Fyctia
LA PREMIERE FOIS
On n’oublie jamais une première fois.
Elle nous marque au fer rouge et se rappelle à nous encore et encore.
Le premier baiser qui embrase nos cœurs. Les premières caresses qui enflamment nos corps.
Le premier coup au foie, puis à l’estomac…
Il vivait avec moi depuis un peu plus de deux mois. Je vivais avec Lui malgré moi. J’avais mis le doigt dans l’engrenage. Mais il fallait que j’aille au bout de notre histoire. Je n’avais pas le droit de perdre espoir.
Un après-midi, alors que je rentrais d’une visite à l’hôpital, Il m’a frappée. Pour la première fois.
Je m’étais allongée sur le canapé, pour me reposer quand…
Déferlement de violence.
J’ai eu le souffle coupé. Je n’arrivais plus à respirer. La bouche ouverte pour tenter d’ aspirer un filet d’air. Je me suis effondrée sur le côté.
Mon corps a expulsé ce que j’avais mangé dans la journée. Encore et encore. Dès que je me redressais, la nausée me reprenait. Il a fallu deux heures pour que mon corps meurtri me laisse un peu de répit. Je me suis traînée jusqu’à mon lit, j’ai fermé les yeux, un instant.
Quand j’ai relevé les paupières, il était là, devant moi.
J’ai hurlé, brisée, épuisée :
— Laisse-moi en paix.
Mais il est resté.
Il s’est reculé.
M’a observée.
Tapis dans l’ombre de la chambre, il se délectait de mes moindres gémissements, se repaissait de ma souffrance. J’ai fini par sombrer. Une nuit sans lune m’a emportée loin de Lui. Pour quelques heures, perdue dans un univers sans étoile, je ne souffrais plus.
Pendant trois jours, je suis restée couchée. Incapable du moindre mouvement. Physiquement atteinte, psychologiquement meurtrie. Notre histoire aurait pu s’arrêter là. J’aurais pu baisser les bras. Le laisser m’envahir, pousser un dernier soupir et mourir. Accepter sa présence et préparer mes proches à mon absence. Mais nichée au creux de mon âme, cachée dans les profondeurs de mes entrailles, il existait une autre version de moi. Une Walkyrie prête à tout pour rester en vie. Alors j’ai sorti l’artillerie.
Je ne pouvais pas le quitter. C’est Lui qui vivait chez moi. Je n’avais pas le choix.
Au quatrième jour, je me suis levée et j’ai décidé de l’ignorer. Il ne gâcherait pas ma journée.
Un petit déjeuner léger et un passage obligé : la salle de bain.
Une longue douche, bouillante, pour laver les traces de son passage. Puis je me suis plantée devant ma psyché. J’ai observé mon corps abimé. Mes cheveux courts et ternes. Mes cernes. Mes seins qu’Il aimait tenir à pleines mains. Du bout du doigt, j’ai cueilli une larme qui tentait de fuir le long de ma joue et j’ai entamé ma transformation.
Des jours que je ne m’étais pas maquillée, il était temps d’y remédier.
J’ai redessiné mes sourcils. Apposé une ombre d’un joli vert irisé sur ma paupière avant de la souligner d’un trait de crayon noir. Un peu de fard et me voilà, quelques minutes plus tard, habillée et prête à savourer ma première victoire.
Je suis allée me promener dans les champs avant de rejoindre le village. J’ai savouré une salade, en terrasse. Je goûtais à la liberté retrouvée. Le nez dressé vers le ciel, la peau caressée par le soleil, je m’émerveillais du ballet des passereaux, me régalait des rires des enfants. Alors que j’étais perdue dans ma contemplation, j’ai entendu mon prénom. Ma voisine, Michèle, se tenait de l’autre côté de la rue et me faisait des grands signes de la main.
Elle a traversé et s’est assise en face de moi .
— Je suis heureuse de te voir. Tu m’as l’air fatiguée.
Pour les conseils en maquillage j’allais devoir revoir ma copie, visiblement, je n’étais pas au point.
— Les derniers jours ont été difficiles. Mes nuits sont plus mauvaises les unes que les autres alors… oui, je suis fatiguée.
Michèle a souri. Elle avait compris.
— C’est Lui ?
J’ai baissé les yeux vers le sol et hoché la tête. Penaude. Un instant, j’ai failli m’effondrer mais je me suis rappelée qui j’étais et…
— Oui. Mais je t’assure, aujourd’hui je vais bien.
Michèle m’a regardée, les yeux larmoyants. Un instant, j’aurais pu croire que c’était elle qui vivait avec Lui. Sa réaction m’a agacée. Il était mon fardeau, pas le sien. Comment pouvait-elle être plus affectée que je ne l’étais ?
Je me suis levée. J’ai prétexté un rendez-vous et me suis enfuie, sans me retourner.
Je suis rentrée chez moi. Fatiguée, un peu contrariée par la réaction de Michèle, mais heureuse de ma sortie. Je me suis pelotonnée dans mon canapé. Plaid, thé et roman. Le combo parfait pour achever la journée.
Quand le jour a cédé sa place à la nuit, je me suis rendue compte du temps écoulé. Pendant quelques heures, je l’avais oublié. Il n’était pas venu me narguer. Il ne s’était pas montré. Mais ça n’a pas duré.
Ce fut donc la première fois.
Il y en eut une deuxième. Puis une troisième.
Avec le temps, j’encaissais plus facilement. Mettais moins de temps à me remettre. Je luttais. Souriais. Me relevais.
Alors, pour me punir, il a volé un peu plus de ma féminité.
7 commentaires
eden2107
-
Il y a 4 ans
Azilizaa
-
Il y a 4 ans
Sapro
-
Il y a 4 ans
cedemro
-
Il y a 4 ans
OPHELIE
-
Il y a 4 ans
Sonyawriter
-
Il y a 4 ans
Karen Kazcook
-
Il y a 4 ans