Farahon L'étreinte du sari et de la neige Chapitre 10

Chapitre 10

La soirée tombe lentement. À l'intérieur, le feu crépite doucement dans l'âtre, et les tasses de thé chaud dégagent une vapeur légère qui flotte dans l’air paisible. Je suis assise sur le canapé, mon pied soigneusement posé sur un coussin, le bandage de Dev toujours présent dans ma tête. Le bruit des flammes est apaisant, presque comme une invitation à la détente.


Meera entre silencieusement dans la pièce et s’assoit sur le fauteuil en face de moi. Ses yeux sont un peu perdus, comme si elle avait un poids sur la poitrine. Elle soupire et regarde ses mains.


— Alors… comment va ton pied ?


Elle brise le silence, et je me tourne vers elle, offrant un sourire fatigué.


— Ça va. Ce n'est rien de grave. Je marque une pause. Et toi ?


Meera mordille sa lèvre inférieure, ses yeux se baissant sur ses mains.


— Moi ? Elle rit doucement, mais le son manque de chaleur. Oh, tu sais… Ça va.


L’air entre nous devient plus lourd. Je la regarde attentivement. Ce n’est pas dans ses habitudes d’être aussi… absente. Ce soir-là, quelque chose est différent. Plus vulnérable, comme si elle était prête à se briser.


— Tu sais… Mon mari… Il n’est jamais là. Il passe ses soirées au travail, dit-il. Un éclat de cynisme traverse ses yeux. Et moi, je reste là, dans cette maison vide, à attendre qu’il rentre.


Je l’observe en silence, ressentant une étrange sympathie. Bien qu’on ne soit pas vraiment proches, ce soir-là, Meera semble différente. Ses mots résonnent dans le calme de la pièce, lourds de sens.


— Tu crois vraiment qu’il travaille tout le temps ?


J’ose enfin poser la question qui brûle mes lèvres.


Meera lève les yeux vers moi, et pendant un instant, j’aperçois un éclat de doute dans son regard. Elle déglutit avant de répondre.


— Il… Il me dit qu’il est occupé. Toujours occupé. Mais, parfois… Elle s’arrête, son regard devient plus lointain. Parfois, je me demande s’il me ment.


Je plonge dans ses yeux, et je comprends. Il y a des choses qu’on ne dit pas, mais qu’on sent dans l’air, dans les silences.


— Et toi, tu lui as demandé directement ?


Ma voix est douce, mais ferme, comme si je voulais l’aider à briser ce mur qu’elle s’est construit.


Un ricanement amer s’échappe de ses lèvres.


— Non, je ne suis pas prête à entendre la vérité, pas encore. J'ai trop peur de ce que ça pourrait signifier pour moi, pour les enfants… Pour tout.


Elle se tait un moment, puis ajoute presque dans un souffle.


— Peut-être qu’il y a quelqu’un d'autre.


Un frisson me parcourt. Ce n’est pas juste de la suspicion. C’est quelque chose de plus lourd, de plus sombre. Je n’ose pas répondre tout de suite.


— Tu sais, Meera… Je prends une grande inspiration, essayant de peser mes mots. Tu mérites d’être heureuse. Et si quelqu’un te fait sentir comme ça, peut-être qu’il est temps de repenser à ce que tu veux vraiment.


Meera ferme les yeux un instant, un air fatigué et désabusé se peignant sur son visage.


— Mais je suis liée à lui. Je ne peux pas simplement le quitter. Il est… il est mon mari.


Le silence se fait lourd. Je la regarde, elle ne se rend même pas compte qu’elle est en train de se suffoquer dans cette relation. Mais comment lui dire sans la faire fuir ?

Je secoue la tête, un peu perdue dans mes pensées.


— Tu as le droit de changer d’avis, tu sais. Personne ne te retient ici.


Meera me regarde, une étrange lueur dans les yeux.


— Et toi, Sanya ? Qu'est-ce que tu cherches ici, dans ce village ?


Elle me surprend. La question n’était pas attendue. C’est comme si elle cherchait, à travers mes mots, une sorte de réponse à ses propres incertitudes.


Je suis prise au dépourvu. Je n’ai pas vraiment réfléchi à ça moi-même.


— Je cherche des réponses, murmure-je finalement.


Je me penche légèrement en avant, comme si cette confession était une libération.


— Sur ce village, sur ce qui s'y est passé, sur ce qui nous lie encore à tout ça. Sur moi….


Elle me fixe intensément, et pendant un instant, j’ai l’impression qu’elle me voit pour la première fois depuis longtemps.


— Mais toi aussi, tu sembles perdue, Sanya.


Elle dit ça avec une franchise presque tranchante, mais je n’arrive pas à lui en vouloir.


Je reste silencieuse, un frisson me parcourant à l’idée qu’elle a raison. Oui, je suis perdue. Perdue dans ce village, perdue dans mes recherches, perdue dans mes émotions. Mais ce n’est pas quelque chose que je peux partager avec elle, pas maintenant. Pourtant, une partie de moi a envie de parler. Il y a des choses que je n’ai jamais dites à personne.


— Tu sais, il y a Dev, murmuré-je enfin. Je… je crois que je suis encore plus perdue à cause de lui.


Je n’avais pas prévu d’évoquer Dev, mais les mots sortent d’eux-mêmes, comme si c’était la seule façon d’exprimer ce qui me ronge.


Meera me regarde avec une curiosité discrète, mais elle ne dit rien. Elle me laisse le choix d’en parler ou non.


— Je n'arrive pas à savoir ce qu'il veut de moi. Il est… il est là, mais il est aussi tellement distant.


Je serre les mains autour de ma tasse de thé, mes doigts légèrement tremblants.


— Et parfois, il ressemble tellement au Dev que j’ai connu, celui avec qui j’ai certains de mes plus beaux souvenirs d’enfance. Pourtant, toutes nos interactions finissent par des disputes et… j’ai même l’impression qu’il me déteste, moi et ma quête stupide de vérité…


Un silence s’installe. Je n’ose pas croiser son regard. Meera semble réfléchir, puis, après un moment, elle prend une grande inspiration.


— Tu veux savoir ce que je pense, Sanya ? Elle me fixe maintenant, l’air plus sérieux. Oui, Dev a changé. Comme tout le monde, on a tous grandi et tu ne peux pas lui demander d’être celui que tu connaissais. Tu es parti Sanya et on a tous évolué. Maintenant, c’est à toi de comprendre ce que tu attends de Dev. Tu ne peux pas lui demander d’être aimable avec toi alors que tu arrives dans le village, avec l’idée de chambouler tout ce qu’il a construit. Tu n’as même pas cherché à savoir comment il allait, tu es arrivé directement avec ton idée de Noël en tête. Ce n’est pas comme cela que ça marche Sanya !


Elle ajoute d’une voix radoucie.


— Maintenant, les cartes sont dans tes mains, c’est à toi de choisir quel chemin tu vas prendre. Et sache que peu importe ce que tu décides de faire, je te soutiendrais. L'important c'est que tu suives ce que te dit ton coeur.



Je reste figée un instant. Ses paroles me frappent de plein fouet, comme une évidence que je n'avais jamais vraiment envisagée. La vérité m’assaille. Peut-être que, tout comme Meera, je me suis accrochée à une illusion.


— Je… je ne sais pas si je suis prête à faire face à ça, murmuré-je, presque pour moi-même.


Meera secoue doucement la tête, un sourire doux mais plein de sagesse sur les lèvres.


— Parfois, il faut juste faire face à la réalité, même si elle fait mal. Et toi, Sanya, tu es plus forte que tu ne le crois.


Je n’arrive pas à répondre tout de suite. Mais quelque part, dans un recoin de mon esprit, je sais qu’elle a raison.

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