Fyctia
Chapitre 23 🥼🏫🚸🫶
J-45
Louis insiste. Son dernier message me pique au vif. J'ai éprouvé des sentiments pour cet homme pendant longtemps, difficile donc de rester insensible à ses tentatives de réconciliation.
Loin des yeux, loin du cœur.
Le proverbe est éloquent, en tout cas, en ce qui me concerne. Mon arrivée à Châtelet remonte à quatre semaines. Quatre semaines qui, soyons honnêtes, me procurent un bien fou côté sentimental. Ce break me permet de jeter Louis et ses diverses conquêtes aux oubliettes, de passer à autre chose, lentement mais sûrement. Je pourrais y parvenir en totalité… oui. Si seulement, il en faisait de même, s'il profitait de cette distance qui tombe à point nommé pour avancer lui aussi. Le comportement qu'il avait adopté depuis notre séparation pointait pourtant dans cette direction. C'est à ne plus rien y comprendre.
Lui redonner une seconde chance ? Après ce que nous avons vécu ? J'en doute. L'aiguille de la balance de mon cœur penche plus du côté rejet de toute façon. Si je devais lister tous les désavantages à remettre le couvert avec mon ex, la liste serait longue. Très longue. Alors, je tente une réponse allant dans ce sens.
Peut-être un poil trop sarcastique. Je ne suis pas aussi méchante et vindicative, surtout alors qu'il essaie de renouer. Je l'efface puis réessaie.
Trop gentil. Il insistera, encore. Alors, je supprime, une fois de plus.
Je pense que la meilleure manière pour qu'il intègre qu'entre nous deux, c'est une histoire morte et enterrée se trouve dans l'ignorance. Je déteste ghoster les gens. Cependant, Louis ne semble pas saisir l'importance de ma mutation temporaire sur la Côte d'Opale. Je ne le déteste pas. Loin de là. Ce serait mentir que d'affirmer que son soudain revirement ne me chamboule pas malgré tout. Mais non, je refuse de céder à ses relances.
Une Marion enjouée m'extrait de mes pensées.
— Éli ! C'est bon, c'était ton dernier patient de la matinée ! On ferme et on va déjeuner ?
Je referme mon dossier en cours. Mon sous-main affiche 15 croix. Ce soir, j'en ajouterai une de plus au compteur. Je n'ai effectué qu'un quart de cette peine que je me suis infligée. Je tiens bon.
Depuis la tempête et la fuite de gaz, nous assistons un peu à une sorte d'été indien. Le soleil semble de retour et perdurer. Nous bénéficions d'un redoux inespéré. J'expire toute ma satisfaction. Marion et moi décidons de rentrer nous préparer un sandwich et profiter de la vue dégagée vers l'Angleterre. Lorsque nous ressortons, Colette vient à notre rencontre, complètement affolée et essoufflée. Elle va nous faire un arrêt cardiaque si elle continue sur cette lancée.
— Oh docteur Delatour ! Vous zêtes là ! Chui zallée à vot' cabinet mais il éto déjà fermé et j'ai zeu peur d'ne pô vous trouver !
— Bonjour Colette, calmez-vous, que se passe-t-il ?
— Ché le p'tiot Martin à l'école ! Il… il… il est tombé… et…
— Il s'est fait mal ? intervient Marion.
Colette, hors d'haleine, acquiesce d'un bref hochement de tête.
— J'y vais Marion, je te rejoins après. Va déjeuner.
Je croque à pleines dents dans mon sandwich et le lui tends pour qu'elle le garde au chaud. Je repasse ensuite par le cabinet, m'empare de ma sacoche et presse le pas en direction de l'école élémentaire du village. L'infrastructure est à l'image de Châtelet. Vieillotte. Vieillotte certes, mais mignonne. L'entrée par les grilles bleues donne directement dans la cour dont le macadam est décoré de dessins à la craie et de marelles. Au centre, un attroupement d'enfants. J'essaie tant bien que mal de me frayer un chemin parmi eux. Le blessé assis sur un banc se crispe de douleur. À ses côtés, un adulte accroupi le rassure du mieux possible alors que le petit garçon gémit. Un homme, à la chevelure aux reflets dorés, vêtu d'un jogging de sport, avec un sifflet autour du cou… un homme que je reconnais instantanément une fois de plus. Je souris malgré moi devant l'étrangeté de la situation. Conservant mon sérieux, je m'agenouille et prends de suite en charge mon nouveau patient.
— Bonjour Simon… dis-je, le plus naturellement possible. Qu'avons-nous là ?
— Bonjour Élisa ! Merci d'être venue aussi vite ! Martin s'est foulé le poignet pendant le cours de sport ce matin. Il ne s'est pas plaint mais à présent ça gonfle un peu. J'espère que ce n'est pas cassé…
J'ausculte le petit garçon qui ne peut retenir une grimace de douleur durant la manipulation. Il me faut déceler si c'est une entorse ou si c'est plus grave.
— Les enfants ! S'il vous plaît, retournez jouer. Docteur Delatour a besoin d'espace et de concentration. Dispersez-vous ! ordonne Simon.
Il se lève et, de par sa taille et sa stature bien plus imposante que celles des élèves, se fait obéir sans soucis.
— Il faudrait de la glace, tu aurais ça ici ?
— Oui, à la cuisine de la cantine, répond-il, concerné. Je reviens vite.
Quelques instants plus tard, il réapparaît, un sac de glaçons entre les mains. J'applique celui-ci sur le poignet endolori du jeune Martin. Ce dernier, comme un grand, décide de le tenir par lui-même.
— Martin, tu es un garçon très courageux, l'encouragé-je. Je te laisse quelques minutes, je reviens.
Il me gratifie d'un sourire sincère. Dans son regard, je peux lire toute la confiance qu'il m'accorde.
— Je peux te parler, Simon ?
Nous nous mettons un peu à l'écart, gardant toujours à l'œil le blessé.
— Alors comme ça… tu es aussi prof de sport ?
Monsieur Le Maire me scrute de ses yeux bleus intenses. Quelque chose dans ses prunelles me rend fébrile et j'en perds un peu mes moyens. Nous nous fixons pendant de longues secondes et mon cœur bat la chamade. Son sérieux me trouble toujours autant. En situation de crise, son tempérament naturel de leader force le respect. Tous les habitants, les jeunes comme les plus âgés, le reconnaissent comme leur mentor et suivent ses instructions à la lettre. Malgré l'effet incroyable qu'il me provoque, je garde contenance et ne le laisse pas entrevoir ce trouble qui m'anime.
— En effet… Je donne des cours une fois par semaine pendant deux heures. Il faut être doté d'une polyvalence incroyable à Châtelet-plage !
— Planning chargé, je suppose ?
— T'as pas idée…
Simon m'adresse un sourire exquis. Un halo de lumière entoure son visage angélique. Mon corps se réchauffe sous ses yeux perçants qui me détaillent avec insistance et des petits papillons se logent au creux de mon ventre. Quelque chose se passe. Quelque chose que je n'aurais jamais cru pouvoir retrouver après mon histoire avec Louis. Quelque chose d'inhabituel, d'indescriptible et d'incompréhensible. Quelque chose de… nouveau.
11 commentaires
Valentine M
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Il y a 2 ans
Maddy Son
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Il y a 2 ans
Patricia Eckert Eschenbrenner
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Il y a 2 ans
clecle
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Il y a 2 ans
Maddy Son
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Il y a 2 ans
Rose Foxx
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Il y a 2 ans
Elisha Lowann / Myrtille Lalau
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Il y a 2 ans
Maddy Son
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Il y a 2 ans