Fyctia
Chapitre 1 - Fin
Evelyn savait que les légendes des procès de Salem n'étaient pas juste des récits historiques. Elles étaient enracinées dans l'identité même de la région, comme une toile d'araignée dont les fils invisibles s'étendaient à travers les générations. Les mythes qui tournaient autour de ces procès étaient devenus un mélange de vérité, de superstition et de manipulation. Mais plus que tout, ils étaient devenus un moyen de contrôle, un mécanisme qui permettait à certains de garder un certain pouvoir sur d'autres.
Les procès avaient lieu en 1692, mais leur écho résonnait encore dans chaque recoin de la région. Des dizaines de femmes avaient été accusées de sorcellerie et exécutées sur la base d'accusations parfois aussi ridicules que des rumeurs ou des disputes personnelles. On parlait de possession démoniaque, de pactes avec le diable, de malédiction, et d'ombres qui se glissaient dans la lumière du jour. Mais au-delà des récits grotesques et dramatiques, il y avait des histoires plus sombres, plus silencieuses, celles qui n'étaient jamais racontées dans les livres d'histoire.
Les victimes de ces procès n'étaient pas seulement des femmes, mais aussi des hommes, des enfants et parfois même, des familles entières, ostracisées non seulement pour leurs croyances mais aussi pour leur capacité à défier l'ordre établi. Les rumeurs de pratiques occultes se mêlaient aux vérités sur des luttes de pouvoir, des conflits de famille, et des injustices cachées. Dans une communauté aussi petite et fermée, les tensions se cristallisaient souvent autour de ceux qui étaient jugés "étrangers" ou "différents", qu'il s'agissent de leur position sociale, de leurs croyances ou de leurs comportements.
Evelyn se souvenait des histoire que sa propre famille lui racontait lorsqu'elle était enfant. Des histoires de familles entières persécutées et trainées dans la boue, simplement pour avoir osé poser des questions sur la vérité des événements, ou pour avoir été soupçonnées de dissimuler des secrets. On disait que certaines d'entre elles s'étaient vengées, lançant des malédictions qui perduraient au-delà de la mort.
La médaille en forme de pentagramme retrouvée sur le corps de la victime ne faisait que raviver ces souvenirs. Ce n'était pas juste un symbole quelconque. Pour certains habitants de Salem, le pentagramme était une marque des "anciens", une figure associée aux pratiques occultes, un avertissement pour ceux qui oseraient fouiller trop profondément dans les ténèbres de l'histoire locale. Quand Evelyn était petite, on lui avait interdit de se rendre dans certaines parties de la ville, des endroits où l'on disait qu'il y avait des énergies mauvaises. Ces zones étaient souvent proches de la forêt dense qui bordait la ville. Il y avait aussi cette très vieille maison, en ruine, à l'écart du village, que tout le monde évitait. La maison de la famille Donnelly. Une famille dont on murmurait qu'elle était maudite.
Le shérif Miller, qui avait vu ces symboles et ces légendes de loin, ne comprenait sans doute pas la gravité de ce qu'Evelyn évoquait. Mais elle savait que les meurtres récents n'étaient pas le fruit du hasard. Les souvenirs de son enfance, les avertissements, les murmures... elle en était maintenant persuadée, tout cela était bien plus que des superstitions.
Elle s'assit à la table et croisa les bras, fermement décidée à expliquer ce qu'il y avait derrière cette symbolique.
-Ces procès, Miller...tout ça n'était pas simplement une chasse aux sorcières. Il y avait des intérêts cachés, des familles qui manipulaient l'histoire à leur avantage. On les a accusées de sorcellerie, oui, mais beaucoup étaient accusées parce qu'elles avaient du pouvoir. Parce qu'elles étaient vues comme des menaces par les plus puissants du coin.
Miller la regarde, les sourcils froncés.
-Vous voulez dire que tout ça, c'est simplement politique ?
-Exactement. Et comme dans toute bonne histoire de pouvoir, des innocents ont été sacrifiés, des vies brisées sous le poids des rumeurs. Beaucoup d'histoires ont été effacées, mais les cicatrices sont toujours là. C'est pour ça que les gens ici croient encore à ces légendes. Parce qu'elles sont la mémoire de ce qui a été caché, et tout le monde les porte, sans même le savoir.
Elle marqua une pause, se rappelant les avertissements de ses parents. Ces mêmes avertissements qu'elle avait toujours trouvés exagérés. "Ne cherche pas trop loin. Ne pose pas trop de questions." A l'époque, elle les avait ignorés. Maintenant, ils résonnaient en elle comme une alerte, comme un préambule à ce qui allait se passer.
Evelyn continua :
-Vous savez, Miller, l'histoire de Salem n'a jamais été simplement une vieille page d'histoire. Elle a laissé des traces profondes. Des traces dans les esprits, dans les familles, et surtout dans les lieux. Les endroits marqués par ces évènements, des lieux comme la vieille maison des Donnelly, ou le lac où le corps a été retrouvé. Ce ne sont pas seulement des restes d'une époque révolue. Ce sont des point de contact entre le passé et le présent. Ce qui se cache là, ce n'est pas juste une question de sorcellerie ou non. C'est un héritage. Un héritage qui peut être réveillé. Et vous avez fait l'erreur de réveiller ce démon, Miller.
Le shérif se leva, visiblement perturbé par ses propos. Evelyn le suivit des yeux, son regard perçant, calculant chacune de ses réactions.
-Vous croyez vraiment qu'il y a un lien avec tout ça ? demanda-t-il enfin, sur un ton plus grave.
-Je n'en suis pas certaine, mais je sais que ceux qui ont créé ces mythes ont aussi construit des vérités. Et parfois, la vérité se cache derrière des symboles comme cette médaille. Si vous ne comprenez pas l'histoire de ce lieu, vous ne comprendrez pas ce qui se passe.
Le shérif se tut un instant, puis répondit, d'une voix plus basse, comme s'il hésitait encore à franchir une ligne invisible.
-Si je vous suis... vous suggérez que ce meurtre, et d'autres à venir, pourraient être le résultat de quelque chose qui remonte à des siècles ?
Evelyn le regarda un moment, avant de répondre simplement :
-Je dis juste que ce n'est pas un simple meurtre, Miller. C'est un message, et ce message a été écrit il y a longtemps.
11 commentaires
Angel Guyot
-
Il y a 3 mois
Alexandra ROCH
-
Il y a 3 mois
Sofia77
-
Il y a 3 mois
O. De Villepoix
-
Il y a 3 mois
K.C Sankr
-
Il y a 3 mois
O. De Villepoix
-
Il y a 3 mois
Sofia77
-
Il y a 3 mois
Sofia77
-
Il y a 3 mois
O. De Villepoix
-
Il y a 3 mois