Fyctia

Ma respiration s’accélère.

Ce ton tranchant.

Un brouillard envahit mon esprit.

Cette proximité forcée.

L'inflammation de mon noyau magique échauffe ma poitrine. Mon sang s’électrise.

Le moustique. Le moustique à mes côtés en permanence. La honte de l’Académie près de moi.

Son parfum vanillé m’étouffe.

Je me mords la lèvre pour m'ancrer dans la réalité.

Ma perle. Où est ma perle ?

Mon doigt appuie contre mon bracelet.

Ne ressens rien.

— Gariann ? Gariann ?

J’inspire et ouvre les yeux. Quand se sont-ils fermés ?

Mon père m’a rejoint de l’autre côté du bureau. Sa main est posée sur mon épaule. Son regard écarquillé.

Que s’est-il passé ?

Je bondis de mon siège.

— Tout va bien.

Ne ressens rien.

La sueur perle à mon front.

— Ton ancre ne suffit plus…

La voix de mon père tremble légèrement.

— Je te l’ai dit : tout va bien.

Mon bracelet fonctionne à la perfection.

Je me précipite vers la sortie.

Ouvrir.

Un jet vert s’échappe de ma main droite et fond sur la porte en marbre qui pivote d’un coup sec pour me permettre de m’enfuir. D’un autre mouvement, elle claque derrière moi. Manque d’exploser vu le bruit.

Le moustique devant le bureau.

Ma vision brouillée m’oblige à avancer à l’aveugle.

Le moustique en classe.

Je percute un corps.

— Gariann ? Ça va ?

Ren.

Le moustique qui sent ma présence dans le grand hall.

Comment a-t-elle fait ça ? Même mon père aurait peiné à me repérer en étant près de moi. Elle observait partout autour d’elle, comme si elle me cherchait.

Ma respiration saccadée me donne des vertiges.

Pourquoi m’impacte-t-elle autant ?

J’essaye de contourner Ren, mais ses doigts agrippent mes épaules.

— Lâche-moi, Ren. Je dois…

Une fraîcheur s’abat sur mon crâne. Ma faiblesse m’empêche d’ériger des barrières. Des images du moustique défilent dans mon esprit. La conversation avec mon père aussi.

Le moustique m’effraie.

Bordel.

Je ne serai jamais à la hauteur des attentes du grand Finn Axehorn.

Comment ose-t-elle ?

Il faut que cette introspection s’arrête !

— Sors de ma tête, Ren !

Elle cesse l’intrusion. Un sentiment de vide m’envahit. La fraîcheur laisse place à un froid glacial. Mes yeux écarquillés fixent ceux désolés de Ren.

— Je ne suis pas un de tes idiots de Dix ! m’exclamé-je en la repoussant.

Elle m’a fait dire n’importe quoi. Le moustique ne m’effraie pas le moins du monde.

— Gariann… tu vas mal depuis qu’elle est arrivée…

Elle est encore dans ma tête ou quoi ?

— Parce que mon père me met la pression !

— Tes émotions partent à vaux-l’eau, tu avais bien mieux résisté, la dernière fois.

Sa remarque me noue le ventre.

Merci d’enfoncer le clou, Ren.

— Tu sais… quand il était plus jeune, ton père avait quelqu’un, un ami. Son meilleur ami.

Je fronce les sourcils. Où veut-elle en venir ? Et surtout : de qui parle-t-elle ? À part elle, mon père n’a jamais eu d’amis.

— Il l’aidait beaucoup à se maîtriser. Et ton père l’aidait aussi. Parfois, une personne a plus d’importance qu’on le pense…

Les elfes et leurs déclarations énigmatiques.

Que dois-je comprendre ? Que Val ou Az pourrait m’aider à me sentir mieux ?

— Pourquoi je ne le connais pas ?

— Ro… il a disparu, se reprend-t-elle.

Un éclat de douleur passe dans le regard clair de Ren.

Il est mort, de toute évidence.

— C’est quoi son nom ?

— Peu importe. Ton père en souffre encore. Et moi aussi, même si notre lien était différent. Ne laisse pas tes émotions te contrôler, mais ne les oublie jamais, Gariann.

Un millier de questions traversent mon esprit : pourquoi l’évoque-t-elle maintenant ? Quel lien unissait cet homme à mon père ? En quoi cela me concerne ? Pourquoi cette inquiétude ?

Une migraine pointe à l’arrière de mes yeux.

Je dois dormir. De toute manière, elle ne répondra à aucune question. C’est une elfe.

— Je note. Bonne soirée, Ren.

Cette fois, elle me laisse la contourner.

— Gariann, m’interpelle-t-elle encore.

Merde.

Je me fige sans me retourner.

— Tu es à la hauteur des attentes de ton père. Dans le bureau la dernière fois, personne sans entraînement n’aurait pu résister autant à mon attaque. Tu es à sa hauteur. Et crois-moi, il le sait.