Fyctia
Chapitre 5 👠🧳🏥🤝
La moitié de mon dressing étalé délicatement sur le lit, le choix s'avère difficile. À ma grande surprise, le matelas King-size n'est pas assez grand pour accueillir ma garde-robe complète. J'ignorais avoir autant d'affaires. Je me limite à deux grosses valises. Ces derniers jours, j'ai établi une liste pour être certaine de ne rien oublier. Inutile de prendre des quantités astronomiques de vêtements. J’utiliserai la machine à laver de Marion ou au pire, j’irai au lavomatic au coin de la rue. Toutes les villes en ont un !
Ce remplacement, considéré comme un travail plus sédentaire qu’au CHU, va me permettre de dire adieu à mes fameuses Crocs blanches. C'est donc avec un certain plaisir que je case des escarpins. Ceux-ci s'accorderont bien évidemment avec mes tailleurs et mes robes. Cependant, impossible de déroger à la blouse blanche, un incontournable dans le milieu médical. Selon Marion et ma mère, la région regorge d'attractions toutes plus belles les unes que les autres. Château, plages de sable fin, forêts domaniales, boutiques, bars, restaurants. Je ne vais pas m'ennuyer. J'ajoute donc à mon panel, des tenues décontractées, des jeans, des sweat-shirts à capuche et des sneakers. Je file maintenant dans la salle de bains pour récupérer mes produits de beauté, mon sèche-cheveux et un élément vraiment essentiel à mon bien-être : mon gratte-dos en bois. L'essayer, c'est l'adopter. Depuis que ma mère me l'a offert le jour de mon trente-cinquième anniversaire, impossible de m'en passer. C'est dément ! Celui qui a inventé cette brosse est un pur génie. Il me reste encore un peu de place dans la valise pour y déposer quelques livres – des thrillers de préférence – et mon enceinte bluetooth, que je case entre deux pulls.
Je consulte l'horloge sur le mur. Le timing est respecté. Enfin presque. Je comptabilise tout de même une heure de retard sur le planning que je me suis fixé. Malgré cela, je m'affale sur le lit quelques instants. Les yeux fermés, une main sur le ventre et l'autre au niveau de la poitrine, j'improvise des exercices de respiration et me mets à rêvasser. Le bruit lent des vagues et l'odeur de la mer iodée me bercent. Cheveux au vent, lunettes de soleil sur le nez, je contemple l'horizon à perte de vue, installée sur un transat, sirotant un cocktail de fruits en compagnie de ma meilleure amie et observant les chars à voile le long de la plage. Le kiffe total !
Non mais quelle cruche je suis ! On est en automne et qui plus est, dans le nord de la France, pas sur la Côte d'Azur ! Les séances bronzette ? Aux oubliettes !
Les valises enfin bouclées, je m'empare de mes clés de voiture, mon sac et ma veste puis conduis jusqu'à l'hôpital. Sachant que je m'absente pour les deux prochains mois, je récupère quelques affaires qui me tiennent à cœur : mes gris-gris, le diplôme de médecin accroché au mur et ma sacoche contenant mon matériel médical.
Toc, toc…
Je me retourne.
C'est lui.
Je pensais avoir été assez vindicative la fois dernière lorsque je l'ai croisé à la machine à café mais il est bien là, dans l'embrasure de la porte.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? Je crois qu'on n'a plus rien à se dire, non ? l'attaqué-je d'emblée, avant même qu'il ait pu ouvrir la bouche.
Interloqué par mon offensive, il reste coi un laps de temps avant de se reprendre :
— C'est plutôt à moi de te poser cette question. Qu'est-ce que tu fais avec ce carton ?
— Ça ne te regarde pas. Tu n'as pas mieux à faire. Je sais pas moi, comme aller draguer une autre infirmière ? le taclé-je à nouveau.
— S'il te plaît, arrête…
— Ne me dis pas d'arrêter. C'est toi qui as commencé. N'inverse pas les rôles. Sors de mon bureau, je ne le répéterai pas, lui dis-je en indiquant de mon index la porte.
— Non. J'aimerais qu'on discute.
— Un peu tard pour ça.
— Tu démissionnes ?
— Ah ça te ferait plaisir hein ? Désolée de te décevoir mais non. Tu ne te débarrasseras pas de moi aussi facilement.
Son expression est différente de celle qu'il arbore depuis plusieurs mois. Lui qui a l'habitude de me narguer avec son sourire niais, aujourd'hui il semble sérieux et sincère. Je sens qu'il aimerait me dire quelque chose mais je ne lui en laisse pas le temps.
— OK. Je ne suis pas venu pour t'énerver. Je voulais juste qu'on discute un peu... comme des adultes. Je te laisse. Bonne continuation.
Sur ce, il fait demi-tour sans prendre la peine de refermer la porte de mon bureau derrière lui puis s'éloigne.
— Louis... attends !
Quelle idiote ! J'ai tenu à peine cinq secondes avant de hurler son prénom. Il se retourne aussitôt. Un tendre sourire se forme sur son visage. Je le reconnais. C'est le même que lorsque nous sortions ensemble. Pas celui qu'il affiche avec ses conquêtes, mais celui qui m'a toujours fait fondre comme neige au soleil.
— Je…
— Oui ?
Il ne va pas m'aider ce goujat. Il me rend la pareille. Comment lui en vouloir ?
— Je…
— C'est tout ce que tu as à me dire ? se moque-t-il soudain. Tu sais Élisa, je ne suis pas doué pour les discours mais je voulais m'excuser pour tout le mal que j'ai pu te causer. Ce n'était pas mon intention mais je sais que je t'ai fait souffrir avec mon comportement. Que ce soit pendant notre relation ou après notre rupture. Je m'en veux. Tellement. Je ne voulais pas que les choses se passent de cette manière.
Après un court silence, il poursuit :
— C'est ridicule de démissionner. Tu as toujours adoré ce travail. Un jour, tu m'as confié que tu ne te verrais exercer nulle part ailleurs. Alors pourquoi prendre la décision de partir ?
— C'est exact. Mais les gens changent.
— Ne pars pas s'il te plaît. Reste.
Je n'y crois pas. À quoi il joue ? Ce revirement de situation me perturbe. Je ne pensais pas qu'il s'excuserait un jour pour son comportement ignoble. Je décide de lui dire la vérité.
— Tu te trompes. Je ne démissionne pas. J'ai un projet perso. David m'a donné son accord pour que je pose soixante jours de congés sans solde. On m'a proposé de remplacer un médecin généraliste en arrêt maladie sur la côte, à Châtelet-plage. Tu connais ?
Le soulagement se lit dans ses yeux. Il semble heureux que je ne parte pas définitivement. D'ailleurs, il a raison sur un point. Je ne me vois exercer nulle part ailleurs.
— Oh... Non, ça ne me dit rien du tout mais sache que je suis ravi pour toi. Je ne vais pas te faire perdre plus de temps. Tu pars quand là-bas ?
— Tout à l'heure. D'ailleurs, il ne faut pas que je traîne.
— Bonne route et prends soin de toi. À dans deux mois.
Quelques minutes plus tard, carton sous le bras, je contemple une dernière fois mon bureau avant d'éteindre les lumières et verrouiller la porte. Tout va me manquer ici.
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Eva Boh
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Maddy Son
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Valentine M
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