Fyctia
LAISSER MOURIR LES FLEURS
Je n’ai jamais eu la main verte. Ma plus grande peur, lorsque j’invite des amis, c’est qu’ils m’offrent une plante en pot. Imaginez un peu: la table est prête, garnie d’une vaisselle originale achetée dans une grande enseigne suédoise, deux ou trois bougies pour une ambiance cosy, une bonne odeur de carbonnade flamande qui s’échappe de la cuisine et le coup de sonnette.
Cath et Béber sont arrivés. Mon amie me tend une magnifique orchidée blanche et violette.
— Oh mais c’est trop gentil, il ne fallait pas.
Intérieurement, je lève les yeux au ciel. Vraiment ils n’auraient pas dû, dans une semaine, elle sera morte ! Elle est superbe, mais en sursis.
— Béber a choisi le vin et moi les fleurs.
Oh ben tu aurais pu faire l’économie de la verdure, ma chérie. Le vin aurait suffit. Mais je suis bien élevée. Merci maman, merci papa. Je souris. Remercie chaleureusement mes invités . En route pour une soirée entre amis.
Huit jours plus tard. RIP l’orchidée. Je n’ai aucun lien de parenté avec Nicolas le jardinier.
Pourtant, en ce dimanche après-midi, j’ai revêtu l’ habit du paysagiste. Un beau tablier vert pour ne pas me salir et des gants qui me vont à ravir.
J’ai acheté une campanule. Une plante vivace, rustique et robuste d’après les sites spécialisés. Il paraît qu’elle supporte autant la chaleur que le froid. Reste à savoir si elle survivra à mon aura.
Évidemment, j’ai aussi pris du terreau. Une espèce de terre remplie d’oligo éléments. J’ai mis toutes les chances de mon côté pour que cette magnifique fleur s’épanouisse dans mon jardinet.
Je ne peux pas me louper. Je ne dois pas me louper. Parce que c’est sous la campanule que je l’ai enterré.
Nul ne doit deviner sa présence. C’est un secret entre moi et ma garde rapprochée. Ce sont les seuls à qui j’ai avoué mon méfait.
J’ai creusé un trou à sa taille. Au millimètre près.
Je l’ai tiré tant bien que mal jusqu’à sa dernière demeure.
Enveloppé dans un drap blanc. Recouvert d’un habit virginal pour le laver de ses péchés.
Le corps.
Le terreau.
La campanule.
J’arrose. Me frotte les mains. L’une contre l’autre. Les pose sur mes hanches.
Comme tout bon ouvrier, j’admire mon travail. Contente et satisfaite.
Personne ne devinera jamais que c’est là qu’Il repose en paix.
Il, je l’ai rencontré il y a dix ans, au cours d’une banale journée à l’hôpital.
J’avais un rendez-vous de fille. Vous savez, ces médecins qui ne voient que des vagins à longueur de journée. Je n’ai jamais compris ce qui pouvait tant attirer dans ce métier, mais bon, il en faut pour tous les goûts n’est-ce pas ?
Revenons à Lui, je l’ai rencontré à l’hôpital. Discret, je ne l’ai pas vu tout de suite. Il faut dire que je n’étais pas non plus d’humeur. Mon médecin m’a dit plus tard qu’IL était dans les couloirs quand j’étais arrivée, mais je ne l’avais pas remarqué.
Il était avec une jeune femme quand je suis sortie de mon tête à tête avec le Doc Gynéco.
Son interlocutrice était en larmes. IL était à ses côtés. La consolait. Enfin c’est ce que j’ai pensé.
Il était habillé de noir. Il émanait de lui un certain mystère. J’étais hypnotisée. Intriguée. Attirée mais aussi apeurée. Des sentiments contradictoires. J’ai repris mes esprits et me suis dirigée vers la sortie.
Nous étions au début du mois de mai. La nature s’éveillait au printemps. Je me suis assise dans l’herbe, dans le parc situé juste à côté de l’hôpital. Je n’avais pas envie de rentrer immédiatement dans mon petit appartement.
Pour ne pas penser, je me suis perdue dans la contemplation d’un défilé de fourmis. Inlassables ouvrières à la force titanesque et à la structure sociale complexe. Je m’interrogeais quant à la caste à laquelle j’aurais appartenu si j’avais été l’une d’entre elles lorsque j’ai été saisie d’un frisson. Un léger déplacement d’air, sur ma droite.
J’ai relevé la tête, distraite, et l’ai vu. IL était là, devant moi. IL était plus grand et impressionnant que quelques minutes auparavant. Tout en lui était sombre. J’avais beau chercher la lumière je ne voyais que le noir et le désespoir. Pourtant il m’a pris par la main et ne m’a pas lâchée, pendant plusieurs années.
38 commentaires
Azilizaa
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Il y a 4 ans
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Il y a 4 ans
Khlo-hey
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Il y a 4 ans
cedemro
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Philippe Brient
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Millet Nathalie
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OPHELIE
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Il y a 4 ans
Sandrine Lopez
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Il y a 4 ans