Adenpart Lux Fero - Le Porteur de Lumière Chapitre 4

Chapitre 4

Au même instant, à l’autre bout de la ville, Staan se baladait sur la jetée. Au cours des cinq ans passés à explorer le monde, peu d’endroits étaient aussi saisissants que le littoral de la cité phocéenne : les embruns marins mêlés à ceux typiques du Sud, le front de mer aménagé en un gigantesque panorama, la douceur de son rythme de vie… Tout y était rassemblé pour rendre le lieu unique. Il aimait s’y promener, même en ce milieu d’hiver alors que de lourds nuages blancs cachaient le soleil et que la Méditerranée était agitée. Hélas, il n’avait pas aujourd’hui le cœur à en profiter.


Selon ses estimations, le mystérieux meurtrier sévirait dans cet arrondissement au cours de la journée. Du moins si le démon suivait son propre schéma, chose malheureusement incertaine avec un tel être. Nonobstant leur inconstance, il était une chose commune à tous les démons : leur fatuité, surtout pour la violence. C’était ce défaut qui avait trahi la nature infernale de l’auteur de ces meurtres : les ruelles étaient dévastées ; le sol, morcelé ; les murs, ravagés de coups ; tout cela dans le but de ne tuer qu’un seul humain. En règle générale, il n’aimait pas se mêler aux affaires de l’Humanité mais si l’être responsable de ce carnage s’avérait venir du même endroit que lui, il ne pouvait décemment rester coi. Staan attendait donc de pied ferme la venue de la malfaisante créature. Après tout, peut-être son départ de l’Enfer était-il la cause de la venue de cet être ici ?


Il chassa cette pensée de sa tête, il avait déjà suffisamment à faire pour ne pas avoir en plus à remettre en question l’intégralité de ses choix sur ces dix dernières années. Soudain, il perçut un puissant afflux d’énergie dans les environs. Dissimulant l’éclat grenat de ses yeux derrières les carreaux teintés d’une paire de lunette de soleil, il inspecta toute chose visible dans le kilomètre alentours, jusqu’au moindre recoin et au plus petit détail, à la recherche de la source de ce pouvoir. Hélas, nulle trace n’en subsistait, comme si l’être à son origine avait purement et simplement disparu de l’endroit. Staan rendit à ses yeux une coloration humaine tandis qu’il repartait, perplexe ; une telle intensité signifiait deux choses : la première, que la force de l’être était bien supérieure à ce qu’il avait pu imaginer, ce qui lui permettait de se fondre dans la masse sous les traits d’un humain ; la seconde, que la chasse allait être plus ardue qu’il ne l’avait estimée. Ce dernier point attisa son côté belliciste et fit poindre un sourire discret sur ses lèvres tandis qu’il continuait à explorer les quais.


Hélas, la lune fut témoin son échec, qu’elle passa sa lente ascension dans le ciel nocturne à observer, jusqu’à ce qu’il se résignât enfin et quitta le quartier. Cependant, un vieillard le bouscula soudainement et perdit l’équilibre. L’aidant à se relever, Staan remarqua l’air effrayé de l’homme. Ce n’était pas une peur ordinaire qui pouvait se lire sur son visage ridé, encadré de mèches de cheveux blancs rendues folles par sa course effrénée : c’était une véritable terreur.

« Monsieur ! Monsieur ! Calmez-vous, tout va bien. Je ne vous veux aucun mal ! » tenta-t-il de le raisonner. « Qu’est-ce qui vous arrive ?

— Le Diable !

— Quoi ? » s’exclama-t-il dans un sursaut, incertain de ce qu’il venait d’entendre. « Qu’avez-vous dit ?

— J’ai vu le Diable ! Le Diable, je vous dis ! Ne vous approchez pas du Quai de la Pinède ! Il rôde entre les nouveaux entrepôts !

— Vous êtes assez loin désormais ! Reposez-vous avant d’aller voir la police » le rassura-t-il, jetant un regard en direction dudit quai. « Pardonnez mon incivilité mais je dois vous laisser là : je suis attendu. »


La piste fraiche, il ne fallait pas la perdre. Staan s’élança alors à toute allure, au détriment du fait que sa vitesse dépassait de loin les standards humains, ignorant les regards fascinés des enfants dans les voitures qu’il doublait.


Lorsqu’il parvint enfin au quai, il huma l’air empli d’embruns et perçu parmi eux l’odeur sulfurée dont les démons signaient leur venue. La nuit était tombée depuis quelques heures et les rares ouvriers encore présents s’affairaient soit autour du portique de sortie, soit autour des quais de déchargement. Il mit ses lunettes afin d’atténuer le rayonnement écarlate de ses yeux dans l’obscurité et pista alors le démon, aidé par sa capacité à voir les odeurs.


Après quelques minutes de traque, Staan s’engouffra dans une ruelle, certain d’y trouver sa proie. Celle-ci semblait presque l’attendre, sous la forme d’un homme, immobile sous la lumière blafarde d’un lampadaire décrépi. De dos, il paraissait immense et ses habits trop petits ne faisaient que renforcer l’impression d’écrasement qu’il dégageait. Son chapeau de feutre bombé, son long trench aussi marron que miteux, et son pantalon rapiécé étaient empruntés à la révolution industrielle anglaise mais surtout, son aspect dystrophique et sa musculature inégale faisaient de lui un Docteur Jekyll en pleine crise de Mr Hyde. Pour parfaire ce sinistre tableau, il tenait dans une main un large tuyau de métal bosselé et couvert de sang séché. Un rire guttural se dégagea de l’être alors qu’il se retournait. Dans son regard, Staan lut que le démon était l’auteur des meurtres mais, plus inquiétant encore, qu’il connaissait sa véritable identité.


Il ne vérifia les alentours avant de se métamorphoser : il n’en eut pas le temps car il dut esquiver le projectile de son adversaire. L’arme était dotée d’une telle puissance qu’en se plantant dans un conteneur, de l’autre côté de la baie, elle l’arracha du sol, broya la rambarde de sécurité et fit basculer la large caisse de métal dans la mer, soulevant une gerbe d’eau alors qu’elle percutait la surface. Lorsque Staan se détourna du spectacle, il découvrit que le démon avait changé d’apparence et ressemblait maintenant à un gorille sans épiderme et aux muscles hypertrophiés. Après s’être cogné la poitrine des poings, le grand singe s’élança vers lui les canines dehors. Malgré la vision d’horreur, qui aurait terrorisé n’importe quel humain, Staan restait calme. Ce fut même avec une lenteur mesurée qu’il s’écarta de la charge de l’animal, que son impassibilité enragea et poussa à l’attaquer à nouveau, sans se préoccuper de l’étincelle noire qui avait jaillit de la main de son adversaire. Le feu naquit de la braise et se condensa soudainement en une longue tige robuste qui suffit à Staan pour faire trébucher la créature, l’envoyant rouler contre un mur de briques.


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