Fyctia
Chapitre 1 (2/2)
Sa voix est plus dure que dans mes souvenirs, un peu plus assurée, mais aussi plus distante. Il m'observe de haut, comme s’il avait toujours été dans cette position, celle de celui qui domine.
Je n'ai pas de réponse, mais quelque chose se noue dans ma gorge. Il me regarde, son regard parcourant la pièce, puis il s'arrête sur le carnet que je tiens encore dans mes mains. Une grimace passe sur son visage, comme si ce simple objet le dérangeait.
— Alors, tu te remémores les souvenirs, c’est ça ? Son ton est sec, presque dédaigneux.
Je fronce les sourcils. Le regard qu’il me lance n’a rien d’amical, bien au contraire. Une vieille rancune s'éveille en moi, ce sentiment d'injustice qui n’a jamais cessé d’exister à son égard.
— C’est juste des dessins, je réplique, mais il me coupe immédiatement.
— Des dessins qui n'ont pas leur place ici. Pas dans ce village. »
Je le fixe intensément, sentant une montée de colère m’envahir. Ce qu’il dit me pique profondément. Il est l’incarnation de tout ce qui m’a forcée à fuir ce village. L’arrogance, le rejet, la rigidité.
— Noël a autrefois été important ici, synonyme de bonheur. Je ne vois pas pourquoi on devrait s’en priver aujourd’hui ! je lâche, presque malgré moi.
— Ne me parle pas de ça. Il serre les poings, ses traits se durcissent. Noël… Ce n’est qu’une illusion. Un prétexte pour oublier ce qui s’est passé ici. Pour effacer la vérité.
Son ton, plus froid encore, fait frissonner ma peau. Il y a cette colère sous-jacente dans ses mots, une colère qui semble encore vivante, qui refuse de disparaître. Quelque chose de lourd pèse sur ses paroles, et je sens que Noël, cette fête qu’il rejette tant, est liée à un événement qu’il ne veut pas affronter, que le village ne veut pas affronter.
— Ce village n’a pas besoin de ces futilités. Il avance de quelques pas vers moi, son regard plongé dans le mien. Il a perdu assez de choses dans le passé pour se laisser distraire par des traditions vides de sens. » Il prend une grande inspiration avant de rajouter d’un ton glacial. Tu crois vraiment qu’on peut effacer les souffrances de ce village avec des décorations et des chants ?
Je reste là, sans mot, le souffle coupé. Il me rappelle que ce passé qui l’obsède toujours est bien plus que des souvenirs. Ce qui s’est passé ici semble le hanter encore, et je devine que Noël y est lié d’une manière ou d’une autre. Mais il refuse d’en parler, refusant de laisser la fête faire surface dans les esprits.
Un souvenir me revient d'un jour de mon enfance où j'avais tenté d'organiser une petite fête de Noël à l'école, en dessinant des sapins et en chantant des chants. Mon père m'avait bien sûr soutenue. Cependant, je me rappelle de ce jour précis. C'était à l'époque le père de Dev qui m'avait sévèrement réprimandée devant toute la classe. Il m'avait dit que ces traditions ne nous appartenaient pas, qu'elles n'avaient pas leur place ici. Je garde en mémoire la honte que j'ai éprouvée à ce moment-là, l'humiliation d'avoir été punie pour avoir voulu partager un peu de la magie de Noël avec mes camarades.
— Peut-être que c’est justement ça qui nous manque, je murmure, mais il me coupe aussitôt.
— Ce n’est pas ce village qui a besoin de Noël. C’est toi qui veux redonner à ce passé une importance qu’il n’a plus. Mais il est trop tard pour ça.
Un silence glacial s'installe entre nous, lourd de non-dits. Je n’ai pas de réponse à lui donner. Pas encore.
— Il y a une tempête qui se prépare. Il jette un coup d'œil par la fenêtre, la neige tombe de plus en plus fort. Tu ne peux pas repartir dans ces conditions. Il vaudrait mieux que tu restes ici.
Je le regarde, une pointe de défi dans les yeux, mais je sais que, malgré tout, il a raison. La tempête fait rage dehors.
— Et je fais quoi, je reste ici avec toi ? Je le défie du regard, mais il ne bronche pas.
— Il vaudrait mieux. Tu n’as pas vraiment d’autre choix.
Je soupire, lasse de cette conversation qui ne mène nulle part. Il cherche à imposer ses propres règles, mais je suis déterminé à ne pas me laisser faire.
Un bruit derrière moi me fait tourner la tête. Meera, mon amie d'enfance, apparaît dans l'encadrement de la porte. Elle a ce sourire chaleureux et cette lueur de surprise dans les yeux.
— Sanya ! Elle s’élance vers moi, me prenant dans ses bras. « Je n’arrivais pas à croire que tu étais vraiment de retour.
Je la serre contre moi, le cœur légèrement plus léger. Meera est l’une des rares à ne pas avoir changé, à ne pas avoir pris les apparences d'une ville figée dans la douleur.
Mais dans un coin de ma tête, je sais que cette guerre entre Dev et moi est loin d’être terminée. Et peut-être qu'elle ne fait que commencer.
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