Adenpart Lux Fero - Le Porteur de Lumière Chapitre 3

Chapitre 3

A quelques kilomètres de là, dans le bar, Abigail pestait encore : le client lui avait non seulement renversé son café brûlant dessus mais elle en avait aussi fait tomber sa bière. L’alliance du chaud et du froid lui avait évité une brûlure mais elle ne décolérait pas. Tandis que Carmen l’aidait à éponger sa tenue, elle lui demanda si elle connaissait l’homme parti sans s’excuser, ni même voir ce qu’il avait provoqué. Sans peine, son amie lui donna son nom et son prénom ainsi que la plage horaire à laquelle il venait généralement. Elle ne reçut pour tout remerciement qu’un regard inquisiteur d’Abigail. Un « Quoi ? C’est un régulier ! Et il est plutôt attirant. » vint justifier son intérêt pour l’homme et faire rire les deux femmes. Il ne lui restait plus qu’à revenir le lendemain, à la même heure pour régler ses comptes avec l’inconnu, se dit Abigail. Cependant, au souvenir de sa journée déjà très chargée, elle douta que cela lui serait possible et chargea alors son amie de la prévenir s’il changeait ses habitudes. Avec un regard espiègle, Carmen accepta et Abigail quitta le bar, poisseuse et n’aspirant plus qu’à une douche.


Une trop courte nuit plus tard, elle passait déjà les portes du commissariat. Comme pressenti la veille, l’endroit était déjà plein à son arrivée et elle pouvait lire le désespoir dans le regard de ses collègues de l’accueil. Rapidement changée, Abigail prit son poste et fit entrer le premier plaignant.


« Bonjour, que puis-je faire pour vous ? » demanda-t-elle de sa sempiternelle formule.

— So. Je me promenais dans le rue et un homme m’a bousculé et stole mon téléphone » commença l’homme, un quarantenaire au fort accent.

— Très bien, on va faire ensemble votre dépôt de plainte. Nom et prénom, s’il vous plaît.

— Timothy Mc Jones » lui répondit l’homme.

— Lieu de Résidence ? » questionna-t-elle, déduisant l’origine de l’homme à sa manière de parler.

— Londres, Angleterre.

— Très bien, Mr Mc Jones » lança-t-elle d’une voix enjouée, amusée par sa petite victoire. « Où vous trouviez-vous lorsque c’est arrivé ? »


Douze heures et une trentaine de plaintes enregistrées plus tard, elle caressa le maigre espoir de pouvoir rentrer chez elle. Elle était bien trop fatiguée pour faire un détour par le bar et ne doutait pas que Carmen se ferait un plaisir de l’appeler pour lui faire un compte-rendu. Elle sortit du bureau sacoche en main pour voir arriver le capitaine, le même air contrit sur le visage. Faisant demi-tour, elle retourna s’assoir et attendit qu’on lui amène une nouvelle personne.


Sa tête tombait d’elle-même pendant le trajet en bus qui la ramenait chez elle mais elle se prévint de s’endormir jusqu’au moment où elle s’affala enfin sur son canapé. Comment pouvait-elle accepter de travailler autant, alors que nul autre de ses collègues ne le faisait ? Même si elles l’énervaient de prime abord, Abigail savait que les personnes qui venaient porter plainte étaient perdues sans leurs affaires et tentaient uniquement de les récupérer. Ils ne voulaient pas lui donner une charge supplémentaire de travail, seulement trouver de l’aide. Alors elle restait, pour assister une nouvelle personne. C’était à la fois son métier, sa motivation mais aussi son devoir, motifs en lesquels elle croyait de moins en moins. La photo de sa sœur sur la table basse lui rappela toutefois comment pouvaient se comporter les gens qu’on laissait livrés à eux-mêmes dans les plus cruels moments de besoin. Sa tête tomba une fois de plus et elle s’abandonna enfin au sommeil.


Une sonnerie stridente la réveilla brusquement. Encore assoupie, elle tâta les environs de sa main et jeta au sol presque l’intégralité de ce qui se trouvait sur la table basse. Ce ne fut qu’au bruit de verre brisé qu’elle décida d’ouvrir les yeux. Elle trouva son téléphone à quelques centimètres de sa main et soupira en décrochant alors qu’elle découvrait ce qui venait de se casser.


« Merde…

— Je dérange, peut-être ? » interrogea la voix, de l’autre côté du téléphone.

— Non non, Carmen » la rassura Abigail, balayant du pied les débris. « Vas-y, je t’écoute.

— Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

— Rien, je viens de faire tomber le cendrier que Sam avait laissé là.

— Tant mieux, ça te fera un souvenir de ton ex en moins » lui répondit son amie d’un ton catégorique, bien au fait des tenants et aboutissants de sa relation. « Maintenant, passons au plus intéressant. Notre cher M. Staan Fleruci.

— Il est encore passé aujourd’hui ?

— Oui ! Je m’attendais à te voir débouler en trombe mais bon, ça m’a permis de l’aborder. Au fait, il s’excuse pour hier soir ! » raconta Carmen avant de poursuivre, plus facétieuse. « Il m’a aussi posé des questions sur toi… Tu sembles l’intéresser.

— Très peu pour moi. Passe-moi les détails.

— D’accord… » rétorqua-t-elle. « Ce que tu peux être ronchon quand tu te réveilles.

— Comment sais-tu que…

— Abi, je suis ta meilleure amie : je reconnais cette voix. Bref, tu voulais des informations ? Alors, écoute ça ! Tout à l’heure, je nettoyais les verres du bar et j’en ai profiter pour l’espionner. Je ne pensais pas que les verres pouvaient servir de jumelles mais apparemment si ! Je l’ai vu avec un plan de la ville mais le truc bizarre, c’est qu’il y avait des choses de marquées dessus. Bon, ça ne m’a pas intriguée plus que ça mais jusqu’à ce que je le voie déplier le journal, le feuilleter et rajouter un signe sur sa carte. On aurait dit une croix

— Le journal d’aujourd’hui ? » demanda Abigail en cherchant ledit journal parmi les décombres au pied de sa table basse. « C’est ça ?

— Yup. Tu sais, avec en premières pages l’article sur le nouveau roi du Royaume-Uni, William V. Il n’y a même pas jeté un coup d’œil ! » s’exclama la jeune femme, outrée. « Tu te rends compte ? C’est que dans quelques mois et…

— Carmen, l’essentiel, s’il te plaît » la coupa Abigail, habituée à la propension de son amie à s’aventurer dans d’interminables digressions.

— Oui oui ! Bref, il est allé directement aux pages locales, sur l’article qui parle du tueur en série.

— Ah ? » l’encouragea Abigail, l’esprit assailli de théories.

— Il a aussi fait un cercle dans un endroit vide de sa carte. Attends… Tu penses pas que c’est lié aux meurtres, quand même ? » l’interrogea Carmen, arrivée aux mêmes hypothèses que son amie.

— Je sais pas, mais ça mérite d’y jeter un coup d’œil » déduisit-elle. « Tu te rappelles où c’était ?

— Vers le port. Les quais, les entrepôts, la jetée » lista son amie. « En gros, tout le deuxième arrondissement.

— Ok… Ce qui est carrément suspect » résuma Abigail.

— A ton avis, pourquoi je t’en parle ? »


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