Fyctia
Lille, mes racines
“Quoi ? Entre d’abord. Je pense qu’il faut que tu réoxygènes ton cerveau, tu commences à délirer. Tu sais qu’il faut prendre ton temps pour monter un escalier. Là, on dirait que tu as couru. Pause toi et dis-moi ce qu’il se passe.”
Je m’y attendais. Elle ne me croit pas. J’enlève mon manteau et le lance sur l’accoudoir du canapé avant de me laisser tomber dedans. Sania revient près de moi avec un verre d’eau. Je reprends : “Je sais, c’est une grande nouvelle mais... Je vais quitter Lille. J’ai eu une super offre d’emploi pour partir en Italie, tu sais que j’adore ce pays et que c’est un rêve alors...”
Elle se laisse également tomber dans le fauteuil en face de la télévision. “N’importe quoi. Oui, tu aimes l’Italie. En vacances. Mais tu ne peux pas quitter Lille, le Nord. C’est ta vie, ta famille, tes racines... Enfin, tu vois ce que je veux dire. Tu es amoureuse de cette ville. Tu ne peux pas partir. Et me laisser ici en plus !”
L’Italie, cela a toujours été un rêve pour moi, alors oui j’ai envie de tenter ma chance. J’aime ce pays, j’aime la Toscane. Et j’ai envie de vivre là-bas, pas seulement y aller quelques semaines par an pour les vacances. Quand les moyens sont disponibles. Je veux être italienne. Cela fait des mois que j’apprends la langue.
Sania soulève un point. Les vacances. “Je viendrais dans le Nord pour les vacances, voilà tout. Et puis pour l’instant, je ne pars qu’un an. On verra où cela me mène. C’est un contrat qui pourrait se renouveler. A voir si le poste me plait. Et vivre là-bas. Mais je ne me vois pas ne pas aimer l’Italie.”
Je me rappelle des retours de vacances. On est un peu déprimé, presque triste, de revenir d’un séjour où l’on s’est amusé, où l’on s’est fait plaisir... Et puis, on arrive dans le Nord, et on voit les terrils. Nos montagnes noires. Je ne sais pas pourquoi, les apercevoir m’a toujours réchauffé le cœur. C’est dans la chanson de Pierre Bachelet... “Au Nord, c’était les corons...” A les voir, je sais que je suis chez moi.
C’est cliché ? Tout comme le Maroilles, le welch, la fricadelle, l’accent Chti... Oui, cela va me manquer. Comme lorsque je suis partie en congés presque un mois et que je cherchais à manger une frite près de perpignan. Il a fallu que j’aille au Perthus, à la frontière espagnole, pour tomber sur une friterie en bonne et due forme. Pas une baraque à frites, mais presque. Avec de la mayonnaise, et dans un cornet. C’était royale. C’était ce qui me manquait. Et ça m’a fait du bien.
D’ailleurs, il n’y a pas que cela qui va me manquait. Les ch’tiramisu : tiramisu au spéculos. C’est encore mieux que le vrai, l’italien, justement. Les gaufres Meert, réputée à Lille. Ou encore les Merveilleux de chez Merveilleux. Je crois que je vais en acheter toutes les semaines jusqu’à mon départ. Et je ne sais pas s’il y a de la bière en Italie ? On est juste à la frontière de la Belgique, dans le Nord, c’est quand même bon une bonne bière, surtout quand il fait chaud. Peu importe, l’Italie a ses spécialités aussi : le tiramisu, les glaces, les pizzas, les pâtes, le vin...
Sania me scrute. “De toute façon, tu reviendras... C’est sûr. On revient toujours à ses racines.”
Je rigole doucement. “Ah bon, c’est une nouvelle vérité générale, ça ? On revient toujours à ses racines ? Tu sais beaucoup de gens migrent, je ne suis pas la première.”
Mon amie s’installe plus confortablement dans son fauteuil, on dirait qu’elle est partie pour une longue tirade. “Mes parents sont d’Alger, tu le sais. Ils me parlent d’Alger tous les jours. Qu’ils repartiront là-bas dès que les enfants seront assez grands... Ils le feront peut-être, mais trop tard. Ils aimeraient tellement y retourner. C’est leur pays l’Algérie, c’est leur racine. Tu vois bien que les gens sont attachés à leurs racines. Regarde mon oncle, il est reparti là-bas. Il y allait pour toutes les vacances et dès qu’il a été en retraite, il est retourné chez lui. L’Algérie, c’est son pays. C’est le pays de mes parents. Quand je vois comment mon oncle est heureux là-bas... Je me dis que mes parents devraient partir maintenant. Profiter de la vie, chez eux. Même si je préfère les avoir à côté de moi. C’est impossible d’être toujours dans le regret comme ça, à se plaindre du temps, du caractère des gens... En Algérie, il fait beau, les gens sont patients, les gens sont gentils, on a de bonnes pâtisseries… Tu vas être en Italie, à repenser à la Grand Place de Lille, aux rues du Vieux-Lille, à tes Merveilleux, à la Deûle... Et tu vas vouloir revenir. Certains sont mariés à une femme, toi c’est à Lille.”
1 commentaire
Heidi59350
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Il y a 4 ans