Fyctia
RECULER...
Avant de Le connaître j’avais les cheveux blonds. Mi-longs. Je n’en étais pas particulièrement fière. Ils étaient fins, sans matière. En même temps, je crois que nous, les femmes, nous ne sommes jamais contentes de nos cheveux. Trop épais, trop frisés, trop plat et cetera.
De Samson et Dalila à Hugo et Zola, de la séduction à l’émancipation, la chevelure des femmes a inspiré, fasciné. Tour à tour source de pouvoir, moyen d’affirmer son identité, symbole de vie et… de mort.
Nous étions au mois de juillet. L’été s’était installé. Des mâtinées brûlantes succédaient à des nuits suffocantes. Depuis plusieurs jours, je me réveillais en nage. Trempée et paniquée. Les angoisses m’assaillaient et je n’étais plus certaine de pouvoir supporter cela longtemps. Il mettait ma force et ma détermination à l’épreuve. La Walkyrie faiblissait et Il le sentait. C’est ce moment précis qu’il a choisi pour frapper à nouveau.
C’était un lundi. Alors que j’étais sur la terrasse, à boire mon café, il s’est approché lentement et a tendu une main vers moi. Par crainte, j’ai baissé la tête. Je lui ai offert ma nuque, soumise. Le regard rivé au sol, j’attendais, résignée. Ce matin-là, je n’avais pas la force de l’affronter.
Mes cheveux se sont alors mis à tomber.
Une touffe après l’autre, je les voyais s’écraser sur le béton. Quelques mèches s’échappaient dans le vent, tandis que le reste s’amoncelait à mes pieds.
Il m’a fallu quelques minutes pour réaliser. Sortir de mon mutisme et me rebeller.
Je me suis redressée, plus déterminée que jamais. La vue brouillée par les larmes, j’ai soutenu son regard. Le visage déformé par un sourire diabolique, Il me toisait. Satisfait. Il a ouvert les bras, m’invitant à me nicher contre lui. Battre puis câliner, une technique éprouvée par tant d’autres avant Lui.
J’aurais pu me blottir dans ses bras. Le laisser m’emporter. Me déposséder de mon avenir, de mes souvenirs. M’envoler avec lui, dans un soupir.
Mais cette fois encore, je ne cédai pas.
Je me suis réfugiée dans la salle de bain. M’y suis enfermée. À clef.
J’ai fait face au miroir. Le teint blafard, des cernes noirs. Nos semaines de cohabitation laissaient de plus en plus de traces. Même le maquillage ne pouvait plus cacher mes heures de souffrance.
J’ai passé une main dans ma chevelure clairsemée et n’ai pu que constater les dégâts. Des trous. Partout. Entrelacées entre mes doigts, quelques mèches que je ne quittais pas des yeux.
Ballet de sentiments contradictoires.
C’est la tristesse qui m’a d’abord enveloppée. Mon cœur saignait, mon estomac se révulsait de douleur, mes yeux débordaient de larmes. Cette atteinte était un coup d’estoc supplémentaire. Piquée au vif. Un genou à terre. Inconsolable. Quel regard porte la société sur une femme au crâne dénudé ?
Puis la colère s’est mise à gronder. Muchée au creux de mon ventre, elle cherchait à s’échapper. Elle est remontée le long de ma gorge pour se libérer dans un cri bestial. Il me volait tout ce que j’avais. Il avait fait le vide autour de moi, m’avait coupée de mes amis, m’éloignait de mon travail.
il y avait eu les coups à l’estomac et aujourd’hui… Je ne voulais pas qu’il prenne complètement le contrôle de ma vie, et la Walkyrie est sortit de sa tanière.
Détermination.
J’ai ouvert le tiroir du meuble, sous la vasque, et j’ai pris ma tondeuse. Posée sur le bord de mon crâne, je lui ai fait faire des lignes. D’avant en arrière. Le bruit des minuscules lames qui coupent, les dernières poignées de mes cheveux plats et sans relief qui s’échouent sur la céramique du lavabo. La tête baissée, j’ai passé mes mains sur mon crâne glabre. J’ai cartographié bosses et aspérités. Et enfin, je me suis contemplée.
Fierté.
Étais-je si différente sans cheveux ?
J’avais toujours mon petit nez et une bouche finement ourlée. Des joues rondes et pleines. Et brûlant, au fond de mon regard, la flamme de la guerrière.
Les jours suivants, Il a tenté de reprendre le dessus. Il ne me lâchait pas. Etait derrière moi à chaque pas. Il m’étouffait, donnant à mon corps la sensation d’un poids permanent à porter. Mais j’ai résisté, encore et encore.
Je me maquillais chaque jour. Alternais perruques et foulards lorsque je sortais. Sourire scotché sur le visage, la walkyrie guerroyait et une nouvelle bataille approchait.
Petit à petit, j’ai regagné du terrain et repris ma vie en main.
Alors, ce fut l’heure de son déclin.
4 commentaires
Azilizaa
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Il y a 4 ans
cedemro
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Il y a 4 ans
Lyaminh
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Il y a 4 ans
Sonyawriter
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Il y a 4 ans