Fyctia

MIA

12H

- Pause déj ! On déjeune ensemble, beauté ? me demande Chloé, le sourire aux lèvres.

- Je n'ai pas déjeuné ailleurs que chez moi sans un bébé collé depuis une éternité ! Alors, oui, emmène-moi où tu veux, lui répondis-je d'un ton amusé.

Chloé et moi, ça a de suite collée. Coup de foudre amical, vous savez. J'ai instantanément su qu'avec cette fille j'allais passer de bons moments, qu'elle m'apporterait du plus et inversement. J'aime son tempérament de rebelle dans l'âme. Elle est franche, directe, se laisse guider par son intuition, et je ressens déjà sa loyauté. Le feeling.

Nous nous installons dans une petite pizzeria et commandons une bouteille de vin pour accompagner nos margheritas. Bon sang, je vais être complètement pompette pour mon premier jour, mais tant pis. J'aime l'effet qu'a Chloé sur moi, je me sens de nouveau libre. De nouveau moi. Celle que j'étais il y a six ans.

- Alors, toi et Filipe ? lui demandai-je d'un air coquin et assoiffé de potins, après avoir picolé deux verres de Moscato d'Asti.

- Oh mon dieu ça s'est déjà vu ? Tu es voyante ou quoi ?

- Appelle moi Madame Irma !

Et on rit comme deux bécasses. Ces petits plaisirs simples sont tellement agréables ! Et c'est à ce moment-là que je réalise à quel point ça m'avait manqué. À quel point j'en avais besoin. Une amie.

- On a été amants au début quand je suis arrivée dans la boite. Je suis tombée amoureuse de cet imbécile, et il n'a pas saisi sa chance. Il m'a trompé plusieurs fois. Ils aiment trop les femmes, les Suarez.

Un nœud au ventre se crée en moi en entendant Chloé nommer les Suarez plutôt que Filipe simplement.

- Je sais qu'il aimerait retenter, il se sent prêt. Mais plus moi. Je veux ma liberté et je ne suis pas égoïste au point de lui faire croire ce qu'il n'aura jamais avec moi. Et puis question d'honneur. « Trahis-moi une fois, honte à toi. Trahis-moi deux fois, honte à moi ».

Note à moi-même : ne jamais trahir Chloé, elle est rancunière. Mais je l'envie. J'envie ses prises de position. Je suis une personne de caractère, avec même un fort tempérament, et une pointe d'impulsivité, mais mon truc de dépendance affective m'empêche parfois de me respecter comme je le devrais. J'ai accepté tellement de choses que je n'aurai jamais dues. C'est du passé, mais c'est en moi.

- Tu as raison, fais ce qui te plait. Écoute-toi, lui dis-je en pensant ces mêmes mots pour moi-même.

Le repas se termine aussi bien qu'il a commencé. Nous échangeons sur nos vies. Je lui parle de Léo, d'Isabela, de mes études abandonnées, de ma passion pour l'art et de ma vie. J'omets volontairement de lui dire que tout cela est d'un ennui mortel, bien sûr.

Chloé me parle de ses multiples conquêtes du moment, nous rions des expériences qu'elle vit, que ce soit avec les hommes ou les femmes. Eh oui, de ce côté aussi, Chloé est libre. « Tant qu'il y a du feeling et que la personne me plait, pourquoi m'en priver ? ». C'est vrai, elle a raison. Pourquoi se priver de quoi que ce soit d'ailleurs  ? Chloé adore parler d'elle, et elle me fait énormément rire. On a le même humour, porté sur le cul principalement.

De retour au bureau, Gabriel y est présent. Il remarque que nous sommes joyeuses, mais il n'en dit rien. Les bulles que j'ai consommées ne m'empêchent pas de remarquer les coups d'œil discrets que jette le beau brun en ma direction. Je ressens même une petite chaleur dans mon bas ventre quand nos regards se croisent et que le « eyes contact » se fait plus intense entre nous. Il lâche le premier. Gagné Mia !

La journée passe rapidement. Entre les rédactions des actes, des assignations, des requêtes, et les appels clients, je n'ai rien vu passer. Il est 18h et la journée est terminée.

L'heure de rentrer retrouver mon Léo. Et Isabela. Retrouver ma vie après cette parenthèse de bonheur que j’ai hâte de retrouver dès demain…