Rukyona Malgré elle V : Retard

V : Retard

Je décide de faire un effort vestimentaire pour ce deuxième jour. J'enfile une jupe rose que je ne mets que trop rarement et un chemisier blanc. J'adore ma tenue, j'ai toujours rêvé de la porter, j'ai envie d'aller à l'encontre de mes pensées intrusives pour une fois. Je veux avoir confiance en moi, ou au moins faire semblant, ce serait un bon début.


Une fois prête et bien apprêtée, j'enfile mes chaussures, mets mes écouteurs, attrape mon sac et sors de chez moi le sourire aux lèvres.


Au bout de quelques mètres, je perds instantanément le peu de confiance que j'avais en cette journée. Je croise plusieurs groupes d'étudiants avec cette impression dérangeante qu'ils me dévisagent tous et se moquent de moi. Je suis certaine de me faire des films mais cela suffit à me faire rebrousser chemin. Je fais demi-tour les larmes aux yeux et rentre chez moi à la vitesse de la lumière.


Une fois de retour dans mon appartement, je retire ma jupe et enfile un jean, je pense que cela devrait faire taire les mauvaises langues. En y repensant, ma jupe était bien trop courte, j'aurais dû me douter que cela ne plairait pas à tout le monde. Je me sens stupide d'avoir cru que je pouvais me sentir belle en toute impunité.


J'ai tout de même conservé mon chemisier blanc. De toute manière, je n'ai pas le temps de faire plus, je dois à tout prix me dépêcher si je veux arriver à l'heure à mon tout premier cours de la journée.


Avec toutes ces péripéties, je me retrouve devant l'amphithéâtre à 09h08. La porte est fermée, je l'ouvre timidement. L'enseignant me dévisage, visiblement agacé à l'idée qu'une étudiante perturbe son cours :


- Quelle heure est-il ? me demande-t-il.


Tous les étudiants se tournent vers moi. Certains rient, d'autres chuchotent en me dévisageant, je me sens terriblement mal, j'aimerais disparaître. Je devine que sa question n'attend pas de réponse, son unique but est de m'humilier :


- Voyez-vous, jeunes gens, le cours commence à 09h00. Les portes se ferment à 09h00. Que se passe-t-il lorsque les portes sont closes ? Cela veut dire que l'accès n'est plus autorisé. Alors je me fiche de vos problèmes de transport ou de vos pannes de réveil, arrivez à l'heure ou dégagez.


Je me retiens d'éclater en sanglots.


Timidement, je m'apprête à quitter l'amphithéâtre lorsque j'entends une voix féminine au loin :


- Vous êtes pas obligé de lui parler sur ce ton, c'est pas comme si elle avait quarante minutes de retard, vous pouvez pas humilier les gens comme ça !


- Si vous n'êtes pas contente, vous suivez votre camarade. J'ai déjà perdu trop de temps avec ces bêtises, ne perturbez pas davantage mon cours.


La jeune fille se lève brusquement et se dirige vers moi à toute vitesse :


- Allez viens, on va prendre un café, me dit-elle en souriant.


Une fois sortie de l'amphithéâtre, je pousse un long soupir de soulagement. Néanmoins, je me sens terriblement mal pour la jeune fille qui s'est fait exclure par ma faute :


- Est-ce que je peux te payer le café ? lui demandé-je timidement.


- Oh t'embête surtout pas avec ça, je déteste ce prof, je l'avais déjà l'année dernière, c'est un vrai connard condescendant, c'est pas la première fois que je le vois agir comme ça avec ses étudiants, c'était la fois de trop. Ça me rend folle que personne d'autre ne réagisse face à tant d'injustice. Je suis contente d'avoir pris ta défense.


Je lui souris, elle semble tout aussi gentille que Roméo. D'ailleurs, je ne l'ai pas vu dans l'amphithéâtre, il faut dire que j'osais à peine regarder les gens autour de moi, je ne supporte pas d'être le centre de l'attention.


Une fois nos cafés en mains, ma sauveuse et moi allons nous installer sur un banc :


- Alors, dis-moi tout, comment tu t'appelles ?


- Maya, et toi ?


- Pauline, ravie de faire ta connaissance.


- De même, réponds-je en regardant mes chaussures.


Pauline me jette un regard inquiet :


- T'es sûre que tout va bien ? Faut pas te tracasser avec le cours, j'ai pleins de potes qui sont dans l'amphi et qui ont déjà prévu de me l'envoyer, je te le donnerai ce soir, t'inquiète !


- C'est gentil, merci beaucoup.


- Tu sembles affreusement gênée, est-ce que je te mets mal à l'aise ? Tu peux me dire si c'est le cas, j'ai tendance à beaucoup parler, je m'emballe vite, je suis désolée.


Je n'avais jamais été confrontée à une personne qui semble se sentir mal à cause de son enthousiasme. En général, les gens m'en veulent d'être en retrait et discrète, elle semble être gênée et angoissée à l'idée de prendre trop de place. Je tiens à la rassurer :


- Ne t'en fais surtout pas, je suis un peu timide, je ne connais personne ici et je n'ai pas vraiment d'amis, j'ai tendance à peu parler, ce qui peut faire penser que je suis désintéressée, ce n'est pas du tout le cas. C'est moi qui suis désolée.


Je m'en veux d'être à ce point méfiante avec n'importe quelle personne qui me donne de l'attention. Depuis hier, déjà deux personnes sont venues vers moi et à part les repousser, je ne fais rien d'autre.


Pauline me lance un regard tendre et plein d'empathie :


- Oh t'es nouvelle ici ? T'étais dans une autre Université avant ?


- Euh... Non, pas vraiment.


- Ah bon ? Comment ça « pas vraiment » ?


- En fait, j'étais ici.


- Et t'as jamais parlé à qui que ce soit en trois années de licence ? J'te juge pas, t'en fais pas, j'essaie simplement de comprendre et d'apprendre à te connaître. Malgré ta timidité, tu sembles adorable, je serais étonnée que personne n'ait tissé de liens avec toi en trois ans.


Je prends une grande inspiration. Je vais enfin me confier à quelqu'un. Je tremble un peu mais je pense qu'il est temps pour moi de jouer franc-jeu si je veux me faire des amis, Pauline a été honnête avec moi, à mon tour de l'être :


- J'étais scolarisée à distance.


- Quoi ? Ça veut dire que pendant trois ans t'étais seule chez toi ?


- Tout à fait. Il y avait des réunions de regroupement de temps en temps, j'y suis jamais allée, je me suis enfermée dans mon cocon, en sécurité, et j'ai rejeté n'importe quelle forme de relation sociale.


Je ne pensais pas être capable d'avouer tout cela si facilement et si rapidement. À présent, j'ai terriblement peur de la réaction que va avoir Pauline face à mon discours.

Tu as aimé ce chapitre ?

4 commentaires

D. Verton

-

Il y a un an

👍

Maud Cordier

-

Il y a un an

Comme promis, je viens de passer sur quelques chapitres :)

sombra_de_estrellaa

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Il y a un an

J'espère que ce petit coup de pouce t'aidera ! J'ai beaucoup aimé ces premiers chapitres, ça promet pour la suite ! Je vais ajouter de nouveaux chapitres dans la matinée, n'hésite pas à venir me lire <3

Rukyona

-

Il y a un an

Merci beaucoup, c'est adorable, je vais passer sur ton histoire également !
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