Fyctia
Ava-Partie 2
Le Blue café se trouve à 10 minutes en voiture, si la circulation est fluide. Ce qui est le cas comme il fait nuit et vu l’heure avancée, les gens sont sûrement en train de manger ou cuver leur boisson, bien au chaud chez eux. Je mets de la musique pour me donner du courage. Une chanson de Kari Jobe The Garden, apaisante et rassurante comme un bon bain moussant après une journée écrasante. Sauf que le mienne est loin d’être terminée.
Sur la voie rapide, je passe la cinquième et souris lorsque la voiture rugit. Le siège passager se met à tressauter. Un soucis avec le ….[ trouver le mot] Je ferai réparer cela dès que possible.
J’apprécie le trajet et mets la quatrième pour rebooster le véhicule qui a du mal à garder la cadence. Voilà que le pommeau de vitesse reste dans ma main. Décidément ! J’aurai dû écouter maman et ses astuces : bricoler une balle de golf pour remplacer le fichu pommeau. J’accélère à nouveau et sens une résistance. En revanche, celle-ci n’est pas normale. La voiture patine. Je sens que le moteur chauffe. Je rétrograde, ralentis, prends soin de me ranger sur le côté. Une fumée noire sort du capot. Fichue bagnole [ 1er catalyseur, le premier PB]! C’est en pestant que je sors vaincue du véhicule. Téléphone à portée de main, je compose le numéro de la dépanneuse, celle qui va me coûter un bras vu qu’on est le soir. J’appelle également mon manager pour le prévenir de mon retard, sans savoir comment je vais rentrer chez moi après mon travail. Heureusement que je suis de fermeture, au pire j’aviserai, je dormirai sur place.
Je passe les minutes suivantes à ravaler ma colère et ma frustration. Je déteste pleurer, pour moi c’est une vraie perte de temps et d’énergie. Je réfléchis déjà aux divers solutions qui s’imposent à moi pour les réparations de la voiture. Je pourrai vendre mon ordinateur, je n’en tirerai pas grand chose, mais ça pourrait couvrir une partie des frais. Faire des heures en plus devient impossible, vu que mon corps commence à ne plus pouvoir suivre le rythme. Ce n’est pas comme si j’avais un talent quelconque qui me rapporte de l’argent. J’aurai pu faire des vidéos de moi sur youtube, mais je chante comme un pied ! Mon physique est très typique, je ne peux pas donc pas faire du mannequinat. De toute façon, je n’ai pas la taille adéquate. Vendre un rein ? Avec l’aubaine que j’ai, je risquerai de choper un truc post-opératoire. Hors de question !
Le mieux, vendre certaines de mes affaires.
Le dépanneur arrive enfin. Je lui remets les clés du véhicule, ainsi que les sous. Il me dépose au travail, avec une demie heure de retard qu’il faudra que je récupère, évidemment ! Ce n’est pas comme si les patrons étaient compréhensifs. À peine rentrée, Ramon, mon collègue espagnol, me hurle :
— Ava, table 4 !
— On it !
Je défroisse mon tablier, prends mon bloc-notes et me rue vers ladite tablée. Oh non ! Pas eux ! Jason, Brittany et la bande ! Des gens de mon passé dont je préfère oublier l’existence. 6 ans que je ne les ai pas revus, pas depuis ce fameux jour ! Je soupire bruyamment et prends mon courage à bout de bras. Me lamenter est un luxe dont je ne peux me permettre. D’un pas assuré, bien qu’au fond je suis mortifiée et anxieuse, j’avance vers eux.
— Bonjour, êtes-vous prêt à commander ? dis-je les yeux dans les yeux.
Je les regarde à tout de rôle sans perdre de mon sang froid. Autant les affronter dignement !
— Waouh ! Euh…c’est…Ava, Ava DAVIS ?
— Yep ! Bonsoir ! Tu es prête à commander ?
— Tu es toujours serveuse ? demande Brittany, un sourire plein de dédain à mon encontre.
— Non, je suis peintre !
Je suis à deux doigts d’ajouter qu’elle est toujours aussi idiote, mais je m’abstiens.
— Eh bien, certaines choses ne changent pas, n’est-ce pas ? renchérit Jason.
— Pour moi, ce sera le plat du jour avec un mojito, demande-telle.
Je note les commandes sans prendre la peine de les regarder davantage et tourne les talons aussi vite que je le peux. Dans la cuisine, j’arrache la maudite feuille du calepin et la pose violemment avec les autres commandes en cours.
— Eh ben…qu’est-ce qui t’arrive bella ?
— J’ai revu un fantôme, dis-je.
Je ne suis pas du genre à raconter ma vie à mes collègues. Je ne m’épanche pas comme les autres filles sur les beaux gars qui sont de passage au café. Je ne raconte pas mes amours passés. Rien ! Je suis assez réservée.
— Un ex ? demande Ramon.
— Yep !
Pas question d’en livrer davantage, je me referme aussitôt.
— Si tu veux, je crache dans son plat, ni vu ni connu ! m’offre-t-il sérieusement.
— Non !!! Ce ne sera pas nécessaire, il ne mérite même pas que tu gaspilles ta salive pour lui.
Je retourne en terrasse pour prendre le reste des commandes, non sans des regards appuyés de Brittany’s band dans mon dos.
Quelque soit le pays, la culture, les générations passées, certaines choses demeurent, me dis-je. Il y a ceux qui vous méprisent et vous humilient sans cesse et de l’autre côté, les opprimés. Pourtant, je me répète cette phrase prononcée par cet homme il y a 6 ans [ Créer le mystère quand à cette fameuse nuit-là ! Et cet homme-là !]de cela, « personne ne peut vous faire sentir comme une moins que rien sans votre consentement ». Ce soir, je refuse catégoriquement d’être une opprimée, une moins que rien à leurs yeux.
C’est les bras chargés de leur plat que je retourne vers eux. Je les dépose avec agilité et une fierté non dissimulée.
— Excuse-moi Ava, tu m’as ramené un mojito ! s’indigne-t-elle.
— Et ?
— J’ai demandé une pina colada, feint-elle, les yeux brillants d’une lueur vengeresse.
— Vraiment Brittany ? tu as déjà des problèmes de mémoire à ton âge ? Parce que je suis certaine que tu as commandé un mojito, mais si tu désires boire autre chose, je te le ramène de suite, m’empressé-je d’ajouter.
Son beau sourire s’efface tandis que Zac frappe des mains à ma réplique.
— Pff !!! Tu t’es bonifiée Ava ! Je ne demande pas mieux que de te voir à l’oeuvre dans mon pieux. Quand dis-tu toi et moi, comme au bon vieux temps ? dit Jason.
— Désolée, mais j’ai mieux à faire !
Sur ce, je retourne à l’intérieur pour demander au barman la boisson de Brittany. Qu’elle le veuille ou non, je la lui facturerai, elle veut s’enfiler deux boissons, elle les paiera donc !
La soirée se ponctue de répliques désobligeantes de mes fantômes, de mépris de certains de mes clients et de la plus grande ignorance des autres.
Quand enfin les derniers clients partent, je soupire de soulagement. Je retire mes chaussures que j’envoie balader sur le sol. Je décide de passer le balai pieds nus. Ramon finit la plonge, tandis que mes autres acolytes m’aident au ménage.
La table de Brittany est de loin la plus sale, je suis certaine qu’ils l’ont fait exprès. « Ce qui ne te tue pas, te rend plus fort », me dis-je. Je spray de désinfectant, essuie frénétiquement la table avant de sentir mes dernières forces m’abandonner dans cet élan-là.
— Bye bella, have a nice weed-end, à lundi soir !
— Bon week-end Ramon !
6 commentaires
Fanny, Marie Gufflet
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Il y a 7 ans
alexia340
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Il y a 7 ans
stanos974
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Il y a 7 ans
Djeems Gufflet
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Il y a 7 ans
Fanny, Marie Gufflet
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Il y a 7 ans
Weelow
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Il y a 7 ans