Fyctia

Je n'ai pas menti à Lewis quand je lui ai dis que je reviendrai vite le voir. Le livre qu'il m'a conseillé était tellement bon que je l'ai presque dévoré en une soirée. Je me suis forcée à m'arrêter pour ne pas me coucher trop tard, mais je l'ai vite reprit en retournant dans mon appartement le soir suivant.

Je suis retournée le voir à sa librairie le jour d'après, pendant ma pause déjeuner. Lewis s'est d'ailleurs montré beaucoup plus loquace que la première fois que je l'ai vu. Je crois que ça le met plus l'aise de parler d'un sujet qui le passionne. Il est intarissable sur les livres, une vraie bibliothèque ambulante. J'adore l'entendre me raconter les histoires qu'il a lues. Il m'en a aussi conseillées plusieurs depuis ce jour-là et, chaque fois, c'est un véritable régal.

De mon côté, je lui en ai dit un peu plus sur moi, sur ma chocolaterie et tout ça. Comment j'ai décidé de créer ma propre entreprise après mes études, comment ma meilleure amie m'avait rejoint dans l'aventure et à quel point j'adore travailler le chocolat. Je suis toujours à la recherche de nouvelles recettes, de nouveaux goûts, de nouvelles formes...

A mesure que le temps a passé, nous avons aussi évoqué nos familles. Lewis m'a expliqué que la sienne lui manquait beaucoup, parfois, et qu'il avait un peu le mal du pays à certaines occasions. Même s'ils ne sont pas si loin que ça quand on y pense, chacun a sa vie et ce n'est pas évident d'organiser des moments de rassemblement.

Je comprends mieux pourquoi il s'est montré si réservé la première fois qu'on s'est rencontré. En fait, c'est un timide dans l'âme. J'aime bien ce côté, chez lui. Ça contraste avec l'image qu'il renvoi.

A ce sujet, il m'a dit que c'est son frère qui lui a fait tous ses tatouages. Il avait lui aussi son propre shop, là où il habitait avant. Quand il a commencé, il a eu besoin de s'entraîner, et Lewis a bien voulu le laisser se servir de son corps comme une toile d'entraînement. Il m'a dit que Zack s'était beaucoup amélioré depuis ses débuts. En regardant les dessins qui couraient le long de ses bras, je me demandais à quoi ça devait ressembler quand il a commencé. Ses tatouages sont tout simplement magnifiques ! Les traits sont d'une finesse et d'une régularité incroyables. Les ombrages sont à couper le souffle et chacun s'imbrique parfaitement avec le reste.

Je me promis d'aller rendre visite à son frère dès que possible pour me faire tatouer aussi. Je n'ai pas de tatouage, mais l'idée de m'en faire un m'a toujours trotté dans la tête. Ne reste plus qu'à trouver le bon motif.

Le seul sujet dont on n'a pas encore parlé avec Lewis, c'est mon cancer. Je réussis plus ou moins à cacher les résultats de mon opération grâce à mes vêtements, et un peu de rembourrage aux endroits stratégiques, mais il va bien falloir que je lui en parle à un moment ou a un autre. Ça fait des semaines qu'on passe presque tout notre temps libre ensemble. On commence vraiment à se rapprocher et je ne veux pas qu'il ait une mauvaise surprise au cas où...on franchirait un cap.

Le problème, c'est que je ne sais pas comment aborder le sujet. Si j'accepte de plus en plus mon corps comme il est maintenant, j'ai conscience que ça ne sera sans doute pas pareil pour lui. Pourtant il faut que je lui en parle.

J'avais pris la décision de passer à l'action ce dimanche, alors qu'on était tous les deux partis se promener au parc qui se trouve non loin de chez lui. Plusieurs fois, j'ai sentie sa main effleurer la mienne. J'ai d'abord cru que c'était un accident mais, en voyant que le geste se répétait, j'ai décidé de sauter le pas et d'entrelacer mes doigts aux siens. Lewis m'a regardée avec un sourire complice, quoiqu'un peu timide.

On a finit par s'asseoir dans l'herbe, à l'ombre d'un arbre. Je me suis allongée, la tête posée sur ses genoux pendant qu'il me lisait l'un des ses livres préférés. J'adore l'écouter me faire la lecture.

Cependant, mon esprit était un ailleurs. Je n'arrête pas de me creuser la tête pour savoir comment lui dire la vérité.

-Où est-ce que tu es partie ?

Je ne prends pas tout de suite conscience que c'est à moi que Lewis s'adresse, mais quand je me rends compte qu'il a cessé de lire, je tourne la tête vers lui. Il me regarde avec tendresse, un léger sourire aux lèvres.

-On dirait que je t'ai perdu pendant ma lecture, dit-il. Tu n'aimes pas ?

-Oh, si, bien sûr ! Excuse-moi, j'étais perdue dans mes pensées.

-Quelque-chose ne va pas ?

Je soupirai et me redressai pour lui faire face.

-Il y a quelque-chose dont je dois te parler mais...ce n'est pas facile.

-Je t'écoute, qu'est-ce qu'il y a ?

-Tu te rappelles du jour où on s'est rencontré ?

-Bien sûr.

-Ce jour-là, je rentrais chez moi après avoir passé quelques temps chez mes parents. Je m'étais réinstallée chez eux après être sortie de l'hôpital, le temps de me reposer.

-L'hôpital ? Pourquoi, tu es malade ?

-Je l'ai été. En fait, j'ai eu un cancer. Mais ça va beaucoup mieux aujourd'hui, dis-je devant son air inquiet. Je suis guérie. Malheureusement, la maladie a laissé des traces sur moi.

-Que veux-tu dire ?

-C'était un cancer du sein. J'ai du subir une mastectomie et, aujourd'hui, je vis avec une cicatrice et un sein en moins.

Il ne me répond pas, se contentant de me regarder fixement. Pour la première fois depuis longtemps, je me sens vulnérable sous le regard de quelqu'un.

-Je préférais t'en parler parce que...eh bien, toi et moi on se rapproche et... Enfin, je ne voulais pas que...

Je ne peux terminer ma phrase. Lewis prend mon visage entre ses mains et se penche pour m'embrasser. D'abord interdite, je me laisse aller à ce baiser que j'ai imaginé mille fois dans ma tête. Et la réalité est bien mieux que mon imagination. J'ai presque de la peine lorsqu'il s'écarte et rompt le contact de nos lèvres. Ses mains restent malgré tout où elles sont.

-Je n'imagine pas comme ça a dû être difficile, me dit-il en posant son front contre le miens. Mais tu sais quoi ? Quand je te regarde, maintenant que je sais ce qui t'es arrivé, je ne peux pas m'empêcher de me dire à quel point tu es forte. Tu es tellement joyeuse, tellement pleine de vie. Tu es incroyable.

-Ton opinion serait peut-être moins élogieuse si tu voyais ce qui se cache en-dessous.

-Montre-moi et je te prouverai le contraire.

Je m'écarte un peu et le regarde droit dans les yeux pour savoir s'il est sérieux.

Il est sérieux.