Fyctia

Après deux heures de travail, nous décidons tous les deux qu'il est temps pour nous de nous séparer. La journée fut longue et intense et l'idée de rentrer chez moi ne me déplaît pas, cela fait bien trop longtemps que je suis éloignée de mon cocon.

Je remercie chaleureusement Roméo de m'avoir aidé et avant que nous nous quittions, je décide de faire un pas vers lui :

- Est-ce que par hasard tu aurais Instagram ?

- Madame veut me draguer ? demande-t-il en riant.

- Non, je... Enfin...

- Te justifie pas, je te taquine. Je t'écris ça sur un papier avec mon numéro de téléphone en bonus, laisse-moi juste deux secondes.

Je le trouve fascinant. La manière qu'il a d'être si léger et plaisantin, alors même que de mon côté chaque interaction sociale est source d'angoisse. Nous sommes tellement différents que je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi il m'attire tant, et surtout, ce qui peut l'attirer chez moi.

Il est souriant, extraverti et plein de vie, il semble embrasser chaque seconde de son quotidien et s'émerveiller pour un rien, il a foi en toute personne qu'il rencontre, il cherche à connaître les gens qui l'entourent et à toujours faire preuve de gentillesse à leur égard, je suis le strict opposé. Je suis sombre, triste et bien trop abîmée par la vie pour l'embrasser ou la savourer, je vis certains jours comme un supplice et il m'arrive d'avoir des idées noires du lever au coucher.

Alors que je cogite encore sur nos différences, Roméo me tend un papier :

- Et voilà ! s'écrit-il le sourire aux lèvres.

- Je te remercie beaucoup, et merci encore de m'avoir aidé.

- Pas de problème Maya, ce fut un plaisir, à bientôt !

Avant de partir, il me fait la bise et je sens mes joues se mettre à chauffer. Une fois de plus, j'imagine la tête que je dois avoir, je suis probablement rouge comme une tomate mais je n'y peux rien, je ne suis plus habituée à ce qu'un garçon fasse preuve d'une telle douceur envers moi. Roméo est tendre comme un agneaux, pour le moment je ne lui trouve aucun défaut, il a su me mettre à l'aise immédiatement et en confiance.

Néanmoins, j'ai peur de m'attacher trop vite à lui. De mon côté, je n'ai aucun ami, je sais que je suis susceptible de m'amouracher d'une personne à trop grande vitesse et de m'en mordre les doigts. J'ai bien vu qu'il était entouré, il connaît et parle à tout le monde, il n'aurait aucun mal à passer chaque minute de ses journées sur le campus avec une personne différente. J'ai bien peur de ne jamais pouvoir développer quoi que ce soit avec lui.

En rentrant chez moi, je suis rassurée. Cela me fait un bien fou de retrouver mon cocon de sécurité et de tranquillité. Lorsque je suis chez moi, je n'ai pas besoin de faire attention à tout ce que je dis ou fais, c'est agréable de pouvoir être soi-même sans la peur du regard des autres.

Alors que j'écoute de la musique pour me détendre, je décide de faire un tour sur les réseaux sociaux. Évidemment, j'ai Roméo en tête, je meurs d'envie d'aller faire un tour sur son profil Instagram. Je suis certaine qu'il a au moins mille abonnés, voire plus, il doit être populaire dans cette ville.

Je tape nerveusement son pseudo dans la barre de recherche et le trouve rapidement. Après une grande inspiration, je clique sur sa photo et suis dirigée sur vers son profil. J'écarquille les yeux avec stupéfaction :

- 83 abonnés ! C'est tout ? m'écrié-je.

Je suis sous le choc. Comment un garçon si extraverti et qui semble apprécié par tout le campus peut avoir moins d'une centaine d'abonnés sur Instagram? Plusieurs fois, je vérifie que je ne me suis pas trompée de pseudo, n'arrivant pas à croire ce que j'ai sous les yeux. Au bout de cinq minutes, je suis bien obligée d'admettre que je suis bel et bien sur le profil du Roméo que j'ai rencontré aujourd'hui à l'Université.

Après encore quelques minutes d'hésitation, je finis par le suivre, en espérant qu'il fasse de même en retour.

Sur son profil, il n'y a pas beaucoup de photos, certaines datent même d'il y a plusieurs années. Il ne semble pas alimenter ses réseaux sociaux plus que cela. Il ne poste jamais de photos sur lesquelles il est seul, uniquement des photos avec ses amis, ce qui m'étonne grandement. C'est un garçon qui semble avoir confiance en lui, cela ne m'aurait pas étonné qu'il se mette davantage en valeur sur ses réseaux sociaux.

De mon côté, je n'ai jamais rien publié sur mon compte, je n'ai pas assez confiance en moi pour prendre de jolis selfies et les poster. De plus, je n'ai aucun ami avec qui faire des photos, je n'ai aucune raison de publier quoi que ce soit, j'utilise surtout Instagram pour pouvoir suivre les gens, mais personne ne me suit.

Cela fait maintenant deux heures que j'ai suivi le profil de Roméo sur Instagram, aucune nouvelle. Je n'ai pas eu de retour de sa part pour le moment et je commence à cogiter, j'ai peur qu'il se sente oppressé. Mon unique but est de me faire un ami, je ne veux pas qu'il s'imagine que je veux lui mettre le grappin dessus, je n'oserais même pas y penser.

Soudain, mon téléphone vibre légèrement. Nerveusement, je tends une main tremblante pour l'attraper et regarder l'écran. Je peux lire une notification Instagram, Roméo vient tout juste de me suivre en retour, je peine à y croire. Je décide de ne pas lui envoyer de message, j'ai déjà fait beaucoup en lui demandant ses réseaux sociaux, j'ai même obtenu son numéro de téléphone, je ne me sens pas capable de faire plus aujourd'hui.

Pour l'heure, j'ai besoin de repos et de calme. Il commence à se faire tard et je rêve d'une longue nuit de sommeil, déjà angoissée par la journée de demain.

Après une douche bien méritée, je mange des pâtes au fromage et me glisse sous ma couette. Il fait encore un peu chaud pour être aussi couverte mais je me sens plus que jamais en sécurité, emmitouflée dans mon cocon.

Rapidement, je sombre dans les bras de Morphée en pensant à ma rencontre d'aujourd'hui.

Au réveil, j'ai encore du mal à réaliser tout ce que j'ai fait la veille. Pour quelqu'un d'aussi anxieuse que moi socialement, j'ai toujours beaucoup de mal à croire que j'ai réussi à créer un début d'amitié avec un garçon. J'essaie de ne pas trop m'emballer sur le sujet, je pourrais être surprise. Je ne suis pas à l'abri qu'il me snobe complètement à partir d'aujourd'hui ou pire, que je ne le croise plus sur le campus. Après tout, c’était bien trop beau pour être vrai, j'aurais pu rêver.

La journée s'annonce mitigée, je suis excitée à l'idée de potentiellement revoir le beau Roméo mais également angoissée par les cours et surtout : la foule. Nous sommes tellement nombreux en Psychologie qu'il est compliqué de circuler dans les couloirs en toute tranquillité ou de trouver des places en amphithéâtre. J'ose espérer que les choses vont s'arranger tout doucement et que je vais m'y habituer, mais je n'en mettrais pas ma main à couper.