Fyctia
Le Lac (2)
Joe remuait sans conviction la sauce tomate qui mijotait sur la plaque électrique. Géraldine coupait machinalement des champignons en silence, le regard dans le vague.
— J’arrive pas à croire que j’ai encore tout raté, soupira Joe en fixant sa casserole d’un air absent.
— Tu t’attendais à quoi, franchement ? répondit Géraldine, sans relever les yeux de sa planche. Tu bosses jamais et tu fais le déçu à chaque fois.
— Je sais. J'en ai marre de décevoir tout le monde. Peut-être que je devrais juste tout lâcher et arrêter les frais…
Géraldine déposa son couteau et posa une main sur son épaule.
— Termine ton bac d’abord. Après, tu feras ce que tu veux, mais arrête de tremper dans tes affaires avec les Albanais.
— Serbes, rectifia Joe, machinalement.
— Joe, franchement, je m’en fous. T’as compris ce que je voulais dire.
Il hocha la tête sans répondre.
— J’ai visité l’appart à Flagey hier, reprit Géraldine pour changer de sujet. Il est vraiment bien, tu sais ? On pourrait emménager en mai, juste quand je commencerai mon nouveau boulot.
Joe semblait perdu dans ses pensées, les yeux rivés sur la sauce tomate qui bouillonnait doucement.
— Ouais, d’accord… on verra.
Géraldine le fixa avec un mélange d'agacement et d'inquiétude, puis reprit ses champignons sans rien dire.
Soudain, quelqu’un tambourina brutalement à la porte, brisant leur silence.
Joe sursauta, manquant de renverser sa casserole.
— C’est qui ça ? murmura Géraldine, surprise.
Joe, nerveux, essuya ses mains sur son jean.
— Je sais pas. Bouge pas, laisse-moi aller voir.
Il ouvrit lentement la porte et se trouva nez-à-nez avec deux agents en uniforme. L’un d’eux prit immédiatement la parole.
— Bonjour monsieur, vous êtes bien Joseph Van Lier, domicilié à cette adresse ?
Le cœur de Joe s'emballa immédiatement. Les flics à sa porte, ça n’était jamais bon signe. Son esprit s'embrouilla aussitôt de toutes les conneries accumulées ces derniers mois.
— Ça dépend… répondit-il maladroitement. Pourquoi vous demandez ça ?
Les policiers échangèrent un regard rapide.
— On peut entrer une minute ? demanda l’autre policier, plus âgé.
— Je ne préférerais pas, balbutia Joe, en essayant de masquer sa nervosité. C’est quoi le problème ?
Le policier soupira doucement, puis parla d'une voix plus douce mais ferme.
— Monsieur, c’est au sujet de votre colocataire, Wen Li. Nous avons une bien mauvaise nouvelle à vous annoncer.
Joe sentit ses jambes faiblir légèrement.
— Wen ? Qu’est-ce qu'il a ? demanda-t-il d'une voix étranglée.
— Nous avons retrouvé son corps ce matin dans le lac de Louvain-la-Neuve. Il semblerait qu'il se soit noyé durant la nuit. Nous sommes désolés.
Joe resta figé quelques secondes, le regard vide, incapable d’assimiler l’information.
— Wen… mort ? C’est impossible, on s’est vus y’a à peine deux jours…
— Nous avons quelques questions à vous poser. Il faudrait que vous veniez avec nous au commissariat, reprit doucement le policier.
— Quoi, maintenant ? demanda Joe en regardant nerveusement par-dessus son épaule vers la cuisine où Géraldine venait d’apparaître, visiblement inquiète.
— Oui, maintenant serait préférable, confirma l’agent.
Joe avala difficilement sa salive, le souffle court. La panique commençait à le gagner.
— Oui, bien sûr, j’arrive, répondit-il finalement en saisissant son manteau. Attendez-moi juste une seconde. Joe pensa à sa petite victoire. Il avait réussi à les éloigner de l’appart sans même forcer. Ces imbéciles n’allaient même pas inspecter la chambre de Wen ?
Il referma doucement la porte devant les policiers, lançant un regard alarmé à Géraldine.
— Wen est mort, murmura-t-il en essayant de ne pas trembler.
— Quoi ? s'exclama-t-elle, incrédule.
— Il s’est noyé cette nuit dans le lac. Je dois aller avec eux. Ça ira pour toi ?
Elle hocha la tête sans répondre, bouche entrouverte, complètement abasourdie. Joe sentit une boule d’angoisse se nouer dans son estomac.
— Je reviens vite, promis.
Il sortit rapidement, claquant la porte derrière lui, le cœur battant à tout rompre. En descendant les escaliers à la suite des policiers, une pensée terrible lui traversa l’esprit : et s’ils étaient venus pour autre chose ? Et si ce n'était que le début des ennuis ?
— Putain, Wen… murmura-t-il dans un souffle, comme si son colocataire pouvait encore l’entendre.
Il monta dans la voiture, la gorge nouée, en priant intérieurement pour que cette histoire ne soit qu’un cauchemar. Le commissariat de Louvain-la-Neuve se situait en plein centre-ville, à une quinzaine de minutes de marche de l'appartement. Heureusement, les agents de police étaient venus en voiture, ce qui avait considérablement raccourci le trajet. Cependant, Joe avait dû s'asseoir à l'arrière, éprouvant un sentiment très inconfortable. "Deuxième fois en six mois, ce n'était vraiment pas l'accomplissement d’une vie.
— Allez, réponds aux questions et déguerpit le plus vite possible, pensa-t-il.
4 commentaires
Patrick de Tomas
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Il y a 16 jours
LUCAS
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Il y a 17 jours
NohGoa
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Il y a un mois
Alsid Kaluende
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Il y a un mois