Fyctia
VII : Doutes
Alors que je suis en train de manger des nouilles devant une série, je reçois un message Instagram de la part de Roméo :
- Salut, je t'ai pas vue aujourd'hui ! Comment tu vas ?
- Salut Roméo, ça va super et toi ?
- Niquel, tu as passé une bonne journée ?
- Bof, j'ai été éjectée du premier cours sans ménagement parce que je suis arrivée en retard, c'était hyper humiliant.
- Ma pauvre, une amie m'en a parlé, c'est vraiment dégueulasse.
- Pauline ?
- Oui, comment tu sais ça ?
- Elle ne t'a pas parlé de moi ?
- Si, elle m'a raconté l'histoire de ce matin, elle m'a dit qu'elle avait pris ta défense.
- C'est tout ?
- Oui, pourquoi ?
Je suis perplexe. Pourquoi Pauline ne lui a pas parlé de notre matinée ensemble ? Nous avons passé deux longues heures à discuter de tout et rien, elle m'a appris pleins de choses et m'a même parlé de Roméo, je ne comprends pas pourquoi elle lui a caché cela.
Après quelques secondes d'hésitation, je décide de dire la vérité à Roméo, je ne suis pas une menteuse :
- On a passé une bonne partie de la matinée ensemble avec Pauline, on a parlé de pleins de choses, elle m'a même dit que tu faisais partie de son groupe d'amis.
- Sérieux ?
- Ouais.
- Je ne sais pas pourquoi elle ne m'a rien dit, c'est un peu bizarre. Merci de m'en avoir parlé.
- Je vais pas avoir de problèmes, hein ?
- Non t'en fais pas, t'as pas de souci à te faire. Au fait, tu viens jeudi soir ? J'imagine que Pauline t'en a parlé.
- Oui. J'étais partante mais avec ce que je viens d'apprendre je me sens un peu réticente, peut-être que Pauline ne m'apprécie pas, elle voulait probablement juste être gentille. C'est mieux que je n'y aille pas.
- Dis pas n'importe quoi, Pauline n'a pas son mot à dire, tout le monde peut venir, et je t'assure qu'elle t'a apprécié, elle a sûrement juste décidé que ce n'était pas utile de me parler de votre matinée. Il ne faut pas que tu prennes les choses tant à cœur, laisse-toi aller et fais ce que tu veux vraiment. Si ça peut t'aider, je resterai avec toi.
- Et tes amis ?
- Oh peu importe ! Y'en aura d'autres, arrête de t'inquiéter Maya.
- Merci beaucoup Roméo.
La conversation se termine et je suis mitigée. Je suis rassurée par les mots de Roméo, il semble toujours si doux et protecteur, mais je commence à me poser des questions à propos de Pauline. Pour le moment, on ne se connaît pas plus que cela, certes, mais j'espère qu'à l'avenir elle saura faire preuve de franchise à mon égard et que je pourrais avoir le fin mot de cette histoire.
Nous sommes déjà jeudi, le temps est passé à une vitesse folle. Pour le moment, mes cours se déroulent plutôt bien. J'essaie au maximum de rester concentrée, bien que mon esprit dévie parfois vers d'autres pensées moins universitaires.
Ma dernière conversation avec Roméo me trotte encore dans la tête, il s'est montré si gentil avec moi, une nouvelle fois. Je me méfie toujours de lui, ses intentions ne sont pas encore claires à mes yeux, il me paraît primordial de rester sur mes gardes.
Il est bientôt 20h00 et je ne suis toujours pas prête pour la soirée. J'angoisse terriblement. Pauline m'a donné toutes les informations, le lieu, l'heure, elle m'a même donné une idée du nombre de personnes présentes, je devrais être rassurée mais c'est tout sauf le cas. Je suis terrorisée à l'idée de me rendre en ville, d'interagir avec des inconnus, de passer pour une pauvre fille. J'ai peur que les gens me trouvent laide, qu'ils se moquent de moi, qu'on me montre du doigt. Pourtant, les personnes de mon âge devraient être un minimum matures, elles n'ont aucune raison de mal me traiter ou de me juger. Je sais que mes peurs sont infondées et ridicules mais je n'arrive pas à les bannir de mon esprit. Elles me hantent constamment, je n'arrive pas à voir le bien chez les gens que je rencontre, je les soupçonne toujours d'avoir de mauvaises intentions à mon égard.
Doucement, je commence à intégrer le fait que je ne vais pas aller à cette soirée. Je n'ai pas de nouvelles de Roméo et encore moins de Pauline, ils m'ont probablement oublié et ce n'est pas plus mal. Je suis certaine qu'ils sauront s'amuser sans moi, ce n'est pas comme si j'étais primordiale à leur soirée.
Soudain, mon téléphone sonne, je décroche :
- Allô ?
- Salut Maya, c'est Roméo ! Tu viens à quelle heure ?
Je déglutis :
- Je ne vais pas venir je crois.
- Quoi ? Comment ça se fait ?
Je peine à m'exprimer. Roméo semble déjà être sur place, j'entends du bruit derrière lui, de la musique, des gens qui hurlent, qui lui demandent de raccrocher, j'ai l'impression de gâcher son début de soirée et j'ai envie de lancer mon portable contre un mur. Je respire un grand coup et tente de garder mon calme :
- Je suis crevée, je pense pas être capable d'assumer une soirée en pleine semaine.
- C'est quoi encore cette excuse ? Tu vas plus en avoir à force ! dit-il en riant.
Il n'a pas tort, je passe mon temps à me trouver des excuses depuis notre rencontre. J'ai toujours fait en sorte de garder en moi ce que je ressens vraiment dans le but d'éviter de blesser mon entourage, mais quand est-il de moi ? Je n'ai pas assez d'amour et de respect pour moi pour m'infliger le même traitement.
Roméo enchaîne :
- Allez, donne-moi ton adresse, je viens te chercher.
- Quoi ? Mais... J'ai pas vraiment d'arrêt de bus tout près de chez moi, tu vas devoir marcher un peu, en plus tu es déjà à la soirée, j'ai pas envie de...
- Maya, respire, ça va aller, si je te dis que je viens te chercher, rien ne m'empêchera de le faire, sauf si tu n'en as pas envie. Mais, dis-moi si je me trompe, j'ai surtout l'impression que tu te cherches des excuses car tu as peur de venir.
- Tu ne te trompes pas.
- Alors laisse-moi te montrer que tu peux passer une bonne soirée, rencontrer des personnes chouettes et te laisser aller. Je te ramènerai chez toi à la fin de la soirée.
- Tu es sûr ?
- Certain. Prépare-toi et envoie-moi ton adresse par SMS.
Nous raccrochons et une larme coule sur ma joue droite. Je ne sais pas ce qu'elle symbolise. Je me sens chanceuse mais je culpabilise cruellement d'obliger Roméo à quitter la soirée. Certes, c'est lui qui a fait ce choix, mais j'ai tout de même grandement l'impression de l'y avoir forcé. Je me sens comme une gamine, incapable de prendre des décisions, incapable de me rendre seule à une soirée banale entre étudiants, incapable d'affronter le monde extérieur.
Soudain, je fonds en larmes.
3 commentaires
MONTENOT Florence
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Il y a un an
meline g
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Il y a un an
Rukyona
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Il y a un an