Seb Verdier (Hooper) L’initiation du Ménestrel Flûte !

Flûte !

Le visage empourpré, le Ménestrel leva sa petite main et s’excusa maladroitement.


— Approchez, siffla le professeur.


Le ménestrel s’exécuta, rougissant de plus en plus et s’accrochant désespérément aux regards de ses camarades pour y récolter un peu de soutien. S’avançant avec répugnance dans la foule d’élèves, il ne put s’appuyer sur le support de Billy, resté au fond de la salle. Il dépassa la Balance qui semblait intrigué, perdu dans ses pensées. Vers le milieu de sa traversée, il croisa le regard de Pétrin, sur sa gauche, impassible. Il aperçut ensuite le Danseur, presque au premier rang, et dont le sourire semblait équivoque. Une fois parvenu devant le professeur, se retournant vers le groupe, il vit enfin celle qu’il cherchait depuis le début : Diane qui – à sa plus grande confusion – lui fit un clin d’œil malicieux.


— Comment vous appelez-vous ? demanda le Maître d’une voix teintée d’un amusement qu’il avait du mal à dissimuler.


— On m’appelle le Ménestrel, répondit-il, résolu à conserver ce nom désormais.


L’enseignant haussa les sourcils en arcs de cercle.


— Oh… Vous voilà donc tout désigné à devenir l’un de mes meilleurs élèves….


La classe ricana gentiment à ce bon mot du professeur qui enchaîna tandis que le petit cœur du Ménestrel battait la chamade :


— Vous savez… cette coutume des surnoms… Certains disent que notre forteresse – puisse-t-elle se tenir sur ses fondations à jamais – possède la particularité de révéler les talents et les failles de chacun. Et que cette… magie discrète… par une sorte de coïncidence qui n’en serait pas une, opère dans les surnoms que l’on reçoit à notre arrivée dans ses murs bienheureux.


Quelques bons élèves murmurèrent leur acquiescement en rythme (surtout ceux qui avaient des surnoms éloquents comme la Flèche, le Sommet, la Victoire ou la Première), d’autres se turent en méditant leur surnom (comme Pétrin, Bouquin, le Manteau ou la Rivière) et, enfin, pour d’autres encore, ce furent des crispations de gêne qui tordirent silencieusement leur bouche (la Malheur, l’Ambigüe, le Tardif, le Traître).


— Allez… lança enfin le professeur, appréciant l’ambiance guillerette qu’il avait réussi à mettre en place malgré l’incident. Placez-vous ici, Ménestrel, oui, juste à côté de moi… Oui, là, par terre, ce n’est pas bien grave… et, surtout ! Ne bougez plus !


Le Ménestrel s’assit, comme il le lui avait été ordonné, l’air penaud.


La mélodie flûtée reprit alors comme par enchantement. Essayant de déterminer d’où elle provenait, le Ménestrel ne cessait de regarder autour de lui, jusqu’à ce qu’il croise le visage du Maître : c’était lui ! Il sifflait comme s’il parlait, et de sa bouche aux lèvres minces sortait un air de flûte. Il en fut stupéfait et se promit d’essayer de parvenir à ce prodige lui aussi.



Au bout de deux heures passées à manipuler des instruments et à expulser l’air de ses poumons de différentes manières, le Ménestrel comprit qu’il ne parviendrait certainement pas aujourd’hui, ni demain, à produire avec sa voix une mélodie comme le faisait le Maître. Mais il fut véritablement charmé par le cours – d’autant que le Maître venait le voir de temps en temps pour lui faire rattraper son retard sur les autres en lui révélant les bases du solfège, les notions élémentaires de rythme, de pauses et de soupirs. À la fin de la séance, le Maître le félicita pour sa persévérance et ajouta qu’il progressera beaucoup plus vite lorsqu’il maîtrisera – plus tard – la magie du Vent.


Le Ménestrel s’en fut alors, tout heureux, vers le cours suivant.



Son enthousiaste retomba aussitôt : Maître Brasier était loin d’être aussi bienveillant que son collègue flûtiste. Le cours consista à endurer pendant plusieurs minutes répétées la chaleur d’une flammèche que des élèves de Maîtrise, première année, étaient venu allumer, en guise de travaux pratiques, pour les novices.


Plusieurs fois, le Ménestrel s’attira les foudres du Maître en retirant sa main trop tôt de la flamme, l’agitant ensuite vivement pour apaiser la douleur.


— C’était plus sympa le cours de Musique, lâcha-t-il lorsque le professeur du Feu se fut éloigné à bonne distance.


— Ouais, lui répondit Billy qui réussissait à conserver sa main tout près de la flamme, mais te leurre pas, ils sont pas tous comme le Flûtiste. Par exemple, Brasier, il est dur mais c’est pas le pire.


— Mais comment vous faites pour pas vous brûler ? ne put-il s’empêcher de lâcher après avoir une nouvelle fois retirer brusquement ses doigts, quelques secondes après avoir tenu jusqu’à la limite du soutenable.


— T’as trois solutions, lui répondit Pétrin juste derrière. Soit tu souffres en silence et tu finis le cours avec des brûlures, mais t’es bien bête. Soit t’invoques la magie du Feu pour en faire ton allié. Soit t’es un Sindar et tu crains pas ce genre de choses.



Cela faisait deux fois que la magie était évoquée. Le Ménestrel se dit alors en lui-même qu’il aurait sans doute était plus pertinent de démarrer son apprentissage par des cours de magie élémentaire plutôt que par des épreuves pratiques.


— Et encore… c’est rien ça, lança Billy. Tu verras cet après-midi avec les travaux d’intérêt commun…


Les autres soupirèrent à cette évocation et le Ménestrel, de son côté, se demandait comment pourrait-il y avoir pire que la brûlure de ses phalanges. Les mêmes qui pourraient pincer délicatement les cordes des beaux instruments qu’il avait vus au cours précédent. Surtout cette lyre : petite, légère, fine, et qui semblait faite pour lui. Son regard se tourna alors vers Diane un peu plus loin et il ne fut qu’à moitié étonné de la voir passer sa main sans aucune gêne ni douleur dans le cœur de sa flamme...





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8 commentaires

M.B.Auzil

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Il y a 5 mois

Très jolinet écrit. Les caractères des personnages se révèlent et ils sont touchants. Les coutumes de cette academy sont très intéressantes. J'ai hâte d'en savoir plus !

Origami

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Il y a 6 mois

Très intéressant ce cours de musique ! Quelle ambiance ! J'adore tout les petits surnoms, un peu comme dans ma story ;)

Seb Verdier (Hooper)

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Il y a 6 mois

Thanks ;)
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