Fyctia
Chapitre 5
Je suis là, dans la maison de mes parents, avec Meera et ses enfants, à tenter de remettre un peu d’ordre. Il fait trop mauvais pour repartir, alors j’ai décidé de rester quelques jours. Le vent souffle avec une telle violence que les arbres plient presque sous la force des rafales. C’est le moment parfait pour me retrouver ici, isolée du monde. Je suis déterminée à comprendre ce qui cloche avec ces histoires sur Noël. Chaque villageois semble avoir une version différente de ce qu’il s’est passé, et je ne peux plus ignorer cette étrange atmosphère qui pèse sur Sundarleigh. Peut-être que cette fois, je peux accomplir quelque chose dans ma vie, en découvrant la vérité
Mais rester dans la maison de mes parents… ça me renvoie des tas de souvenirs.
Je passe la main sur le bois usé de la table de cuisine, là où je prenais mes repas quand j’étais enfant. Les objets autour de moi, le vieux service à thé que ma mère utilisait, les étagères remplies de livres qu’elle adorait lire, tout me rappelle des moments heureux, mais aussi un passé que j’avais enterré. À chaque coin, un souvenir m’échappe, comme une brise fraîche qu’on essaie d’attraper en courant.
Je m’assois dans le salon, les yeux sur les murs, me souvenant des rires de ma mère et de son sourire quand elle me racontait des histoires. Mais ce n’est pas ça qui me marque aujourd’hui. Non. C’est ce vieux coffre, sous la fenêtre, caché derrière les rideaux. Il avait toujours été là, jamais ouvert. Je me lève, m’approche lentement, le cœur battant. Quand je soulève le couvercle, une fine couche de poussière s’élève. Je peux sentir le parfum de l’enfance qui m’envahit. Je me demande ce que j’aurais trouvé si j’avais ouvert ce coffre plus tôt.
Il y a des objets sans importance : un vieux carnet, des lettres froissées, des photos de famille. Et puis, une vieille guirlande en papier, soigneusement repliée, pliée comme si elle avait été préservée pour une occasion spéciale. Un frisson m’envahit, et je frôle l’objet. Ce n’était pas une guirlande comme les autres. C’était celle que j’avais fabriquée avec Dev, quand nous étions enfants.
Je me rappelle soudainement. C’était un jour de décembre, il y a si longtemps. Le vent soufflait fort ce jour-là, mais c’était un vent froid et sec, celui de l’hiver. Dev et moi étions en train de préparer des décorations pour le marché. J’avais huit ans. C'était quand je m'entendais encore avec Dev, avant que son père ne lui interdise de me fréquenter. On avait accroché la guirlande en papier autour de la statue du cheval, au centre du village. Le givre recouvrait la pierre, et tout semblait figé dans l’hiver. On était excités, on croyait que si on décorait bien la statue, peut-être que les adultes accepteraient de fêter Noël à nouveau. Mais à peine avons-nous commencé que la voix de son père a éclaté, tranchante comme une lame.
Il est arrivé comme un éclair, en furie, et a arraché la guirlande d’un geste sec, avant de l’écraser sous son pied.
— Cette fête n’a pas sa place ici, avait-il dit, sa voix vibrante de colère.
Je me souviens du regard de Dev, baissé, honteux mais aussi apeuré. Et moi, je ne comprenais pas, pas vraiment. Qu’est-ce qui pouvait être si mauvais dans l’idée de fêter Noël ? Pourquoi son père était-il si enragé par cela ?
Son père l'a ensuite saisi par le bras, le tirant avec force pour la ramener chez eux, sans dire un mot. Je ressentais le regard de Dev sur moi, un souvenir gravé en moi. J'avais déjà des soupçons sur la violence de son père, et son regard a confirmé mes doutes. Il m’avait murmuré, avant que la porte se ferme derrière nous :
— Oublie ça, Sanya. Certains souvenirs doivent rester enterrés.
Je ferme les yeux, le souvenir me brise à nouveau. Et c’est là que tout se mélange dans ma tête. Noël, la colère, les mensonges. Pourquoi avaient-ils tous refusé de célébrer Noël ? Qu’est-ce qui s’était passé avant ? Est-ce que ça a un lien avec la colonisation ?
Je secoue la tête, tentant de faire disparaître l’image de la guirlande écrasée sous le pied du père de Dev. La réponse m’échappe encore.
Une idée me frappe soudainement.
Les archives du village.
Je n’y ai jamais mis les pieds depuis des années. Mais aujourd’hui, cela m’appelle comme une évidence. Il y a bien des traces de ce qui s’est passé, une histoire oubliée peut-être. Je me lève d’un coup, les mains tremblantes, et je me dirige vers la porte. Il faut que j’en sache plus. Que je comprenne ce que cet enchaînement d’événements a effacé du visage du village, et surtout pourquoi Noël a été effacé du cœur de Sundarleigh.
Je n’ai plus de temps à perdre.
21 commentaires
Aline Puricelli
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Il y a 2 jours
Farahon
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Il y a 2 jours
Patrick de Tomas
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Il y a 4 jours
Farahon
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Krissa Danos
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Il y a 5 jours
Farahon
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Il y a 5 jours
Manonst
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Il y a 15 jours
Farahon
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Il y a 15 jours
Mapetiteplume
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Il y a 16 jours