Fyctia
Les enfants perdus
Froid. Le froid. Un froid mordant. C’est à peu près tout ce qu’il y a dire de l’endroit où le Ménestrel passa la première partie de sa vie. C’était un jeune garçon comme les autres, il vivait à Nivet, un petit village situé à quelques heures de marches de la grande forteresse Erikenn.
Vous frissonnez à ce nom ?
Et vous avez raison. Tous ceux qui ont résidé, ne serait-ce qu’un temps, dans cette région, connaissent la sinistre réputation de cette gigantesque forteresse. Et pourtant, bien peu pourraient aujourd’hui dire ce qui pouvait bien se tramer dans ce haut-lieu de magie et de sorcellerie, dirigé d’une main de fer par l’Archimage. Qui avait construit ce monument labyrinthique ? Nul ne sut vraiment. On raconte que c’était des géants, ou bien des êtres venus d’au-delà des mers gelées. Certains disaient qu’elle avait toujours été là, que c’était la nature elle-même qui avait façonné cet édifice démentiel. En vérité, elle n’avait qu’été le projet d’un esprit torturé et la réalisation douloureuse d’une nuée d’esclaves.
Mais oublions un peu cette structure titanesque dont les plus hauts sommets des plus grandes tours touchaient les nuages et revenons à Nivet, ce village un peu perdu dans le grand septentrion de notre beau continent. Au printemps, dans ce village, les gens se comptaient et, bien qu’il fît un froid toujours important et que l’eau des torrents fut parfois gelée, ils ordonnaient leurs terres et plantaient les premières semailles. En été, malgré les vents glacés, ils se rendaient dans les grandes forêts et abattaient une quantité importante de bois qu’ils ramenaient ensuite au village et qu’ils stockaient alors dans leurs importantes remises souterraines. En automne, que les premières neiges annonçaient, ils se dépêchaient d’entasser les conserves, les fruits secs, la viande séchée et les confitures dans leurs immenses garde-manger ; ils ramonaient aussi leurs longs conduits de cheminée. En, hiver, le village disparaissait sous des mètres et des mètres de neige desquels émergeaient de longs tuyaux de cheminée ; les gens brûlaient alors leurs provisions de chauffage et se nourrissaient des victuailles qu’ils avaient réussi à produire et à conserver. Beaucoup mourraient faute d’insuffisances contre le froid ou la faim, d’autres succombaient à des fièvres ou à des maux qu’aucun médecin ne pouvait soigner, personne ne pouvant se déplacer. Au printemps suivant, les gens se comptaient de nouveau, pour voir qui avait survécu, et on recommençait les travaux.
Au cours de l’année cependant, généralement en été, une escouade armée descendait de la forteresse vers le village. Un prêtreur, ou plus rarement un mage, était l’objet de l’escorte. Il se posait alors à la taverne, après que les gardes eurent fait vider les lieux. Puis, il accueillait, un par un, tous les jeunes gens qui venaient d’entrer dans leur dixième année de vie. Il discutait un peu avec eux, leur posait des questions, les regardait dans les yeux. Parfois, il repartait avec l’un d’eux. Et on ne le revoyait jamais. On les appelait « les enfants perdus ». Alors, les mères pleuraient et le vent geler leurs larmes.
A dix ans, le Ménestrel fut l’un de ces enfants perdus.
51 commentaires
Florian Gailland
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Il y a 5 mois
Selsynn
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Il y a 5 mois
maelys_thn
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Il y a 5 mois
Seb Verdier (Hooper)
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Il y a 5 mois
Ode 30
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Il y a 6 mois
Tonie Mat N’zo
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Il y a 6 mois
camillep
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Il y a 6 mois
Seb Verdier (Hooper)
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Il y a 6 mois
Julie Emilie M
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Il y a 6 mois
Seb Verdier (Hooper)
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Il y a 6 mois