Fyctia
Chapitre 6-3
On parcourt des couloirs à n’en plus finir et je n’ai pas le temps de m’arrêter pour admirer la beauté des lieux.
— C’est ici, je vous retrouve d’ici 1H pour vous conduire à sa Majesté.
— Bien.
La porte se referme. Une femme du nom de Nancy se jette sur moi, déclarant ne pas avoir une minute à perdre.
— Pardon…euh…pourriez-vous faire le moins possible de choses ? J’aimerai demeurer naturelle.
— Vous voici arrivez au Salon Rêverie Miss Davis, le Prince arrive d’ici sous peu. Je vais vous annoncer.
— Merci, dis-je.
Ledit Salon a de quoi tenir son nom. La pièce est baignée d’une lumière naturelle, grâce aux nombreuses fenêtres. La vue est imprenable sur le lac et le jardin du Palais. Je suis médusée par la splendeur des lieux et n’ose pas m’asseoir avant d’y être invitée. L’ambiance est à la fois luxueuse et relaxante, avec ses plantes vertes et ses fleurs un peu partout dans la salle. Un tableau de la Reine repose sur un chevalet, comme s’il venait tout juste d’être achevé par son peintre. Sur une petite tablée repose un jeu d’échecs. Le Salon est une réelle invitation aux rêves éveillés et j’ai presque envie de m’asseoir, prendre un roman pour m’évader vers un ailleurs. La moquette m’a l’air si duveteuse que je ne peux m’empêcher de la toucher du bout des doigts. Comment font-ils pour qu’elle soit encore en si bon état ? Un défaut professionnel, me dis-je. Je me relève rapidement avant que le Prince ne me surprenne dans cette drôle de posture. Enfin, la porte s’ouvre, mon coeur cesse de battre.
Le Prince arrive en toute élégance, vêtu lui aussi d’un haut bleu marine qui lui sied à ravir. Edouard s’en va et nous voilà seuls tous les deux.
— Bonjour mademoiselle Davis, dit-il chaleureusement en inclinant la tête.
— Bonjour.
Sa présence forge le respect et mon identité me colle à la peau, je ne suis qu’une femme de ménage, j’ai du mal à soutenir son regard. Il m’invite à m’asseoir sur le grand sofa alors que lui, prend place sur une chaise.
Que dois-je dire ? Le remercier ?
Je suis sans voix, mes mains sont posées sur mes genoux, les yeux vissés sur mes chaussures. Je me demande ce que je fais là en fin de compte, je n’ai pas ma place ici. Il doit me prendre pour une idiote finie, une groupie sans cervelle.
— Mademoiselle Davis, je vous ai trouvé plus téméraire sur la vidéo, dit-il, un sourire dans le timbre de sa voix. Si mes souvenirs sont bons, vous m’avez même traité d’idiot !
Je lui vole un regard avant de lui répondre :
— Euh…c’est que je ne pensais pas que vous me choisirez votre Majesté. Et je…je ne vous ai pas traité d’idiot, j’ai dit que votre démarche l’était, rectifié-je.
Mon coeur tambourine, je sens ses yeux scrutateurs posés sur moi alors que je tourne les pouces pour évacuer mon stress.
— Vous ennuyez vous déjà de ma présence ? Vous vous tournez les pouces ! rigole-t-il.
— Non ! J’essaye de calmer mes nerfs.
— Il ne faut pas stresser, je ne suis pas aussi méchant qu’il y parait.
Je lui souris avant de baisser les yeux à nouveau. Ce fichu job de femme de chambre m’a ramolli la cervelle, j’ai été tellement conditionnée à me rendre invisible et à ne plus regarder les gens dans les yeux, qu’il m’est difficile de m’en défaire aujourd’hui. J’ai l’impression de passer un entretien d’embauche pour un grand hôtel, sauf que le Prince est le patron.
— Dîtes-moi, qu’est-ce qui a fait que vous envoyez votre candidature, à part votre charmante petite soeur bien sûr ?
— Eh bien…je…
— Excusez-moi, pourriez-vous me regarder dans les yeux quand je vous parle ? Je trouve cela très perturbant de ne pas vous voir, demande-t-il gentiment.
— Oh…je suis désolée, je ne voulais pas vous manquer de respect. C’est simplement un défaut professionnel, excusez-moi, dis-je en me redressant pour planter mes yeux dans les siens.
Si je pouvais, là maintenant, je me serai endormie dans le bleu de son regard placide.
— Il y a deux raisons qui m’ont poussée à le faire. La première est que j’avais envie de voir si ma théorie était vraie…
— Que je suis immature et idiot ! dit-il souriant.
— On va dire ça comme ça, oui ! Et puis une autre partie de moi, avait envie de vous connaître tout simplement, le vrai vous je veux dire, pas quand vous êtes face aux médias ou le prince, mais celui que vous êtes lorsque vous n’êtes qu’un homme.
— C’est un bel aveu ! Est-ce parce que vous étiez amoureuse de moi plus jeune ? Votre soeur m’a montré tous les posters !
J’écarquille les yeux d’étonnement, avant de grincer des dents de colère. Est-ce que je rêve ou le Prince se plait à me mettre dans l’embarras depuis le début de l’entrevue ?
— Je vais l’étriper, murmuré-je.
J’hoche non avant de reprendre toute rouge :
— C’est vrai, j’ai eu ma période « amoureuse » du fameux Prince, mais qui ne l’a pas connu, n’est-ce pas ? J’étais jeune et insouciante, mais ce n’est pas cela qui m’a poussé à vouloir vous connaître.
— Poursuivez !
— Euh…je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais lorsque j’avais 19 ans, je bossais à LadyTown, au French Café. Un jour, vous étiez là, je ne savais pas que c’était vous. Vous portiez une casquette et lorsque j’ai pris votre commande, votre garde du corps je présume, a fait semblant que vous étiez sourd et a passé commande à votre place. C’était une sale journée pour moi. Une fille de ma fac est venue avec sa bande et mon ex copain, Jason. Ils m’ont humiliée pendant tout le service, m’ont balancé des atrocités. Je suis allée pleurer dans les cuisines et j’ai tout encaissé sans représailles pour garder mon job. Je n’avais pas le luxe de me pouiller avec eux. C’était mon orgueil qui prenait un coup ou mon travail, le choix était vite fait. Euh…avant de partir, vous avez attendu que je sois à la tablée de Brittany et vous vous êtes révélé en tant que Prince. Devant eux, vous avez pris MA défense, vous les avez menacés pour qu’ils me laissent tranquille. Et vous m’avez fait prendre conscience que personne ne pouvait me faire sentir inférieure sans mon consentement. C’est à cause de ça que j’ai envie d’apprendre à vous connaître. Et…j’avais juste besoin d’un entretien, d’un face à face avec vous, pour vous remercier pour ce que vous avez fait ce jour-là. Alors, merci, dis-je, merci sincèrement.
— Waouh ! Je m’en rappelle. C’était une sacré peste cette fille !
— Oh oui !
— Et vous ? Vous avez été si courageuse.
— Merci.
— Vous avez parlé de défaut professionnel ? Que faite-vous dans la vie pour avoir cette habitude de ne pas regarder les gens dans les yeux ?
Décidément, il ne passe à côté d’aucun détail, il est plus attentif que je ne le pensais.
— Euh…je suis femme de chambre, dis-je, plantant mes yeux dans les siens. On nous éduque pour cela : être invisible, se fondre dans le décor, ne pas se mettre en avant ou ne pas regarder les clients importants dans les yeux.
— Eh bien Ava, dit-il presque comme un ordre, avec moi, ne faite jamais cela ! Ne tentez pas de vous rendre invisible, car vous êtes loin de passer inaperçue.
— Entendu !
La suite dans un prochain chapitre, faute de place
3 commentaires
stanos974
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Il y a 7 ans
Fanny, Marie Gufflet
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Il y a 7 ans
Célia Picard
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Il y a 7 ans