Angèle G. Melko (ColibriJaune) Paranoïa Chapitre 2

Chapitre 2

Vous savez quoi ? J'adore ma vie. Bon ok, j'ai hésité dans le choix de mes études. J'ai toujours adoré lire et j'avoue avoir lorgné un certain temps sur les métiers du livre, surtout l'édition ou les métiers de bibliothèque... Mais je n'ai pas osé franchir le pas. Avenir trop aléatoire. J'avais besoin de quelque chose de rapide, concret, efficace. Un BTS Assistante de direction trilingue et hop, opérationnelle pour me lancer sur le marché du travail, décrocher un job et gagner ma vie. Le besoin urgent d'indépendance a primé. Et mon côté profondément altruiste m'a donné la tendance à suivre. Ça ne veut pas dire que je bosse à l’œil, faut bien remplir la gamelle, mais j'adore être utile aux autres tout en ne récoltant aucun laurier. Agir dans l'ombre... Je suis la serial helpeuse la plus épanouie de la capitale !


Et l'indépendance, je la vis à tous les niveaux ! Aucun mec officiel ! Je mange dans un verre si ça me chante, je ne gère que mon linge sale et je ne subis aucun reproche parce que je suis partie le matin en omettant d'essuyer les miettes sur la table. Personne pour m'imposer un match de foot ou bouder parce que je sors, encore, avec mes copines. Comme hier soir. Je suis allée au cinéma avec Coldyne. C'est Erell, ma collègue, qui me l'a présentée et on a accroché tout de suite. Depuis, on se voit régulièrement toutes les trois ensemble, sauf quand l'une de nous a des projets ailleurs, comme cette fois. Cette chanceuse d'Erell nous a lâchées pour rallier la Bretagne et profiter de la plage et de sa famille. Après la séance, on a pris un verre accompagné de quelques tapas en guise de dîner, le temps d'échanger nos impressions sur le film et de se raconter les dernières nouvelles marquantes de nos vies respectives. De mon côté, c'est assez vite fait. Je n'ai pas fait de rencontre notable, ni d'extravagances dans mes sorties, quant à ce qui se passe au boulot, elle connait déjà tout ce qui n'est pas confidentiel grâce à notre amie commune. Par contre elle... Etant donné qu'elle enchaîne les bourdes et les maladresses, elle se retrouve constamment dans des situations délicates mais hilarantes pour ceux à qui elle les relate. Je reste persuadée qu'elle en rajoute un peu mais c'est un vrai bonheur, j'ai l'impression d'assister à un one-man show privé à chacune de nos rencontres.


Ceci-dit, l'indépendance c'est bien, mais il y a le revers de la médaille. Avez-vous déjà eu cette sensation étrange et désagréable de ne pas être en sécurité sans que rien dans l'environnement ne laisse supposer que plane une quelconque menace ? A vrai dire, ça a commencé dès la sortie du cinéma, j'ai ressenti comme un léger malaise qui a perduré pendant notre tête-à-tête. Accaparée par les histoires rocambolesques de mon amie, et comme je ne suis pas du genre parano, j'ai décidé de ne pas y prêter attention plus que ça. Seulement, quand j'ai laissé Coldyne devant la station Montparnasse, mon inconfort s'est accentué. J'ai perçu une sorte de picotement dans le ventre, des frissons dans le dos, les petits cheveux de la nuque qui se hérissent. Je me suis sentie épiée. Mon instinct s'était-il tout à coup mis à dérailler ? J'ai eu beau jeter des regards en coin de tous côtés, faire les cents pas sur le quai du métro pour vérifier discrètement derrière moi, rien de suspect ne m'a sauté au yeux. Pourtant, cette impression de danger imminent a persisté jusqu'à ce que je referme la porte de mon studio. Habituellement, je ne suis pas froussarde, mais hier soir, j'ai été rapide comme jamais pour parcourir la distance entre le métro et chez moi et vérifié plutôt deux fois qu'une que tout était bien verrouillé. Pour la première fois, j'ai pensé qu'avoir quelqu'un dans ma vie pourrait être plus rassurant qu'encombrant.


Après avoir mis un temps fou à m'endormir et avoir passé une nuit quelque peu agitée, je décide de faire la grasse matinée plus tard que d'habitude. Mon samedi est généralement consacré à une multitude de tâches aussi ingrates que nécessaires, rien qui ne puisse être différé d'une heure ou deux. La faim et un besoin pressant finissent par me sortir du lit. C'est donc parti pour le ménage, les courses et la virée au lavomatique. Franchement, on ne soupçonne pas la chance qu'on a d'avoir une machine à laver à domicile tant qu'on vit chez papa maman ! Les manipulations, la perte de temps, l'étalage de petites culottes sales aux habitants de tout le quartier venus faire la même chose... C'est la tâche que je déteste le plus. Certains attendent sur place pendant le lavage et le séchage, voire poussent le vice jusqu'à plier leurs affaires au milieu de tout le monde. Perso, j'y reste le moins possible. Je m'occupe de mon linge propre chez moi devant la télé, loin du regard d'autrui.


Alors que je rince la serpillière après avoir lavé le sol chez moi, la mélodie qui s'échappe de mon smartphone m'indique que le minuteur a atteint zéro. Le cycle de lavage que j'ai lancé une heure plus tôt doit être terminé. Timing parfait ! Plus qu'à retourner au lavomatique récupérer mon linge immaculé. J'ouvre le hublot de la machine, m'accroupis devant et commence à fourrager à l'intérieur pour en sortir mes affaires. J'arrête instantanément de fredonner, ressors ma main comme si je m'étais brûlée et l'étudie attentivement aussi dubitative qu'exaspérée. C'est quoi ce bordel ! Mes vêtements et mes doigts sont tous poisseux, la machine a dû buguer avant le rinçage. Je referme tout, trouve de quoi m'essuyer la main et relance, énervée, un cycle rinçage/essorage. Merci pour le surcoût et la perte de temps. Cette fois-ci, je reste sur place pour vérifier que tout se passe bien. Plus qu'à surfer sur Fyctia.com pour me plonger dans une lecture réconfortante !


Après avoir distribué une palanquée de likes à tout un tas d'auteur(e)s, je récupère enfin mes affaires et rentre les mettre à sécher chez moi. Mon « home sweet home » n'est pas très grand, mais je peux quand même y caser un tancarville. De toute façon, il n'y a que moi que ça pourrait déranger. Alors que j'étends consciencieusement chaque pièce, un sentiment bizarre m'étreint sans pouvoir précisément mettre le doigt sur ce qui ne va pas, quand tout à coup, la révélation !



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39

39 commentaires

Mylee R.

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Il y a 3 ans

J’adore la réf à Fyctia ! 🤩 Et du coup ton début de chapitre m’a presque donné le goût d’être seule et libre dans ma maison hahha ! 😅😂

Azilizaa

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Il y a 4 ans

Serial helpeuse, j’adore !

Justine HSR

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Il y a 4 ans

Je suis ravie que l'histoire se mette en place. Je pense que tu aurais pu faire démarrer ce sentiment anxiogène dès la mi du premier chapitre afin de ne pas nous faire trop attendre, puis, je sais que vous avez un nombre de caractères limité

Angèle G. Melko (ColibriJaune)

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Il y a 4 ans

Chi va piano va sano, chi va sano va lontano !

Ashley Moon

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Il y a 4 ans

Je me demande bien ce que tu nous réserves...

Angèle G. Melko (ColibriJaune)

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Il y a 4 ans

J'espère que tu vas pas tomber d'ta chaise ;)

cedemro

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Il y a 4 ans

L'angoisse commence...

FleurDelatour

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Il y a 4 ans

Tu installes doucement ce sentiment d'oppression qui me fait me demander à chaque étape ce qui va lui arriver. Je suis obligée de poursuivre...

Angèle G. Melko (ColibriJaune)

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Il y a 4 ans

Merci !

Suji.P

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Il y a 4 ans

La pression monte progressivement tu implantes ton intrigue et tu termines ce chapitre sur du suspen. qu'a-t-elle réaliser ? Pourquoi son linge était poisseux ?
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