Fyctia
Orientation
Arriva enfin l’heure du déjeuner.
Ils le prirent dans une gigantesque salle commune qu’ils mirent une vingtaine de minutes à atteindre. La pièce, immense, toute pleine d’odeurs de cuisines diverses, tranchait avec le reste de la forteresse : plus chaude, moins vide, et toute bruyante de voix, de rires, et de paroles. Des élèves de différentes classes récupéraient en rangs désordonnés des denrées variées sur des étals disposés le long d’un mur et allaient ensuite s’asseoir où ils le souhaitaient, à l’une ou l’autre de la dizaine de tables disposées un peu partout sans ordre particulier.
Entre deux bouchées, le Ménestrel se faisait expliquer la vie de la forteresse par ses camarades de chambrée. Il apprit ainsi que la seule règle s’adressant aux commensaux consistait à ne pas faire sortir de nourriture de cette salle.
Le reste du repas, il le passa à jeter des coups d’œil aux autres tablées, histoire d’avoir une vue globale des garçons et des filles qui l’environnaient. En parlant de filles, à une tablée un peu plus loin, celles de leur chambrée s’étaient retrouvées avec d’autres camarades. Il s’aperçut à ce moment-là que s’il connaissait déjà quelques-uns des garçons, il ne connaissait presque personne de la gent féminine. À part Diane, bien sûr. En parlant d’elle, il remarqua qu’elle se trouvait justement parmi les jeunes filles de la tablée qu’il avait repérée, balançant ses courts cheveux bruns de droite et de gauche d’un air espiègle, tout en riant avec ses copines. En parlant de ces dernières, il lui sembla qu’elles le regardaient de temps à autre à la dérobée et riaient aussitôt après, tandis que Diane levait les yeux au ciel.
Il se sentit rougir, sans trop savoir pourquoi.
— On dirait que notre Ménestrel se fait encore remarquer, lança le Danseur, ce qui provoqua quelques ricanements autour de lui.
Ils eurent ensuite une heure de libre, avec pour consigne de se retrouver devant leur chambrée. Pétrin en profita pour donner au Ménestrel des rudiments d’orientation, lui montrant les marques sur les murs qui permettaient de se retrouver, et lui détaillant les différents étages qu’il serait amené à fréquenter, ainsi que ceux qu’il lui faudrait éviter :
— La Cantine est au rez-de-chaussée. C’est aussi à cet étage qu’on loge les prêtreurs et les chevaux. En dessous, t’as les cuisines, les réserves et les Salles de Silence.
— Ah oui, on en a croisé une le premier jour, quand je suis arrivé. C’est quoi ? demanda anxieusement le Ménestrel.
— Des salles de méditation, répondit Pétrin tout en empruntant un escalier raide et étroit pour descendre d’un étage. On doit y aller deux fois par semaine. C’est là que tu développeras tes talents.
— Ah, fit le Ménestrel, intéressé malgré la raideur des marches qui l’obligeait à tenir la rampe de cuivre qui courait le long de l’escalier.
— C’est un raccourci, expliqua Pétrin qui voyait bien que son camarade descendait les degrés avec précaution.
— Et en dessous, y’a quoi ? reprit le Ménestrel, désormais désireux de tout connaître des secrets de la forteresse.
— Les trois niveaux en dessous du Moins-Un sont des dortoirs, répondit Pétrin tout en empruntant un vaste couloir arpenté par des élèves et des instructeurs en robes noires. Le nôtre est au niveau Moins-Deux : on y met tous les Apprentis, de première et seconde année. Au Moins-Trois, y’a les Elèves de troisième année et ceux en dernière année : les Aspirants à la Maîtrise. Ah, et ne descend jamais en dessous de notre étage !
— Pourquoi ? ne put s’empêcher de demander le Ménestrel, s’imaginant un danger supplémentaire.
— Parce que, répondit Pétrin, tournant brusquement à gauche dans un couloir plus large et éclairée de torches. Tu pourrais déranger les autres.
— Ah, fit le Ménestrel qui s’attendait à une explication plus angoissante. Et en dessous, y’a encore des niveaux ?
— Oh, oui… lâcha son camarade dans un soupir. T’as une partie des travaux pratiques en bas, comme les fournaises, les mines, les drainages… T’as aussi les cachots. Et y’a sûrement plein d’autres choses encore.
— Comme quoi ? demanda le Ménestrel, avide de réponses et suivant son chef de chambrée sous une arche mal éclairée.
— Je sais pas, avoua Pétrin sortant de l’arche pour plonger dans un nouvel escalier, moins raide que le premier. Mais quand on est en bas, dans les mines, on entend parfois des cris ou on sent la terre qui tremble sous nos pieds. C’est donc bien qu’il y a des choses en dessous, c’est sûr – même si, en vrai, personne ne sait jusqu’où s’enfoncent les sous-sols de la Citadelle.
Cette immensité, cette incapacité à mesurer l’espace, tourmentait le Ménestrel davantage que la variété de choses sans nom qui pouvaient croupir dans les profondeurs d’Erikenn. Lui qui aimait que tout soit clair et net, il finit par se rendre compte qu’il pensait – comme Diane, remarqua-t-il – que rien n’étant infini, tout avait forcément un début et une fin. Aussi, il dirigea son esprit dans l’autre sens et, tout en poursuivant ses déambulations avec Pétrin, lui demanda :
— Et au-dessus, y’a quoi ?
— Au-dessus de la cantine ? reformula Pétrin tout en montrant au Ménestrel des marques susceptibles de l’aider à se repérer dans ce labyrinthe. Au-dessus, t’as les chambres des Maîtres et des Mages. Au-dessus encore, t’as les salles de cours, sur deux ou trois niveaux, je crois.
— Et au-dessus ? s’enquit le Ménestrel, curieux de nature.
— Je sais pas, avoua de nouveau Pétrin. Des laboratoires, des réserves, des salles d’expérimentation, je suppose, mais y’a pas mal d’étages jusqu’au sommet… Regarde bien : cette marque, c’est celle de notre niveau. Et y’a sûrement aussi des logements pour les proches de l’Archimage, des salles de cartographies, de réunions, et sans doute des Salles de Silence réservées aux sorciers de rang supérieur…
Tandis que le Ménestrel essayait d’imaginer à quoi pouvait bien ressembler ces endroits mystérieux, Pétrin lui fit remarquer qu’à partir de là, à gauche, c’était les seconde année, et qu’à droite, se trouvait leur territoire.
— Et peut-être d’autres choses encore, poursuivit Pétrin, comme pour meubler le silence qui s’était installé. En tout cas, ce que je peux te dire, c’est que les tourelles sont au Douzième, et que c’est le dernier étage. Ça, on le sait car, quatre ou cinq fois par an, faut monter aider aux réparations.
Le Ménestrel allait poser des questions sur cette tâche apparemment importante et dangereuse mais Pétrin ne lui en laissa pas l’occasion, s’exclamant :
— Ah, nous voici arrivés.
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M.B.Auzil
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Il y a 5 mois
Origami
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Il y a 6 mois
Leo Degal
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Il y a 6 mois
Seb Verdier (Hooper)
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Il y a 6 mois
Catherine Domin
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Il y a 6 mois