ai perdu mon père lorsque j'avais sept ans. Il s'est donné la mort, personne n'a jamais compris pourquoi. Pendant longtemps, on m'a caché les vraies raisons de sa disparition, la vérité c'est que ma mère l'a retrouvé pendu dans notre garage alors que j'étais en vacances chez une tante. Je l'ai appris des années plus tard en fouillant dans des papiers.


Soudain, je vois les mains de Roméo se crisper, il semble être en colère mais fait de son mieux pour le camoufler. Il sourit et poursuit son histoire :


- C'est complètement con mais, j'ai voulu comprendre ce qui avait poussé mon père à faire ça, ce qui avait poussé ma mère à me mentir, naturellement je me suis orienté vers psycho pour toutes ces raisons mais quand j'y pense, c'est tellement stupide de vouloir trouver des réponses à ce genre de questions dans des bouquins à la con.


Son vocabulaire a changé. Il est grossier, ses phrases sont plus longues, il perd presque son souffle, il semble se noyer dans ses mots, il souffre terriblement et je le réalise pour la première fois. J'ai l'intime conviction qu'il a besoin d'aide et de soutien, je ne sais pas quoi répondre à toutes ces révélations, j'ai les larmes aux yeux et je tente au mieux de les retenir, son histoire est insoutenable mais je tiens quand même à lui signifier ma présence. Délicatement, je pose une main sur sa cuisse et lui adresse un sourire tendre et empathique.


De son côté, il me rend mon sourire :


- Je suis désolé, je te balance ça comme ça alors qu'on se connaît à peine, je sais pas à quoi je pensais, évidemment tu sais pas quoi répondre, je vois pas ce qu'on peut répondre à ça, je t'ai complètement fait flipper avec mes histoires.


Je serre un peu plus sa cuisse et lui souris à nouveau :


- Tout va bien, je te remercie de m'avoir fait confiance et de t'être confié à moi, tu n'as pas à t'excuser, je suis navrée d'apprendre ce que tu as traversé et bien que je ne puisse pas me mettre à ta place, j'arrive tout de même à comprendre les motivations qui t'ont poussées à entrer en psycho.


- Tu es adorable, merci beaucoup.


Après quelques minutes de silence, Roméo m'adresse un regard complice :


- Bon allez, à ton tour maintenant, pourquoi psycho ?


Je me sens fébrile. Roméo ne se rend pas compte que ce qu'il vient de me dire est extrêmement bouleversant. Certes, il vit avec depuis des années et doit probablement s'être construit une carapace qui l'empêche de réaliser la gravité des faits, mais en parler avec tant d'aisance peut mettre mal à l'aise les personnes qui l'entourent, je ne sais pas quoi faire ni quoi dire, j'ai le souffle coupé.


Soudain, la voiture s'arrête et je réalise que Roméo vient de se garer sur un parking désert :


- Je suis désolé, dit-il timidement.


- Pourquoi ?


- Tu es perturbée par ma faute, je le vois bien. J'ai toujours tendance à raconter cette histoire avec détachement, bien que je ne la raconte pas à tout le monde, j'essaie de me protéger, mais j'oublie trop souvent que les personnes qui entendent cette histoire sont forcément atteintes. En plus, j'ai voulu passer à autre chose après tout naturellement, sans prendre en compte ta réaction, je suis sincèrement désolé.


Je n'arrive pas à lui en vouloir, je peux comprendre sa manière d'agir, j'ai déjà agi de la même façon par le passé :


- Ne t'en fais pas, je comprends parfaitement.


- Tu veux bien qu'on passe à autre chose ? demande-t-il en chuchotant.


- Tu es sûr ? réponds-je étonnée.


- Oui, je veux passer une bonne soirée, si ça te va, on en reparlera une autre fois.


Je dois bien avouer que je suis perturbée, c'est lui-même qui m'a raconté cette histoire. Il est vrai que je lui ai posé une question mais il n'était pas obligé de me répondre sincèrement s'il ne voulait pas en parler. Il aurait pu m'en parler plus tard ou attendre qu'on se connaisse davantage, je pense qu'il n'a pas trop réfléchi et je n'ai pas envie de lui en tenir rigueur. Je lui adresse un franc sourire et lui propose que nous repartions en direction de la soirée.


Sur le chemin, il me pose une nouvelle fois la question en rapport avec nos études :


- Alors, pourquoi la psycho ?


Bien sûr, je m'attendais à ce qu'il me la pose en retour, mais après ce dont il vient de me parler, je n'ai pas le courage de lui dire la vérité :


- J'ai toujours aimé jouer les psychologues avec mon entourage. Je pose des questions, j'essaie d'aider, de conseiller, je suis empathique et j'aime beaucoup écouter. J'ai pris cette habitude de parler peu de moi mais de beaucoup écouter les autres, les gens se confient facilement à moi j'ai l'impression. La psycho fait partie de moi depuis toujours, je pense.


Ce que je lui ai dit n'est pas faux mais je n'ai pas été très honnête, il y a plusieurs autres éléments qui font que je me suis orientée vers la psychologie mais je ne crois pas être capable de lui en parler maintenant.


Il sourit :


- C'est super, effectivement tu es une personne à qui on souhaite naturellement se confier, tu es rassurante et douce, tu dégages une énergie très positive qui donne envie de se laisser aller.


C'est bien la première fois qu'une personne me fait de tels compliments. Je réalise à cet instant que Roméo se fait probablement une fausse idée de ce que je suis réellement. Je suis bien loin d'être la jeune femme douce qu'il imagine, j'espère qu'à l'avenir je pourrais faire en sorte qu'il continue à penser que ses impressions sont les bonnes. Mais à la moindre contrariété, je risque de lui révéler qui je suis réellement et de le faire fuir. Je n'ai pas envie de le perdre maintenant, pas après tout ce qu'il m'a confié et tous les efforts que j'ai faits pour créer un début d'amitié avec lui.


Lorsque nous arrivons enfin devant le bar, je ne me sens pas très bien. J'ai l'impression de ne pas être à ma place. Il y a beaucoup de monde, des cris, des rires, de l'alcool, du tabac, la plupart des personnes présentes devant le bar ne semblent pas en pleine possession de leurs moyens.


Roméo ne semble pas étonné, il a le sourire aux lèvres et se gare à quelques mètres du bar. Ensuite, il sort de la voiture et se dirige vers ma portière pour l'ouvrir et m'inviter à sortir :


- Tout va bien se passer ma belle, je suis avec toi, ok ?


Je hoche la tête timidement et sors de la voiture.


Une fois cette dernière verrouillée, nous nous dirigeons tous les deux vers le bar et je sens les battements de mon cœur s'accélérer.


Il y a un monde fou. Pauline ne m'a pas menti concernant les soirées étudiantes. J'ai l'impression que toute l'Université est présente dans les rues de la ville. Je suis collée à Roméo, ce dernier a remarqué rapidement que je n'étais pas à mon aise et me tient fermement la main droite depuis que nous sommes sortis de la voiture. Je ressens une étrange sensation de sécurité avec lui, j'ai l'impression qu'il ne pourra rien m'arriver ce soir.

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2 commentaires

Meg Archeion

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Il y a un an

Coucou ! Bon, je me suis laissé aller à lire les chapitres sans commenter ; oups 🤭? J'aime beaucoup le rythme, on a le temps d'apprendre à connaître les personnages, un peu comme une danse où on ne cesse d'avancer et reculer 😉 La franchise de Roméo est adorable, même si le côté mystérieux de Maya m'intrigue sans que je ne parvienne à déduire quoique ce soit : Roméo la complimente en disant qu'elle semble être une fille à l'écoute (ce qui parait déranger un peu Maya, elle a l'impression d'être un imposteur) Je n'avais pas la même impression que Roméo quant à Maya, mais ça rend la chose encore plus intrigante. En quoi l'image extérieure de Maya est si différente de ce qu'elle est à l'intérieure ? Et quels sont ses démons ? On traine de plus en plus de questions au fil de l'histoire qui avance, et j'ai hâte de découvrir ces fameux secrets !
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