Fyctia

Je me réveille avec la désagréable sensation d’avoir à peine dormi. Toute la nuit, des souvenirs flous se sont entremêlés dans mon esprit, mélange de songes et de réminiscences fragmentées. Mais je n’ai pas le temps de m’attarder sur ces impressions. Aujourd’hui, j’ai une mission : explorer les archives de Sundarleigh.

Arrivée à la petite bibliothèque du village, je plonge immédiatement dans mes recherches. Les archives, poussiéreuses et empilées dans des cartons oubliés, regorgent de récits anciens. Je finis par mettre la main sur un journal jauni par le temps, écrit par un habitant du village lors de l’époque coloniale. Les pages relatent l’arrivée des colons et la manière dont ils ont imposé Noël à Sundarleigh, transformant peu à peu les traditions locales.

Absorbée dans ma lecture, je n’entends pas la silhouette qui s’approche derrière moi. Un souffle chaud caresse mon oreille, suivi d’une voix moqueuse :

— Tu es vraiment bornée.

Je sursaute violemment, faisant tomber plusieurs livres dans un fracas sourd. Mon cœur bat à tout rompre lorsque je me retourne brusquement. Dev se tient là, les bras croisés, un sourire amusé sur les lèvres.

Il éclate de rire en voyant mon expression paniquée. Furieuse contre lui autant que contre moi-même, je me redresse avec dignité, tentant d’ignorer la chaleur qui me monte aux joues. Pourtant, je ne peux m’empêcher de le remarquer : son rire illumine son visage, chassant l’air renfrogné qu’il affiche en permanence. Il est... beau. Trop beau pour quelqu’un d’aussi insupportable.

— Qu’est-ce que tu fais ici ? grogné-je en récupérant les livres éparpillés.

— Te surveiller, évidemment. Tu es d’une ténacité agaçante, réplique-t-il en haussant un sourcil.

Mon regard se durcit. Je sais que Dev est là pour m’empêcher d’en apprendre trop. Mais je ne compte pas me laisser faire.

L’atmosphère se charge d’une tension soudaine alors que nous nous faisons face, nos corps trop proches dans l’étroit espace entre les rayonnages. Puis, d’un pas presque imperceptible, Dev avance. Instinctivement, je recule jusqu’à ce que mon dos heurte une étagère. Mon souffle se coupe lorsqu’il effleure mon corps.

J’essaie de garder mon calme, mais ma gorge s’assèche sous l’intensité de son regard. Son parfum boisé m’enveloppe, troublant mes pensées. Je dois me concentrer. Me rappeler pourquoi je suis là. Dev n’est pas un allié. Il veut m’empêcher de découvrir la vérité.

Alors pourquoi mon cœur bat-il si vite ?

La tension entre nous est palpable, presque électrique. J'ai l'impression que chaque fibre de mon corps est en feu, et pourtant, je suis là, coincée contre cette étagère, les battements de mon cœur résonnant dans mes oreilles. Dev reste là, si près, mais son regard m'est plus étrange que jamais.

Puis, sans prévenir, il fait un pas en arrière. Sa présence, oppressante, se dissipe légèrement, et je peux enfin respirer sans cette sensation d’étouffement. Mais il ne se contente pas de reculer.

— Tu n'apprendras rien de plus ici. Tu ferais bien de partir, Sanya. Tu n'as rien à faire dans ces archives.

Je reste là, figée un instant, à le fixer sans répondre. Il croit peut-être que je vais me laisser intimider si facilement. Mais c’est sans compter sur ma détermination. Je n’ai pas encore découvert tout ce que je veux savoir.

Quand il tourne les talons, prêt à partir, je saisis l’opportunité. Mes mains tremblent légèrement alors que je m’empare du journal intime, celui qui parle des colons et de l’arrivée de Noël. Je le cache discrètement sous mes bras, mon cœur battant la chamade. Si Dev m’avait regardée à ce moment-là, je ne sais pas ce qu’il aurait fait. Mais pour l'instant, il ne remarque rien.

Je ferme les yeux un instant, me maudissant pour cette impulsion, mais il n’y a plus de retour en arrière possible. Le journal est à moi, et je compte bien l’étudier en profondeur.

Sans dire un mot, je me dirige vers la sortie, espérant que Dev n'ait pas vu l’éclat de victoire dans mes yeux.