Fyctia
Le Lac (1)
Pas à pas, la joggeuse en legging noir et sweat shirt à capuche bleu clair foula le sol de l'université à grandes enjambées. Il était sept heures du matin. Son souffle poussait un nuage de buée à chaque fois qu'elle expirait. Sa queue de cheval balançait au rythme de ses pas. Elle était partie de son kot rue de l'Hocaille. Il faisait froid ce matin de janvier, mais elle adorait le calme de la ville à cette heure. Les étudiants, surtout en période de vacances, s'activaient plus tard, et il était rare de croiser quelqu’un avant 10 heures du matin. Elle descendit vers la Grand-Place, Il restait quelques traces de neige ici et là qui s’obstinaient et refuseraient de fondre pendant encore quelques semaines. Elle continua sa course en montant vers la place des Wallons, puis la place des Sciences, fief des ingénieurs. C'était aussi là que la fête battait généralement son plein dès vingt-deux heures. La rue empestait toujours la bière et le vomi. Elle dut s'empêcher de respirer pendant quelques foulées jusqu’à la bibliothèque. Les employés de la ville ramassaient les verres en plastique éparpillés sur la place. Cette ville était chaque jour une fête géante à ciel ouvert, des milliers d’étudiants, souvent en costumes folkloriques, se réunissaient et guindaillaient sans lendemain. Chaque faculté avait ses cercles étudiants. Une ville qui attachait à l’alcool une valeur traditionnelle et qui était une excuse à la beuverie et à tous les excès. L'état de la ville était toujours le pire à la rentrée, en septembre, quand les étudiants n'avaient pas la pression des examens et que les bleus et bleuettes débarquaient fraîchement de leur village pour commencer leur cursus universitaire, souvent pour la première fois loin de leurs parents. La joggeuse se rappela avoir assisté au roi des bleus du Cesec à son arrivée il y a deux ans. Lors de la grande finale, les deux champions se partagèrent cent-soixante bières à descendre le plus vite possible ; les candidats finissaient généralement par vomir des lances de bière encore froide dans un public en liesse.
Elle redescendit par l'arrière de la place des Wallons et se retrouva vite au lac dans le bas de la ville. L'eau grise reflétait le ciel de janvier. Elle commença son premier tour. C'est au bord de la fontaine, en direction de l'autoroute, qu'elle aperçut une chose flottante près des roseaux. Elle n'y prêta pas tout de suite attention mais finit par faire marche arrière. Un corps gisait dans l'eau, visage dans le liquide presque visqueux du lac. Les cheveux noirs et courts se confondaient presque avec l'eau sale du lac.
4 commentaires
LUCAS
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Il y a 17 jours