Fyctia
Chapitre 8
La chapelle se dresse devant moi, silhouette fantomatique sous la lumière blafarde de l’après-midi.
Je n’y suis jamais entrée.
Les villageois l’ont laissée là, trop attachés à leurs souvenirs pour la détruire, mais pas assez pour continuer à la fréquenter. Elle est figée dans un entre-deux, comme un vestige dont on ne sait que faire. La pierre est ternie par le temps, la porte de bois craquelle sous les assauts du vent. Je pousse doucement l’entrée. Elle grince, un son rauque et prolongé qui fait vibrer le silence.
L’intérieur est plus intact que je ne l’aurais cru. Un peu de poussière, des bancs en bois vieilli, un autel déserté. Un souffle glacé me traverse.
Je m’avance lentement, mes pas résonnant sur le sol. Je frôle du bout des doigts le dossier d’un banc, puis je m’assois.
Je ferme les yeux. J’imagine. Les chants en latin, la lumière des cierges projetant des ombres vacillantes sur les murs de pierre. Le bruissement des étoffes, le murmure des prières, le silence solennel avant l’élévation de l’hostie.
Anjali a vu cette messe.
A-t-elle été impressionnée ? Effrayée ? Fascinée ?
J’ouvre les yeux, chassant les images de mon esprit.
C’est à ce moment-là que je l’aperçois.
Un éclat métallique, à moitié dissimulé sous la poussière. Je me penche, tends la main, et ramasse un bracelet. Il est simple, une fine chaînette en argent terni, mais au centre, un petit médaillon gravé. Je le tourne lentement entre mes doigts, essuyant la surface du pouce jusqu’à ce que des lettres apparaissent sous la saleté accumulée.
E.V.
Je fronce les sourcils. Des initiales. Mais à qui ils appartiennent ?
Je serre le bracelet dans ma paume avant de le glisser dans ma poche.
Il fait trop froid ici. Je me lève, prête à partir.
C’est là que tout bascule.
Mon pied glisse sur le sol humide, et avant que je ne puisse me rattraper, une douleur fulgurante explose dans ma cheville. Je lâche un cri, m’effondre sur le sol.
Je tente de me relever, mais la douleur est si vive que des larmes me montent aux yeux. Un frisson d’angoisse me traverse. La chapelle est loin du village. Personne ne sait que je suis ici.
Je serre les dents, inspire profondément, et essaie de nouveau. La brûlure me coupe le souffle. Mon corps bascule en avant.
Tout devient noir.
...
Une voix. Floue, inquiète. Puis un contact sur mon bras.
— Sanya !
Je fronce les sourcils.
Meera ?
J’ouvre difficilement les yeux. La lumière du jour me semble crue, agressive. Une silhouette se découpe devant moi.
Je plisse les paupières.
— Dev ?
J’ai un moment d’hésitation. Son visage est penché sur moi, son expression dure, sévère. Mais ce qui me frappe, c’est l’inquiétude dans ses yeux sombres.
— Qu’est-ce qui t’a pris d’aller te fourrer ici toute seule ? tonne-t-il.
Il se redresse et passe une main agacée dans ses cheveux. Il a l’air furieux.
— Tu es inconsciente ou quoi ? Si je n’étais pas passé par là, tu serais restée ici toute la nuit !
Je grimace. Pas tant à cause de ses reproches que de la douleur qui pulse dans ma cheville.
Dev s’interrompt. Son regard capte ma détresse.
Son expression change.
— Tu as mal où ? demande-t-il, plus doucement cette fois.
— Cheville… soufflé-je.
Il ne pose pas d’autres questions. Il s’accroupit à côté de moi et effleure ma jambe. Son toucher est plus délicat que je ne l’aurais imaginé.
— Tu peux marcher ?
J’essaie de bouger. Une grimace m’échappe. Dev secoue la tête.
Sans prévenir, il passe un bras sous mes jambes et l’autre dans mon dos avant de me soulever contre lui.
Je laisse échapper un hoquet de surprise.
— Dev ! protesté-je.
— Tais-toi.
Je reste figée. Son corps est chaud contre le mien, sa prise ferme et assurée.
Son souffle effleure mes cheveux tandis qu’il me porte hors de la chapelle.
Je pourrais protester.
Mais la vérité, c’est qu’à cet instant précis… je me sens bien là où je suis.
14 commentaires
Patrick de Tomas
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Il y a 9 heures
Scriptosunny
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Il y a 10 jours
Farahon
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Il y a 10 jours