Fyctia
Chapitre 6 :
Je ne suis pas allée en cours le lendemain de la sortie, ni même hier et je ne pense pas aujourd'hui.
– Kalila, j'ai été indulgent avec toi, mais maintenant, va en cours ! Hurle depuis le bas des escaliers mon beau-père.
Même si je ne vais pas en cours, je me lève aux aurores et me couche au crépuscule. Mes nuits sont pleines de cauchemar, et mes journées se passent avec les volets fermés et mes leds de couleur allumée, un paquet de chips et un carnet dans les mains. 6 h 46. C'est l'heure indiquée sur l'écran de mon réveil Je me lève, un mélange de soulagement et d'anxiété s'empare de moi.
J'arrive en retard, comme la plupart du temps, mais là, c'est peu après une nouvelle humiliation… Je toque à la porte, on me signale que je peux rentrer. Monsieur Miller reste assis, regardant au loin.
– Mademoiselle Foster, vous êtes en retard en plus de vos absences des deux derniers jours, dit-il, la voix totalement froide, mettant énormément de distance entre nous deux.
– J'étais malade, je donnerais un justificatif à la fin de l'heure…, je murmure, ce qui n’est pas totalement faut.
– Tes camarades ont eu un devoir maison à faire chez eux pour aujourd'hui, tu me le feras pour demain.
- Mm
- Une réponse plus polie s'il vous plaît mademoiselle Foster
- Oui Monsieur Miller,
L'heure passe d'une lenteur écœurante, est-ce même possibilité d'autant s'ennuyer en cours ?
- Pour demain, vous allez me faire votre rapport de la sortie de lundi, souvenez-vous de vos fiches méthodes.
Tout le monde se lève et se précipite vers la porte.
- Kalila, reste là,
Je m'approche de lui, et je profite d'être seule avec lui pour lui rendre sa veste.
- Merci encore, lui dis-je simplement, hésitant à rompre le silence pesant qui règne entre nous.
Il tourne la tête vers moi, un léger sourire étirant ses lèvres.
- Pas de quoi, répond-il doucement, ses yeux gris semblant en dire bien plus que ses mots.
Je reste là un moment, me sentant étrangement reconnaissante envers cet homme qui, malgré sa nouvelle position d'autorité, a pris le temps de m'écouter.
– Kalila, s'il te plaît, ne me cache rien. Tu peux me faire confiance, je ne dirai rien sans ton autorisation. Étais-tu malade hier et avant-hier ?
– Oui et non,
– C'est-à-dire, demande-t-il avec un goût de déjà-vu.
– Ce que je veux dire c'est que je n'étais pas malade au sens que j'étais cloué ou lit avec une bouillotte et des médocs, non... J'étais pas au top et j'avais peur... Je revivais encore et encore cette soirée, je... Je paniquais à l'idée de revenir et… Dévoilai-je à une vitesse record
– Ok Kalila, alors calme-toi, je te crois, regarde-moi, me dit-il en m'attrapant mon coup et en me bloquant mes yeux dans les siens, respire,
Il m'aide à m'installer sur une chaise, il s'installe devant moi, ses mains sur mes épaules pour m'empêcher de repartir dans une respiration digne d'un souffleur de verre...
– De quelle soirée tu me parles ?
– Il y a deux ans, on… on m’a… on m’a touché à une fête alcoolisée… Je ne sais même pas pourquoi je vous parle de ça, je suis qu’une conne, dès qu’on me porte un peu d’attention je déballe tout.
– Tu sais qui ce n’était ou non ? Tu te rends compte que c'est très grave ? Continue-il sans prendre en considération la fin de ma phrase.
– Oui, je sais que c'est grave, mais je ne me rappelle plus leur visage ni même de leur prénom. J'étais avec des amies, enfin je pensais qu’elles l’étaient, puis j'ai voulu me poser tranquille à un endroit. Quand je repense à ce moment, je sens encore leurs mains pâteuses sur mon corps, me touchant de partout, la douleur des hématomes que j'ai eue après... Puis après ce qu’il c’est passé l’autre jours, j’ai paniqué.
La tension dans la salle est palpable, le silence pesant entre nous deux. Je me sens nue, exposant mes blessures invisibles à cet homme que je ne connais que depuis quelques jours.
Pourtant, quelque chose dans son regard me rassure, me donne l'impression que je peux enfin laisser tomber ma façade de fille forte et vulnérable. Il reste assis devant moi, ses mains toujours posées sur mes épaules, comme s'il voulait me retenir dans ce moment de vérité. Ses yeux gris scrutent les miens, cherchent peut-être à y déceler la moindre trace de mensonge ou d’espoir. Qui sait ?
- Tu n'as pas à avoir peur, Kalila, dit-il finalement d'une voix douce, mais ferme. Tu n'es pas seule, je serai toujours là pour t'aider, comme je te l’ai déjà dit l’autre jours. Je t’aiderai comme je le ferai avec n’importe qui, tu n’as rien à craindre avec moi.
Ces mots résonnent en moi comme une bouffée d'air frais. Pendant si longtemps, j'ai porté le poids de ma douleur et de ma peur seule, mais maintenant, je sens que je peux enfin partager ce fardeau avec quelqu'un d'autre.
- Je... je ne sais pas quoi faire, vous êtes le premier à vous y intéresser vraiment, avouai-je à voix basse, mes larmes menaçant de rompre le barrage que j'ai érigé autour de mes émotions.
- Tu n'as pas à tout résoudre seule, répond-il avec compassion. Nous trouverons une solution ensemble, mais d'abord, tu dois te concentrer sur toi-même et sur ton avenir.
Je hoche la tête, sentant un poids se soulever de mes épaules. Pour la première fois depuis des années, je me sens un peu moins seule, un peu moins perdue dans l'obscurité de mes pensées.
Monsieur Miller me laisse le temps de me calmer, ses mains toujours présentes sur mes épaules, comme un ancrage dans la tempête qui fait rage en moi. Et lentement, je sens une lueur d'espoir briller au fond de mon cœur, une lueur qui me dit que peut-être, juste peut-être, je pourrais un jour surmonter cette douleur et retrouver ma vie d'avant.
- Je peux vous poser une question, Monsieur ?
- Alors, avant que tu ne poursuives, en privé, ce sera Oliver et tutoie moi s’il te plait. Je ne dois avoir que quelques années de plus que toi, arrête de me vieillir, ok ?
- Euh... Très bien Mons... Oliver, pourquoi m'aides-tu ?
- Je ne sais pas, je me sens responsable de ton bien-être, c'est tout, ne va pas t'imaginer des choses, rie-t-il
- Mm...
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Je passe le reste de la soirée enfermée dans ma chambre, confrontée à une pile de devoirs que je n'ai pas la force d'aborder. Ça fait plus d'une heure que je bloque sur les cinq premières questions de mon DM en littérature. Je n'ai pas fait la moitié de mes putains de devoirs pour demain. Frustrée et en colère, je jette mon stylo sur le bureau et me laisse m'affaler sur mon siège.
Les larmes commencent à couler, mélange de frustration, de tristesse et de colère accumulée au fil des jours.
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