Fyctia
Chapitre 22 🥼🕐 J-47
Même à des kilomètres de chez moi, je ne perds pas mes bonnes habitudes.
Un bain, c'est sacré ! Je profite de l'absence de Marion, partie courir sur la plage, pour me prélasser. La baignoire est remplie à ras bord et une mousse épaisse parfumée à la rose stagne à la surface. Le corps décontracté, je me repasse le film des événements du week-end dernier. J'en rigole aujourd'hui, mais que serait-il arrivé si j'avais été dans mon bain quand Simon a fait évacuer toute la rue ? J'aurais dû sortir toute nue ? Je n'ose même pas imaginer.
J'aurais fait les gros titres du village :
Le docteur Delatour, nudiste ? ou pire… Docteur Delatour, star du X ?
Au moins, la combi lapin rose bonbon m'a évité ce genre de déconvenue et en a fait rire plus d'un.
L'histoire s'est aussi bien terminée pour Jean-Paul. Il nous a fait une belle frayeur en s'évanouissant suite à une déshydratation sévère. Une gastro-entérite carabinée mal soignée peut avoir de graves conséquences. Les urgentistes ont jugé bon de le garder en observation pour la nuit. Il est revenu au village dans une ambulance le lendemain matin. Puis, il est venu toquer chez Marion pour me remercier. Je l'ai réprimandé comme un enfant pour n'avoir pas suivi mes conseils à la lettre. Cependant, j'étais soulagée de le voir en meilleure forme. Adieu les waters !
La fuite de gaz a, quant à elle, été rapidement colmatée. Dès que nous en avons eu l'autorisation, nous nous sommes rués à l'extérieur pour applaudir les sapeurs-pompiers. Nous avons pu regagner chacun nos domiciles un peu après minuit. Difficile pour moi de trouver le sommeil. Cette nuit-là a été plus que mouvementée. D'une part à cause du vent tourbillonnant en continu et d'autre part, à cause des nombreux messages de mes proches, baignés d'inquiétude. Ayant appris qu'une tempête balayait la Côte d'Opale, ils ont paniqué. J'ai aussitôt répondu à mes parents. Mais rassurer mon ex n'était pas dans mes intentions. Ne peut-il pas me ficher la paix ? Oui, c'est gentil de s'inquiéter pour moi bien évidemment, mais je n'oublie pas toutes ses crasses depuis notre rupture. Mon départ a-t-il été un élément déclencheur ? M'aime-t-il toujours ? Il a continué d'insister jusqu'à ce que je daigne lui répondre. J'ai fini par lui écrire que tout était rentré dans l'ordre.
Les doigts des mains et les orteils flétris tels des pruneaux, je décide de mettre fin à ce moment idyllique. Je m'enroule dans mon énorme peignoir ivoire et remonte mes cheveux en une queue de cheval haute.
— Élisa, je suis rentrée ! m'avertit mon amie en claquant la porte d'entrée.
Je me précipite, quelques secondes plus tard au rez-de-chaussée, vêtue d'un sweat à capuche et d'un pantalon de jogging.
— Tu vas courir ? Fallait venir avec moi !
— Euh… dis-je en faisant mine de réfléchir. Sans façon ! Tu peux aller te doucher. Je vais aller nourrir mon petit D'Artie. Il doit s'ennuyer le pauvre…
Je file direct au cabinet et observe mon poisson qui s'acclimate mieux que moi à son nouvel habitat. Vite adopté par les habitants, il apporte un peu de gaieté et de nouveauté dans les locaux. Les yeux rivés sur lui, les patients sont hypnotisés, parfois même pliés en deux pour l'admirer, lorsque monsieur décide de se cacher dans sa maison, telle une star fuyant les paparazzis.
Je m'installe dans mon fauteuil et consulte l'agenda de la semaine à venir. Complet du lundi au vendredi. Il va cependant falloir que je trouve un créneau pour aller voir le père de Laurent Rose. Je me suis déjà excusée auprès de ce dernier pour ce délai à rallonges.
J-47.
Une nouvelle case cochée. Une de plus. Deux semaines se sont écoulées sur les neuf prévues. Encore sept ! Je passe en revue la liste des rendez-vous et quelle n'est pas ma surprise en découvrant que le premier patient de la semaine sera… monsieur Argan, réglé comme un coucou.
Un bruit venant de l'autre pièce me fait bondir sur mes deux pieds. J'attrape la seule chose capable de faire fuir un cambrioleur et avance doucement.
— Tu fais quoi avec ce coupe-papier ? s'exclame Marion en levant les mains en l'air.
— Tu m'as fichu la trouille !
— Repose cette arme, sauf si tu as des envies de meurtre, ricane-t-elle.
— Devine qui a encore pris rendez-vous lundi à la première heure ?
— Je sais, soupire-t-elle. N'oublie pas que c'est moi qui prends les appels ! Il n'a toujours pas compris. Il est quand même venu te consulter avec une bouteille d'huile d'Argan pour que tu lui expliques comment l'utiliser !
— C'est pas faute de lui avoir dit que sa recherche sur Google n'était pas exacte. Il faut taper arganisme ET maladie pour obtenir tous les renseignements. Je retenterai ma chance lundi.
— Bon courage à toi… Et Lydie ! On n'a pas eu le temps d'en reparler. Elle ne cessait de dire sa phrase favorite.
— Qu’est-ce qu’elle dit ? crions-nous à l’unisson.
— C'est vrai, continué-je. Elle est venue pour un tout petit rhume. Mais la consultation a été un enfer. Elle comprend un mot sur deux. Alors je me suis plus attardée sur ses problèmes d'audition. Je lui ai conseillé d'aller voir un spécialiste. Il y a des jours avec et des jours sans, comme elle dit. C'était visiblement un jour sans. Je la reverrai à ce sujet. Allez, rentrons.
Marion ferme la porte à double tour et nous marchons côte à côte vers la maison.
— Ça t'ennuie si on marche un peu dans le village ? lui demandé-je, d'une voix un peu trop grave.
Ses grands yeux me fixent avec appréhension.
— Tu regrettes d'être venue à Châtelet ? s'enquiert-elle.
— C'est pas ça. Non, bien sûr que non, enfin… même si c'est pas le travail qui manque ici, ma vie à Lille me manque, elle.
— Je sais bien. Tu crois que je n'ai pas vu ton sous-main au bureau avec toutes ces croix ! Je sais que c'est pas simple de tout abandonner, même pour deux mois, mais je suis certaine que c'est un mal pour un bien. Mais je te connais Élisa, c'est autre chose qui te tracasse, je me trompe ? C'est Louis ?
Mon amie lit en moi comme dans un livre ouvert. Je ne peux absolument rien lui cacher.
— Il ne lâche pas l'affaire. D'ailleurs, il vient encore de m'envoyer un message ! Il veut savoir si je compte rentrer un week-end sur Lille. Comment veux-tu que je passe à autre chose ?
— Il veut quoi ? Remettre le couvert avec toi ? Ne retombe pas dans ses bras. Il n'en vaut pas la peine.
— Je sais. Ne t'inquiète pas, je gère. Il m'a trop fait souffrir. Je ne pourrai pas lui pardonner.
— Bloque son numéro. Il finira par comprendre. Ce mec est un coureur de jupons, c'est dans sa nature, il ne changera pas... Par contre… Simon… est un type bien et sérieux.
— Il a disparu des écrans radars depuis une semaine. C'est bizarre non ?
— Oh ! C'est trop mignon ! Simon te manque. Avoue qu'il te plaît Éli…
— Il me plaît oui… Contente ? admetté-je à demi-mots. Avant la fuite de gaz, on le voyait partout, et puis plus rien. Je me pose des questions.
— Je te l'ai déjà dit, ses différentes casquettes lui prennent tout son temps. Tu vas le revoir, ne t'inquiète pas pour ça.
9 commentaires
Patricia Eckert Eschenbrenner
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Il y a 2 ans
Caroline-Noëlle
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Il y a 2 ans
clecle
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Il y a 2 ans
Maddy Son
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Il y a 2 ans