Thory TALES Let it snow, Let him go (ou pas) Chapitre 1 - Hugo (2/3)

Chapitre 1 - Hugo (2/3)

Je bougonne en contournant mon SUV et repars le garer deux rues plus loin, entre une camionnette peinte à la main avec écrit "Muffins de Maggie" et une Volvo qui semble tenir debout par la seule force de la volonté. Le trottoir est verglacé, évidemment. Je manque de glisser sur une plaque de glace sournoise, et un type en bonnet tricoté me lance un regard compatissant. Je déteste ce regard. C’est le regard de quelqu’un qui sait que je ne suis pas d’ici, que je ne suis pas des leurs. Que mon manteau coûte plus cher que son salon, et il a raison.


Je reprends la direction de la mairie, bien décidé à faire comme si je n’avais pas été humilié par un sol gelé et un maire en chemise de bûcheron. L’entrée est décorée à l’excès : guirlandes rouges, fausse neige qui pend du toit, bonhomme de neige grandeur nature qui me fixe avec une expression mi-amusée, mi-accusatrice. Très à l’image de la ville, finalement.


À l’intérieur, ça sent la cannelle et les photocopies. Une dame aux cheveux mauves me lance un sourire chaleureux depuis l’accueil.


— Vous devez être monsieur Marchand. Hugo Marchand ?


Je hoche la tête. Sourire pro, check. Attitude zen, check. Tâche de café toujours sur ma chemise, check aussi.


— Madame Huntley vous attend dans la salle de réunion. Deuxième porte à gauche. Et... bienvenue à Mistleberry !


Elle le dit avec une sincérité déconcertante. Comme si cette ville n’était pas un piège.


Je pousse la porte de la salle de réunion.


Madame Huntley est là, assise bien droite, tailleur beige, cheveux blancs parfaits, regard acéré derrière ses lunettes. Elle a l’air du genre de femme qui pourrait renverser un gouvernement entre deux thés à la menthe.


— Monsieur Marchand, dit-elle en se levant. Ou dois-je dire… "le Parisien" ?


Je pince les lèvres. C’est fou comme cette ville s’applique à me rappeler que je viens d’ailleurs, alors que techniquement, je suis né ici.


— Le New-Yorkais, désormais. Mais "monsieur Marchand", ça marche aussi.


Elle sourit. Oh non. Pas le sourire bienveillant. Je préfère encore celui du maire, qui veut me tuer.


— Vous ressemblez à votre père, vous savez.


Touché, encore.


J’inspire.


— C’est ce qu’on m’a dit. Il était très attaché à cette usine. C’est aussi pour ça que je suis là. Pour faire les choses… proprement.


Elle acquiesce. Long silence.


— Le maire vous a trouvé, j’imagine.


Je plisse les yeux.


— Il m’a accueilli comme une maladie contagieuse. C’est sa façon de dire bonjour ?


Elle rit. Pas moqueuse. Plutôt… attendrie ? Pitié, non.


— Il vous ressemble plus que vous ne le pensez.


Et là, j’ai très envie de répondre : « Madame, avec tout le respect que je vous dois, je porte des chaussures italiennes et un abonnement à un magazine de design d’intérieur. Ce type vit dans une scierie déguisée en homme. »


Mais je me contente d’un sourire poli.


Elle ouvre un dossier.


— Alors, parlons de ce que vous attendez de cette visite.


Et moi, je pense : de partir d’ici entier, et un aller simple pour l’aéroport.


Mais ce que je dis, c’est :


— Bien sûr. Allons droit au but.

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4 commentaires

Lady Blue

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Il y a 9 jours

Y’a de la négociation dans l’air … ça va chauffer 🤣
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