Fyctia
II : Courage
À la fin du cours, je me sens comme libérée. Un à un, nous quittons la salle et je constate avec stupéfaction que de nombreux groupes amicaux sont déjà crées. Je suppose que la plupart des étudiants étaient ensemble en licence, ils ont déjà pour beaucoup fondé de profonds liens d'amitié, ce qui n'est pas mon cas. Je ne me sens pas à ma place parmi eux, ils rient et sont joyeux, je fais tâche dans le décor.
J'observe timidement les autres filles, je les trouve si jolies, elles respirent la confiance en elles, sont parfaitement apprêtées et sentent divinement bon. J'ai l'impression de ne leur trouver aucun défaut alors que je pourrais en citer une bonne vingtaine chez moi sans trop réfléchir. Je ne sais pas si ce que je ressens s'apparente à de la jalousie ou de l'envie, je suppose que c'est un mélange des deux. D'un côté, je les admire et j'aimerais pouvoir faire preuve d'autant de confiance, de l'autre, je les hais d'être aussi belles, j'ai l'impression que la vie est plus facile pour elles alors que je ne les connais même pas.
En ce qui concerne les garçons, je n'ose pas trop les regarder. Je suis certaine de ne jamais plaire à personne, je n'ai pas envie que l'un d'entre eux s'imagine qu'il plaît à un laideron comme moi.
Après réflexion, je décide de sécher mon prochain cours, je sens que ma poitrine est de plus en plus serrée et l'air difficilement filtré par mes poumons. Les larmes me montent doucement aux yeux, j'angoisse, je veux rentrer chez moi.
Alors que je mets mes écouteurs pour pouvoir faire abstraction du bruit qui m'entoure et me calmer, le garçon de tout à l'heure s'approche de moi :
- Tu viens pas en cours ? demande-t-il intrigué.
- Euh, je...
- Nan laisse tomber, j'ai compris, t'as la flemme c'est ça ? Je comprends, c'est le cours qui m'intéresse le moins, on peut aller manger quelque chose à la cafétéria si t'as envie ?
Sans même avoir besoin de me regarder dans un miroir, je sens mes joues rougir, je meurs de chaud, une goutte de sueur perle sur mon front et aucun son ne parvient à sortir de ma bouche, je suis tétanisée.
Au bout de quelques secondes, je reviens finalement à moi :
- Je suis désolée, j'ai un rendez-vous médical.
- L'excuse du rendez-vous... Pas mal ! répond-il en riant.
Il ne semble pas vexé par mon excuse bidon et cela me rassure. Avant de partir, je l'observe s'éloigner quelques secondes. Finalement, je décide que c'est le moment ou jamais d'initier une première approche.
Je le rattrape :
- Attends ! m'écrié-je.
- Oui ?
- Est-ce que je peux connaître ton prénom ?
- Bien sûr, je m'appelle Roméo.
- Enchantée, moi c'est Maya.
Suite à cet échange, je fais demi-tour, fière de moi. Certes, je n'ai pas réussi à affronter le deuxième cours de la journée mais j'ai tout de même initier un début de relation avec quelqu'un et j'arrive à peine à y croire.
En rentrant chez moi, je me jette sur mon lit et soupire lourdement. C'est ici que je me sens bien, j'ai besoin de cette bulle de confort et de sécurité pour être aux maximum de mes capacités. Je décide de lire un peu pour me calmer et faire retomber mes angoisses progressivement.
Je n'arrive pas à me concentrer, le visage de Roméo apparaît constamment dans mes pensées tandis que j'essaie de lire mon livre préféré. Je ne comprends pas pourquoi ce garçon m'a fait tant d'effet. Il avait l'air si gentil et avenant, je n'arrive pas à comprendre pourquoi il s'est adressé à moi, pourquoi il a pris la peine de me demander comment j'allais.
Même si j'ai du mal à me l'avouer, il est charmant, son côté rassurant m'a tout de suite plu, je dois vite l'oublier avant de commencer à imaginer des choses qui n'arriveront jamais. Il a simplement voulu être gentil et me mettre à l'aise pour que le cours puisse se dérouler dans les meilleures conditions, il l'aurait fait avec n'importe qui, ce n'est pas à moi qu'il s'intéressait, c'est certain. Après m'être finalement persuadée, j'arrive enfin à me concentrer et à lire en toute tranquillité.
Lorsque midi sonne, je décide de manger chez moi, il n'y a rien de plus angoissant pour moi que l'idée de manger seule au restaurant universitaire. J'ai toujours profondément admiré les personnes qui arrivent à faire des activités seule sans se soucier du monde autour. Je rêve d'avoir le courage de manger seule en public ou encore d'aller au cinéma en solitaire sans me soucier du regard des autres. Pour l'heure, il faudrait déjà que j'arrive à aller en cours sans mourir d'angoisse.
Après avoir mangé, je me prépare pour retourner en cours. Au fond de moi, j'espère croiser Roméo de nouveau et même pouvoir lui parler. Ce garçon m'intrigue et j'aimerais apprendre à le connaître.
Sur le chemin de l'Université, je croise plusieurs étudiants. La plupart arborent un large sourire, ils se déplacent en groupes et rient tous ensemble. Je n'ai jamais eu de groupe d'amis. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été plus ou moins attachée à une ou deux personnes chaque année scolaire avant d'être abandonnée l'année suivante. Je n'arrive pas à faire durer mes relations dans le temps, il est trop difficile pour moi de prendre des nouvelles et d'aller vers les autres.
Arrivée devant le bâtiment, je suis comme à mon habitude perdue dans mes pensées. Sans faire attention, je bouscule une fille en essayant de pénétrer le hall d'entrée.
- Fais gaffe !
- Je suis désolée.
Alors que je m'empresse de rejoindre ma salle, je l'entends au loin :
- Trop bizarre la meuf.
Je ne comprends pas sa réaction, c'est tout à fait normal de bousculer une personne et de s'en excuser, mon comportement n'avait rien d'étrange. Je m'en veux de ne pas avoir fait attention, je sais qu'à présent je vais y penser tout l'après-midi.
En arrivant dans l'amphithéâtre, mon cœur se serre, je ne m'attendais pas à voir autant de monde aujourd'hui. Sans hésitation, je m'installe tout près de la porte, au fond de la salle, je veux pouvoir sortir le plus vite possible lorsque mes deux heures de cours seront écoulées.
Malheureusement, mon choix n'est pas le plus judicieux, je suis tellement éloignée que je vois à peine le minuscule tableau qui se trouve plusieurs mètres devant moi, je vais plisser les yeux continuellement et finir par avoir mal au crâne à la fin du cours. Si c'est le prix à payer pour éviter la crise d'angoisse, alors va pour la migraine.
Pendant de longues minutes, je reste seule, personne ne vient s'installer à mes côtés. Cela devrait me rassurer mais je ne peux m'empêcher de me sentir exclue alors même que je provoque ma propre exclusion. Une fois de plus, toutes ces contradictions m'angoissent et je me sens de moins en moins à ma place.
Alors que je m'apprête à me lever de ma chaise juste avant le début du cours pour m'éclipser, j'aperçois Roméo au loin.
7 commentaires
D. Verton
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Il y a un an
Black_Rose L&N
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Rukyona
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Ska
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Rukyona
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Il y a un an