Farahon L'étreinte du sari et de la neige Chapitre 9

Chapitre 9

Le trajet jusqu’à chez moi se fait en silence, bercé par le bruit du vent et le craquement de la neige sous les pas de Dev. Je suis blottie contre lui, incapable de protester malgré cette proximité qui me trouble. J’aimerais dire que je peux marcher, que ce n’est pas nécessaire, mais la douleur lancinante dans ma cheville me rappelle que ce serait un mensonge.


Il me porte sans un mot, son visage fermé, son expression impénétrable. Pourtant, il n’a pas hésité une seule seconde avant de me ramasser dans ses bras. Pourquoi ?


Lorsqu’il me dépose délicatement sur mon lit, je ressens aussitôt l’absence de sa chaleur. Il recule d’un pas, me scrute rapidement comme pour s’assurer que je suis bien installée, puis disparaît dans la salle de bain sans un regard en arrière.


Je cligne des yeux, un peu sonnée.


Il… est en train de prendre soin de moi ?


Quelques secondes plus tard, il revient avec un bandage et un tube de crème. Sans un mot, il s’agenouille devant moi, prenant ma cheville entre ses mains avec une douceur inattendue. Je frissonne à son contact, mais ce n’est pas uniquement dû au froid.


Je l’observe, fascinée. Il est concentré, les sourcils froncés, la mâchoire crispée, comme s’il détestait ce qu’il est en train de faire, mais qu’il n’a pas d’autre choix.


Pourquoi fait-il ça ?


Je me souviens d’un temps où ce genre de moments n’aurait pas été étrange. Quand nous étions enfants, quand nous jouions ensemble dans la neige, quand nous partagions des secrets qui nous semblaient importants. Puis tout a changé. Dev est devenu froid, distant, tranchant.


Et pourtant, en cet instant, je retrouve un fragment du garçon qu’il était. Celui qui m’avait donné la plus grosse part de son mithai (1) préféré quand j’avais pleuré après être tombée. Celui qui s’était mis devant moi pour me protéger des moqueries des autres enfants du village.


Sans réfléchir, ma main se tend et mon doigt glisse doucement sur le pli entre ses sourcils.


Il se fige immédiatement.


Mon cœur rate un battement quand son regard brûlant accroche le mien. Sa mâchoire se contracte, son souffle devient plus lourd.Un frisson me parcourt.


Merde.


Cherchant désespérément une échappatoire, je lâche, maladroitement :


— Tu vas mal vieillir si tu continues à froncer les sourcils comme ça.


Un silence. Puis un grognement sourd, mais il ne dit rien. Il détourne les yeux et, à ma grande surprise, relâche imperceptiblement la tension de son visage. Un sourire m’échappe avant que je ne puisse le retenir.


Dev reprend son travail, appliquant la crème sur ma cheville d’un geste étonnamment doux, presque… tendre. Son pouce effleure ma peau, et une chaleur diffuse se répand dans tout mon corps.


Je ne suis pas censée ressentir ça.


Quand il finit, il se redresse, et le moment fragile entre nous éclate instantanément.


Il se referme, retrouve sa rigidité, et son regard devient dur.


— Tu peux m’expliquer ce que tu foutais là-bas, Sanya ?


Le ton est tranchant, chargé d’une colère que je ne comprends pas. Il me domine de toute sa hauteur, ses yeux noirs braqués sur moi avec une intensité troublante.


Je me redresse à mon tour, oubliant presque la douleur sous l’élan de frustration qui monte en moi.


— Ce que je foutais là-bas ? Je fais des recherches, Dev ! Sur ce qui est arrivé ici, sur pourquoi ce village a enterré tout un pan de son histoire !


— Et tu pensais que c’était une bonne idée d’aller seule dans une chapelle abandonnée, en pleine tempête ?! Tu aurais pu te blesser encore plus !


J’ouvre la bouche pour répliquer, mais je m’arrête net.


Il a l’air… inquiet ?


L’espace d’un instant, je crois voir de l’angoisse dans son regard.


Mais c’est impossible, pas vrai ?


Je secoue la tête, refusant de me laisser troubler.


— Pourquoi ça t’importe, Dev ? Depuis quand tu te soucies de ce qui m’arrive ?


Il a un mouvement de recul, comme si je venais de le gifler. Puis, en un instant, son expression se ferme et il détourne le regard.


— Fais ce que tu veux, Sanya. Mais arrête de te mettre en danger comme une idiote.


Sans un mot de plus, il tourne les talons et quitte la pièce, claquant la porte derrière lui.


Je reste figée sur mon lit, troublée, le cœur battant à tout rompre.


Il a été doux, inquiet, presque protecteur. Puis il s’est remis à me crier dessus comme si de rien n’était.


Que veux-tu, Dev ?


Et pourquoi, malgré tout, son absence me laisse-t-elle un étrange vide dans la poitrine ?



(1) Mithai: un terme hindi qui désigne une variété de confiseries traditionnelles indiennes, souvent préparées à base de lait, de sucre, de ghee et de diverses épices. Ces douceurs sont généralement servies lors des fêtes, des mariages et des célébrations religieuses. Parmi les plus connues, on trouve le ladoos (boules sucrées à base de farine de pois chiches ou de semoule), le barfi (friandise dense à base de lait condensé) et le jalebi (spirales croustillantes imbibées de sirop de sucre

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