Fyctia

— Une autre ! beugla un Sindar à moitié ivre.

Le ménestrel sourit, avala une gorgée de la pinte qu’on lui avait offerte et reprit sa lyre en main :

—Et quelle histoire voudriez-vous entendre cette fois, mes bons amis ?

Il y eut du brouhaha, on proposa des chansons comiques plus ou moins connues, des épopées légendaires à moitié inventées, quelques drames familiaux tristement réels, et puis, du fond de la salle, un personnage à moitié encapuchonné et qui avait posé ses longues jambes sur un tabouret, proposa :

— Et votre propre histoire, Ménestrel ?

Il y eut un silence, au milieu des fumées et des rires qui cessèrent pour laisser place à la surprise. La plupart des gens ignoraient que le ménestrel avait une histoire bien à lui. Aussitôt, un concert de voix monta pour entendre ce fameux récit. Mais le ménestrel hésitait.

— Je ne l’ai chanté qu’une seule fois, il y a bien longtemps, je suis surpris que vous vous en souveniez monsieur….

— Pas si longtemps que ça, répliqua le mystérieux personnage. Et elle était très belle, c’est pour cela que je m’en souviens.

La demande fut alors si pressante, si complète, que le ménestrel ne put que s’exécuter, avec un vague sourire sur les lèvres, mais personne ne sut dire si ce sourire était heureux ou amer.

J’étais alors dans cette taverne ce soir-là, et voici l’histoire du ménestrel. Non pas telle que je l’ai entendue, car elle était mise en musique, cela rimait bien souvent et il y avait des pauses narratives ou explicatives. Mais la voici plutôt telle que j’ai pu la reconstituer, après une longue enquête et avec le secours de plusieurs autres témoignages concordants.