Fyctia

LÉO

Je n'ai rien prévu pour ce soir. Mia et moi n'avons jamais vraiment fêté la Saint-Valentin. Disons que c'est surtout pour nous l'occasion d'ouvrir une bonne bouteille, de coucher la petite le plus tôt possible et de faire l'amour avec un peu plus de folie que d'habitude.

Je passe chez le fleuriste et je lui prends un joli bouquet de fleurs. Je sais que ça lui fait plaisir. Mia apprécie particulièrement les fleurs et les petites attentions. Je passe nous récupérer deux pizzas en vitesse dans notre restaurant italien favori. On doit avoir une bouteille de vin au frais. Ça fera l'affaire, et elle ne remarquera peut-être même pas que je n'ai pas pensé à la Saint-Valentin.

Il faut dire que, ces dernières semaines, la Saint-Valentin ne faisait pas partie de nos priorités. D'ailleurs, tout ce qui est relatif à notre quotidien amoureux ne fait plus partie de nos priorités.

Mia adore son nouveau travail, elle s'y épanouit de plus en plus, je ressens son bonheur chaque fois qu'elle quitte la maison et je la retrouve épuisée par ses journées quand elle rentre. Quand je suis encore réveillé.

Parfois, je me suis déjà endormi et on ne se voit même pas.

Je ne peux pas lui reprocher. Pendant longtemps, c'est moi qui rentrais à des horaires pas possibles et Mia attendait toujours sans me faire de reproches. Aujourd'hui, c'est à moi de la soutenir. Mais je ne peux pas m'empêcher de me poser des questions.

Elle est souvent absente et, quand elle est à la maison, elle a le nez rivé sur son foutu téléphone. On fait de moins en moins l'amour, et quand l'occasion se présente c'est comme si elle n'y mettait pas du sien. J'ai la sensation qu'elle n'en a pas envie. Qu'elle n'a pas envie de moi !

Mon égo de mec ne peut s'empêcher non plus de me demander si ça a un rapport avec son travail, du moins avec les personnes avec qui elle travaille. Je m'en veux de songer à ça. Mia est une femme honorable. Jamais elle ne pourrait rompre nos vœux de mariage, elle est bien trop entière. Nous passons simplement par une phase difficile.

Le dialogue n'est pas rompu entre nous, mais la distance qui sépare nos esprits et nos corps ne fait que croître de jour en jour. Ma femme me manque.

Et pourtant, je n'ai même pas pensé à prévoir une soirée spéciale ce soir.

Pour qu'elle nous revienne. Qu'elle me revienne.

Il est 19h30 quand je rentre à la maison et je suis surpris de voir que Mia est déjà à la maison. D'habitude elle ne rentre pas avant 21h30 au minimum.

-        Ma puce, tu es déjà là. Joyeuse Saint Valentin ! lui dis-je en lui tendant le bouquet de fleurs et l'embrassant sur la joue.

SUR LA JOUE ?

Alors que je m'apprêtais à l'embrasser, ma femme m'a tendu sa joue plutôt que sa bouche. Je ne peux cacher ma stupeur face à ce geste bien trop révélateur de ce que je lui inspire.

-        Pardon chéri, j'ai tourné la tête, me dit-elle avec un air taquin, et gêné. Viens par là !

Cette fois, elle m'embrasse et ça pourrait presque paraître sincère. Presque. Une pointe au cœur me transperce. Une douleur qui n'avait pas refait surface depuis longtemps.

-        Joyeuse Saint Valentin ! Tu as pris des pizzas ? Miam !

-        Papaaaa ! s'écrit ma petite fille qui me saute dans les bras.

Je reste stupéfait par cette scène surréaliste devant moi. Je connais Mia, ces mots et ces gestes la trahissent. Elle est mal à l'aise. Je ne saurai comprendre pourquoi, mais j'imagine que c'est pour ça qu'Isabela n'est toujours pas en pyjama prête à aller bientôt se coucher pour qu'on passe la soirée en amoureux.

-        Tu vas bientôt aller au lit, ma princesse. Maman ne t'a pas douché ?

-        Non, maman ne l'a pas douché. Je suis rentrée il y a peu de temps, me répond Mia en me regardant de travers.

Ok, ce n'est pas le jour de dire quoi que ce soit ou de faire un quelconque reproche.

-        Je m'en occupe ma puce, tu réchauffes les pizzas le temps que je douche et couche la petite ?

-        Non je vais le faire, j'ai envie de passer du temps avec Isabela. Quand je rentre, elle dort depuis longtemps ces temps-ci.

-        À 22 h, une petite fille de deux ans est couchée. Oui, c'est certain! Lui dis-je sur un ton plus sec que je ne l'aurais souhaité, agacé par son désir de s'occuper de tout, sauf de nous, de notre couple.

Mia me fusille du regard et prend Isabela dans ses bras pour l'emmener. Un bisou, et au lit !

Je sens que la soirée va se terminer de la même manière pour elle et moi.

Bordel, je veux sauver notre couple qui traverse un moment difficile et tout ce qu'on réussit à faire c'est s'agacer alors qu'on n'a pas réussi à passer une soirée à deux depuis une éternité. Depuis son annonce pour travailler d'ailleurs.

Je me souviens très bien des efforts déployés par ma femme pour que l'on se retrouve lors de cette petite soirée improvisée.

Malgré mon retard, elle avait été d'une patience et d'une douceur folle à mon égard.

Peut-être est-ce le moment pour moi de lui retourner la pareille ?

Ce soir nous allons passer une bonne soirée, rien ne pourra la gâcher. Je l'aime plus que je ne m'aime moi. Et je dois me montrer patient. Pour elle. Pour nous.

Le reste de notre soirée se déroule sans accroc. Mia s'est calmée, comme si elle avait elle aussi décidé de mettre de l'eau dans son vin.

Bien que je la surprenne plusieurs fois à regarder son téléphone portable et afficher une mine triste quand elle le verrouille de nouveau, je décide de ne pas m'attarder dessus. Son boulot doit lui prendre la tête et elle tente de le masquer pour moi. Alors, je cache aussi mon agacement de la voir se soucier de son travail plus que de moi.

Nous terminons non sans mal notre bouteille de vin, et Mia tombe de fatigue sur le canapé.

Pas de baisers enflammés, pas de calins, pas de lingerie sexy, pas d'appels du pied pour faire l'amour. Je n'avais jamais réalisé à quel point j'aimais que Mia fasse tout ça pour pimenter notre vie sexuelle jusqu'à maintenant.

Je dois avouer que, ce soir, ça me manque. Ma femme me manque.

Je l'attire contre moi et elle se laisse faire. Son esprit et son corps sont ailleurs. Reviens-moi, ma puce. Reviens à cette soirée. Laisse le boulot à demain. Je l'embrasse et nos corps commencent enfin à parler pour se trouver.

Nous faisons l'amour et, bien que j'ai trouvé ce moment extrêmement intense, pas elle. Mia ne me le dit pas, mais je le sens, cette fois c'était mécanique.

Cela promet d'être plus difficile que prévu de nous retrouver. Mais je ne laisserai rien entraver ce que nous sommes.

Ma femme me reviendra. D’une manière ou d’une autre.