Adenpart Lux Fero - Le Porteur de Lumière Chapitre 18

Chapitre 18

Lorsqu’il avait été relâché, la première pensée de Staan fut pour la jeune femme qui l’avait agressé. Si sa force n’avait risquer de le blesser, le regard désespéré qu’elle avait l’avait profondément touché : il savait avoir eu le même lorsque la sœur de cette femme lui avait été arraché. Il ne repensa qu’ensuite à tous ses plans, caducs par ses deux jours incarcérés et soupira quant à la tâche qui l’attendait. Soupir qui lui arracha un sourire, imaginant ce que ses amis lui auraient dire, lui dont les travaux passés s’étaient faits à échelle cosmique.


Actualiser les horaires de chacun de ses itinéraires, appeler pour décaler ou rembourser ses billets, tout cela lui prit trois jours. Parfois, il s’interrogeait quant à la raison profonde derrière la venue du Prince Démon, mais la plupart de ses pérégrinations mentales s’achevait généralement en Guerre Céleste, chose dont il aurait remarqué les signes depuis longtemps.


Quand il finalisa la correction de ses projets, Staan s’étira et chercha sa pendule des yeux. Il prit alors quelques secondes pour observer le reste de son logis. Si jamais il ne revenait de l’Enfer, ce lieu n’aurait plus de raison d’être, le symbole de sa présence ici s’effacerait, se diluerait dans le temps. Lui qui avait cherché à minimiser son impact dans le monde humain, il s’interrogeait désormais sur la trace qu’il laisserait derrière lui. Souriant face au paradoxe, il se convainc qu’il ne pouvait toutefois partir sans saluer les personnes l’ayant aidé à s’établir ici. Il récupéra son manteau, ses clés puis quitta son appartement en direction d’un certain café en ville.


Aux abords du troquet, il reconnut un visage familier assis à une table, en grande discussion avec la barmaid. Sans un mot, il passa sous une paire de regards instigateurs. A peine eut-il franchit l’arcade de pierre qu’une voix bourrue l’interpella : one ne pensait le revoir un jour. Heureux de le retrouver, Franck l’accueillit à grand renfort d’accolades et l’interrogea alors sur la raison d’une telle absence. S’il veilla à ne pas trop en révéler, Staan lui livra tout de même une version écourtée des derniers évènements, qu’il acheva en confiant ses projets de rentrer chez lui. Nulle surprise chez le propriétaire des lieux, qui lui révéla avoir toujours su qu’il finirait par repartir. « Tu devrais le dire à Carmen, je pense qu’elle apprécierait. Laisse-leur le temps de finir de parler ; ça ne prendra pas plus de cinq minutes ». Pourtant, au jugé de l’intensité de leur conversation, Staan prédit que cela risquait de prendre bien plus longtemps et interrogea alors l’homme sur sa manière de connaître si précisément la durée de la conversation. Adamantin, le tenancier lui répondit que c’était chose très simple : la pause de Carmen s’achevait dans cinq minutes. Partageant un sourire et un café, les deux hommes se séparèrent et Staan alla s’installer en terrasse avec sa commande. Le journal confié par son ami resta clos, après tout, il rentrait en Enfer ; les affaires humaines ne le concernaient plus. Il préféra plutôt graver le souvenir de cet endroit dans sa mémoire : chaque aspérité, chaque nœud de chaque planche ; le son des pas sur le plancher et la carte mentale des zones de grincements ; l’éclat vacillant de la lumière du bar, entrecoupée par le passage des clients. Alors qu’il détaillait la scène, il vit l’amie de la serveuse se lever, s’approcher, et s’arrêter face à lui.


« Bonsoir.

— Bonsoir » répondit-il, cordialement.

— Je ne vous dérange pas ? » l’interrogea-t-elle, visiblement mal à l’aise. « J’aimerais vous parler, si ça ne vous gêne pas.

— Non, allez-y » l’encouragea-t-il d’un geste. « Prenez place.

— Voilà » La femme rassembla son courage d’une profonde inspiration avant de reprendre. « Je tenais vraiment à m’excuser. Malgré tout ce qui s’est passé, et bien que vous ayez connu ma sœur, je ne me suis jamais vraiment présenté : je m’appelle Abigail. Rossi, vous vous en doutez. Voilà. Je vous refais mes excuses par rapport à ce qu’il s’est passé pendant l’interrogatoire, je tenais à… Enfin. Je sais que ça ne change rien à ce qu’il s’est passé. J’étais sous pression, je me mettais un stress énorme, j’avais passé une semaine à vous chercher sans y arriver et là, je vous trouve, je vous ramène, et on me refuse l’interrogatoire. Votre carnet, le dessin de ma sœur… J’ai craqué. Je sais que c’est une piètre excuse mais je… Je tenais à vous dire que je suis désolée.

— Enchanté, Abigail » la salua-t-il d’un sourire tolérant. « Je me nomme Staan Fleruci. Bien que j’aie encore souvenir de votre redoutable crochet du droit, sachez que je ne vous en tenais pas rigueur. Vos supérieurs m’ont expliqué la complexité de la situation et j’ai compatis à votre situation. J’accepte vos excuses.

— Ah ? Ok, mais euh… C’est tout ? Je veux dire… C’est bien ! » bafouilla la désormais nommée Abigail, manifestement soulagée. « Je pensais qu’avec les coups, vous m’auriez collé un procès pour violence policière. Vous auriez eu raison, hein ! Mais je suis quand même contente que ce ne soit pas le cas ! Je tenais vraiment à m’excuser et c’était un peu un pari que de vous attendre ici.

— Nul ne saurait me décourager de fréquenter ces lieux, ne vous en faites pas » la rassura-t-il. « Quant à la colère vous ayant poussé à agir ainsi, sachez que je compatis. Je sais combien il est difficile de se remettre d’avoir perdu un frère, ou dans votre cas, une sœur.

— A ce sujet… » hésita son interlocutrice. « J’aimerais bien comprendre pourquoi il y avait son portrait dans votre carnet. Et puis comment vous vous êtes rencontrés aussi ? Et est-ce qu’elle vous avait raconté son histoire… En fait, j’aimerais bien parler d’elle avec vous. Pas forcément maintenant, je doute d’être de bonne compagnie aujourd’hui. C’est Carmen qui m’a soufflé l’idée, mais que diriez-vous d’un dîner ? Pour me faire pardonner, en bonne et due forme.

— C’est… Inattendu » admit Staan. « Mais bien volontiers.

— Demain soir, ça irait ? » proposa-t-elle. « Avec la pression de ma mise en examen, je ne serais pas d’humeur avant d’avoir eu la décision finale.

— Je ne savais pas pour votre châtiment. Vous m’en voyez désolé.

— Fallait bien qu’il y ait des conséquences à mes gestes. Que serait la police avec une telle impunité ? » sourit Abigail, amère. « Alors, ok pour demain ?

— Avec joie.

— On n’a qu’à se dire… » réfléchit-elle. « Vous voyez le restaurant, place de la Major ? On se dit vingt heures ?

— J’y serai. » lui confirma Staan.

— Je dois y aller, mais merci » insista Abigail en lui serrant la main vigoureusement. « Merci de me laisser me rattraper.

— Voyons, c’est bien normal » négligea-t-il. « Quel genre d’être refuserait d’accorder une seconde chance ? »

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