Fyctia

23 janvier 2021

La pluie s’abat sur le pare-brise de mon véhicule, il est vingt-trois heures trente-deux quand la sonnerie de mon portable se fait entendre dans mon autoradio. Je décroche à l’aide du bluetooth installé sur mon pare-soleil.

__ Oui allô ?

__ Liam, c’est Olivia, dit-il calmement.

__ Où est-elle ?

__ À l’hôpital, elle a eu un accident.

Le silence ce fait entendre dans l’habitacle de mon véhicule, les mains serrées autour de mon volant, je vois mes jointures blanchir. Une boule ce forme dans ma gorge tandis que j’amorce mon demi-tour. Je l’entends se racler la gorge à l’autre bout du fil, je ferme les yeux quelques instants.

__ Dans quel hôpital je dois me rendre ?

__ Elle a été admisse au San Vincenzo Taormina, en Sicile.

__ Pourquoi aussi loin de la maison, que fait-elle ?

__ Je ne sais pas, cesse tes questions et vas à son chevet.

J’entends la tonalité immédiatement après son ordre. Un frisson me parcours l’échine tandis que j’indique la route sur mon GPS. Il me faudra une heure pour atteindre l’hôpital.

***

À mon arrivée, le silence règne, les plafonniers clignotent, indiquant que les néons ne tarderont pas à s’éteindre. Je m’avance en direction d’une infirmière, la mine fatiguée je m’appuie contre le comptoir de l’accueil.

__ Je suis le frère de mademoiselle Kosay.

__ Nous avons été prévenues de votre arrivée, suivez-moi je vous prie.

Je hoche la tête tout en marchant derrière la jeune infirmière. Je balaie du regard tout ce qui m’entoure et laisse un grognement m’échapper. Tout ce blanc… Cela me rappel des souvenirs que je souhaite laisser derrière moi.

L’infirmière me guide à travers une chambre stérile, je ne prends pas le temps de poser des questions et regarde le corps de ma soeur étendue devant moi. Je cesse ma marche, pétrifié par le spectacle qui s’offre à moi.

__ Elle est stable, mais son état peut s’aggraver d’un moment à l’autre.

__ Vous pensez qu’il est temps de lui faire mes adieux ?

__ Je ne suis qu’une infirmière mais, c’est ce que je ferais, oui.

Elle quitte la chambre et me laisse seul avec Olivia. Je tire une chaise et m’assieds dessus avant d’appuyer mon menton dans la paume de ma main droite. Mon téléphone vibre dans la poche arrière de mon jean, cependant je n’y prête pas attention, je suis focalisé sur les constantes d’Olivia.

Le bip incessant du respirateur artificiel me tire d’un demi-sommeil. Le bras engourdi je le tends devant moi avant de percevoir l’agitation présente dans la chambre d’hôpital. Je me lève d’un bond, renversant la chaise sur laquelle j’étais assis. Les sens en alerte, je tourne sur moi-même, mon regard se pose sur elle et son corps pris de soubresaut me donne soudainement envie de vomir.

Voilà des années que je veille sur elle et aujourd’hui elle me glisse entre les doigts pour un banal accident de voiture ? Je le sais, quelque chose m’échappe, cela ne peut pas être aussi anodin. J’entends le médecin crier sur les infirmières en pénétrant dans la chambre, sa voix me glace le sang.

Je m’approche, collant les paumes de mes mains sur la porte vitrée qui nous sépare, de ma position, je ne vois rien, mais mon cerveau -bien trop imaginatif- me pousse à voir ses yeux grands ouverts fixer le plafond. Ma voix se perd, je ne cesse de crier, mais personne ne me voit, personne ne m’entend…

__ Regarde moi ! Tourne la tête, Olivia ! M’écris-je en frappant la porte.

J’ai l’impression de m’époumoner, je sais que cela ne m’apportera rien mais, je dois essayer, il faut qu’elle me voie, elle ne peut pas partir en pensant être seule. Je ne supporte pas l’idée qu’elle parte sans savoir que quelqu’un se trouve à ses côtés.

Dans l’agitation je n’ai pas senti sa présence à mes côtés. Ce n’est que lorsqu’il pause sa main sur mon épaule que mes muscles se détendent un à un. Inutile que je tourne la tête, je sais de qui il s’agit et pourquoi il est ici, maintenant.

Le médecin se tourne vers nous, retire son masque chirurgical et secoue négligemment la tête de gauche à droite, cachant définitivement le visage d’Olivia sous un drap immaculé. Sa prise de raffermie sur mon épaule m’obligeant à détourner le regard.

__ Allons-y, nous ne pouvons plus rien faire.

__ Non ! Je ne parts pas, j’exige d’avoir des réponses.

__ Liam, cesse de faire l’enfant, rejoint ta mère en voiture.

__ Partez devant moi je vous rejoints. Je ne peux pas laisser ma voiture ici.

Il me toise avant de tourner les talons, laissant un sifflement passer la barrière de ses lèvres. Je ne comprends pas pourquoi son intérêt se porte soudainement sur Olivia, lui qui n’a jamais montré d’intérêt pour sa belle-fille, il semble être en colère sans que je sache pourquoi.

La portière claque lorsque je m’engouffre dans l’habitacle de mon véhicule, je laisse un cri de rage passer la barrière de mes lèvres. Mes poings s’abattent violemment sur le volant, déclenchant plusieurs salves d’injure et klaxon involontaire.

__ Putain ! m’énerve-je, ce n’est pas possible.

Des larmes perlent sur mes joues, un flot incontrôlable d’émotion me traverse alors que la sonnerie de mon portable résonne une nouvelle fois. Avant de décrocher je jette un oeil à mon interlocuteur, Emma, je soupire, lasse et la fait basculer sur ma boite vocal.

Plutôt que de prendre la route de mon domicile, je rentre son adresse dans mon GPS et roule jusqu’au manoir. Le silence m’accompagne, me berce dans l’instant présent, apaisant ma peine pour quelques minutes seulement.

Sa mort ne restera pas impunie.

Je la vengerais.

La douleur apaisée par mon envie de vengeance, je reprends la direction inverse, hors de question d’affronter le regard de Gérard après ça. Le confort de ma chambre d’hôtel sera amplement suffisant.