Fyctia
Lille, une femme
Si Lille était une femme que je devais quitter, je lui dirais que je suis désolée. Que ce n’est pas elle, mais moi. Elle est tellement belle que je ne saurais lui dire adieu, les yeux dans les yeux.
En repartant chez moi, je fais des détours. Je passe devant la Gare. Une partie de Paris se tient là. La façade est celle de l’ancienne gare du Nord, reconstruite ici pierre après pierre. Elle a vécu pas mal de travaux notre Gare de Lille. A chaque fois qu’elle passe à la télévision, je la reconnais. Avec sa fontaine juste devant. Il faut attendre quelques instants pour voir la ville s’animer devant cette gare. Combien d’amoureux se sont donnés rendez-vous à cette fontaine ? Combien de gens ont lancé une pièce ? Combien de gens attendent un train, fument une cigarette, prennent une pause devant cette fontaine ?
Au loin, je vois le Casino Barrière. Là-bas aussi, j’ai passé quelques soirées. Et puis Euralille, ce grand centre commercial. Pas que j’aime les magasins, mais derrière, il y a un beau parc. Avant, il y avait de grandes tulipes en décoration. Et c’est par ce centre commercial que les deux gares, la gare Lille-Flandres et la gare Lille Europe se rejoignent.
Il y a le Vieux-Lille. Tellement animé dès que tombe la soirée. Les bars, les restaurants, les passants. C’est l’endroit où il faut être pour une belle soirée. Prendre quelques ruelles pour découvrir un nouveau passage, un restaurant caché, un bar branché. Alors oui, on se tord la cheville dans les pavés, il y a des odeurs de pisse dans certains coins, des mendiants, des mecs bizarres, mais aussi beaucoup de chaleurs et de beauté.
Si Lille était une femme, je lui dirais qu’elle est si belle le jour, mais encore plus ténébreuse la nuit.
Pourtant, je ne suis pas une fêtarde. Je travaille au Furet du Nord, un grand libraire de la région Et oui, je suis une petite blonde avec des lunettes, qui est toujours cachée derrière une pile de livres. Donc, je ne suis pas le stéréotype de la fille branchée qui arpente le Vieux-Lille la nuit. Juste la libraire du coin, plutôt introvertie. Et, oui je veux du changement, évoluer dans ma carrière. Libraire, c’est bien mais qu’est-ce que je peux faire de plus ? Comment évoluer ? Monter en grade, prendre des galons... ? Si je veux que ça change, c’est à moi de me prendre en main.
Je quitte mon job, mes collègues, mon lieu de travail... Mais surtout, je quitte la Grand Place. Le Furet du Nord est situé face à la vieille Bourse. La vieille Bourse aussi à son histoire. Là où l’on trouve des livres rares, des joueurs d’échecs et des cours de danse selon l’heure et le jour. Mais, si j’ai immédiatement accepté l’offre du Furet du Nord il y a six ans, c’est pour une autre raison. De plus secret. Il faut monter au dernier étage pour pouvoir comprendre. De la fenêtre, on peut voir toute la place et les toits de Lille. J’ai l’impression d’être Amélie Nothomb dans Stupeurs et Tremblements, quand elle se jette, au sens figuré, dans le vide du haut de la tour de son travail. Je respire. Je contemple.
C’est aussi un lieu historique, mon lieu de travail. C’est à l’un de ses balcons que Charles De Gaulle a fait un discours. C’est d’ailleurs à quelques rues que l’on retrouve sa maison natale, transformée en Musée. Alors oui, forcément, c’est un lieu chargé d’Histoire cette Grand Place. Avec la Voix du Nord, grand journal. Avec le théâtre du Nord, grand théâtre. Et puis, derrière la Vieille Bourse, l’opéra de Lille. Grand... monument, je n’y suis jamais entrée. Mais vous avez compris l’idée.
Si Lille était une femme, mes promenades en son antre seraient mille caresses. J’y ai tant de souvenirs. Je lui porte tant de tendresse. Alors oui, mon cœur se serre à l’idée de la quitter. Mon cœur se brise si je ne dois pas la revoir avant un an. Mais le cœur a ses raisons... Et l’Italie en est une.
Lille, je t’aime. Mais Lille, je te quitte.
1 commentaire
Heidi59350
-
Il y a 4 ans