Fyctia
Chapitre 15 💔🍒🍆🌹
— Tu te pavanes comme un coq dans sa basse-cour, s’écrie la vendeuse de fruits, derrière sa table. Je sais pas comment j'ai fait pour t'aimer toutes ces années. J'aurais mieux fait de tomber dans les pommes le jour où je me suis mariée avec toi ! T'es qu'un pov' type !
— Et moi alors ! Chaque jour, tu me prends le chou avec tes ordres. Fais comme ci, fais pas comme ça, tu me pompes l'air, ajoute-t-il, en augmentant le volume.
— Mais oui, faut jamais rien te dire de toute façon ! grommelle l'autre. Monsieur est parfait. Mais personne ne l'est, même pas toi mon cher Thomas !
— J’hallucine ! Ils sont vraiment en train de se prendre la tête devant tout le monde ? dis-je à Marion, les yeux grands ouverts.
— T’as pas idée. C’est comme ça depuis qu’elle est au courant. Tu imagines ?
Selon mon amie, les passants participent, depuis des semaines et sans le vouloir, à leurs disputes conjugales. Ce matin n’y fait pas exception. Certains assouvissent leur curiosité maladive, d’autres fuient. Les yeux rivés sur Madame Peschet, elle vacille, se rattrape au coin de la table puis s'asseoit sur le bord du trottoir. Je me précipite à sa hauteur pour m'assurer de son état, Marion sur les talons.
— Comment vous sentez-vous ? Vous avez eu un vertige ! Vous mangez et buvez assez ?
— Ça va, me répond-elle, fébrile.
— J’en doute. On n’a pas ce genre de vertige sans raison.
— C’est à cause de cet abruti, j'ai perdu l'appétit depuis que j'ai découvert qu'il me trompait il y a quelques semaines avec l'autre là, se confie-t-elle, en désignant la crémière du menton.
La situation est délicate. En résumé, Thomas, le grand brun à lunettes juste en face, est marié à Cerise depuis plusieurs années sauf qu’il l’a trompée avec Clotilde, la crémière. Cette dernière, honteuse, ne bouge pas d’un poil, se cachant dans son fourgon, derrière la vitre-présentoir de ses fromages.
— Oh… je ne savais pas. Je suis désolée. Ça ne doit pas être facile à gérer.
— Je ne suis pas certaine de gérer quoi que ce soit à vrai dire. Comme les habitants le disent… Cet imbécile a le beurre, l'argent du beurre et le cul de la crémière. C'est aussi simple que ça. Et moi je suis la cocue de service qu’on laisse tomber comme une moins que rien. Cette situation me tord l'estomac. Et même si, devant moi, il prend ses distances avec elle les jours de marché, ça fait mal.
Je la plains ! Elle doit supporter son mari ET la maîtresse de son mari sur une petite centaine de mètres carrés. À Wazemmes, vu le monde, une telle histoire serait restée dans l'ombre. En revanche, à Châtelet, cela prend des proportions inattendues. Après quelques instants, elle retrouve ses esprits et se remet difficilement au travail.
— Je vous laisse. Surtout buvez de l'eau, il est important de s'hydrater quand on a des vertiges. Et mangez des fruits. Du sucre, du sucre, rien de tel !
Madame Peschet m'adresse un sourire forcé tout en croquant dans une pomme. Je m'éclipse afin de m'entretenir avec le trouble-fête. Thomas Peschet, l'homme infidèle. Cependant, quelqu'un d'autre est déjà sur le coup : Monsieur Le Maire ! Trop concentrée sur l’état de santé de la femme du primeur, je n’avais pas remarqué que Simon se trouvait dans les parages. De son côté, il essaie de raisonner le marchand de légumes.
— Ce n’est plus possible Tom. Vous vous donnez en spectacle. Et ce n’est pas bon pour les affaires. Vous faites fuir tout le monde. Tu sais à quel point je me démène pour faire vivre ce village. Vos problèmes de couple n’ont pas leur place ici.
— J’y peux rien moi, c’est elle qui m’agresse. Je ne fais que répondre. C’est une folle furieuse.
— À qui la faute ? lâché-je à voix haute, m'immisçant dans leur conversation.
Les yeux braqués sur moi, je souris naïvement avant d’enchaîner :
— Désolée, je voulais discuter avec vous. Vous allez sûrement me dire de me mêler de ce qui me regarde, mais je suis le docteur Delatour. Je remplace le docteur Lemaire.
— Et alors ?
— Et alors ?! Votre femme ne va pas bien. Elle est faible. Vous devriez la ménager.
— C’est plus mon problème.
— Écoute le docteur, lui suggère Simon, avant de s’écarter légèrement.
Il hésite mais finit par suivre le conseil du chef du village. Il prend donc les devants et se confie sur ses problèmes conjugaux.
— Elle m'a cherché, elle m'a trouvé. Elle ne se remet pas de notre rupture. Sexuellement, nous n'étions plus compatibles. Il y avait des jours et des heures à respecter pour nos ébats et je devais m'en contenter, sauf que le plaisir ne marche pas sur commande, vous voyez ?
Je hoche la tête et le laisse poursuivre. Simon, silencieux, en fait de même. Il semble me faire confiance pour gérer la situation. C'est alors que Cerise, toute rouge et visiblement ragaillardie, déboule en trombe, enlève de rage son tablier orange, et ébouriffe par la même occasion ses longs cheveux blonds, lesquels étaient parfaitement en place.
— Je te jure, il faut que t’arrêtes de raconter des salades à tout le monde. J’en peux plus ! Et puis, tu crois quoi ? Ton aubergine ressemble plus à une saucisse cocktail qu’à autre chose !
Simon intervient aussitôt et convainc, non sans mal, cette dernière de retourner dans sa camionnette. Elle s’exécute en hurlant qu'il ment comme il respire. Thomas contre-attaque. Simon, quant à lui, reste en retrait.
— Je reconnais mes torts. Je l’ai trompée. Mais j’avais besoin de pouvoir faire l'amour à n'importe quel moment. Avec elle, il ne fallait pas que ça s'éternise et c'était uniquement ses positions préférées. Clotilde s'est intéressée à moi. Mon couple allait mal, elle m'a écouté et le désir entre nous a fait le reste, nous avons succombé. Je devenais fou à être tenu en laisse chaque jour. Et voilà où nous en sommes, à nous hurler dessus en plein milieu du village. Nous pensions avoir trouvé un commun accord en séparant le stand en deux mais ça ne fonctionne pas pour autant.
En tant que psychologue amatrice, j'ignore comment conseiller ces deux personnes meurtries par cette situation qui me paraît sans issue. Simon, quant à lui, ne trouve pas les mots. Nos regards se croisent, je comprends alors qu'on ne trouvera pas la solution aujourd'hui.
— Vous devriez trouver un vrai terrain d'entente. J'ignore lequel mais discutez-en à tête reposée. Vous avez été mariés, vous l’êtes toujours, vous vous êtes aimés, vous ne pouvez pas en arriver à vous détester.
— Hélas, c'est en train de se passer de cette façon. On ne peut plus se voir en peinture, dit-il, désemparé. Bon, je dois y retourner.
— Si vous avez besoin de parler, venez à mon cabinet. N'hésitez pas surtout, rebondis-je avant de les laisser tous les deux.
— Merci Élisa, lance Simon à mon égard, satisfait de notre collaboration.
Je réponds avec un clin d'œil furtif et recherche mon amie. Cette dernière a préféré me laisser me débrouiller seule avec les Peschet. Mon regard s’arrête lorsque je l’aperçois en pleine conversation avec le fleuriste.
Sympa la copine ! Manifestement, elle a d’autres priorités !
30 commentaires
ClemZ
-
Il y a 2 ans
Eva Boh
-
Il y a 2 ans
Valentine M
-
Il y a 2 ans
Maddy Son
-
Il y a 2 ans
John Doe
-
Il y a 2 ans
Maddy Son
-
Il y a 2 ans
AngieN
-
Il y a 2 ans
Maddy Son
-
Il y a 2 ans
Maddy Son
-
Il y a 2 ans
clecle
-
Il y a 2 ans