Fyctia

— Eh bien, c’était intense, lançai-je, tentant maladroitement une touche d'humour en m'approchant.

Samuel leva des yeux irrités vers moi, comme si ma simple existence était la cause de tous ses maux. Puis, sans prononcer un mot, il se leva, me plantant là sans autre forme de procès.

C’en était trop ! Je refusais catégoriquement d’être ignorée par ce fichu homme une fois de plus.

— Attendez un peu, monsieur le libraire mal luné ! lançai-je, ma voix résonnant dans la rue silencieuse.

Mais il était déjà loin, avançant d’un pas rapide vers sa librairie, comme un ours fuyant vers sa tanière après une dispute conjugale.

Je le suivis, déterminée à avoir le dernier mot. Lorsque je poussai violemment la porte de la librairie, prête à déclencher la troisième guerre mondiale, une lampe se fracassa au sol avec un bruit de verre brisé, me figeant instantanément.

Je fus saisi d’effroi et me recroquevillai sur moi-même. J’avais peur. J’étais complètement paniquée et tous mes membres tremblèrent en même temps. Le bruit autour de moi se ouata et mon cerveau se déconnecta. Il me fallut un effort surhumain pour sortir de ma transe.

— Mais vous êtes complètement malade ?! m'écriai-je, soudain prise de panique.

Samuel était dans une rage folle et si j’avais trouvé la mère de Marie excessive, Samuel me regarda avec un mélange de colère et de désarroi que je ne lui connaissais pas.

— Vous ne comprenez rien, Emma ! cria-t-il, avançant vers moi d’un pas déterminé.

Tétanisée par la rage que je percevais dans ses yeux, je reculai maladroitement, bousculant des piles de livres au passage, jusqu’à atteindre le bureau de mon père. Je m’y enfermai rapidement, tournant frénétiquement le loquet de sécurité.

— Ouvre cette porte, Emma ! ordonna Samuel, la voix tremblante d’une émotion que je ne savais pas identifier.

Mon cœur battait la chamade. Qu’est-ce qui se passait ici ? Je me tournai instinctivement vers l'objet qui était à l'origine de toutes mes angoisses : la boule à neige, trônant innocemment sur le bureau.

Celle-ci brillait étrangement, la neige tourbillonnant à l’intérieur comme prise dans une tempête miniature.

Sans réfléchir davantage, je posai ma main sur la surface lisse et froide. Immédiatement, une nouvelle vision m’envahit avec violence :

Je vis mon père, bien plus jeune, en pleine dispute avec ma mère. Ils semblaient paniqués, presque terrifiés.

— Je t’avais dit de ne rien dire à personne, Lydie ! criait-il furieusement. Tu sais parfaitement ce qui se passera si la police vient à l'apprendre !

— Mais on ne peut pas gérer ça tout seuls, Victor ! On risque trop gros, c’est dangereux, répondit ma mère, les larmes aux yeux.

Je sentis un frisson glacé remonter le long de ma colonne vertébrale. Avant que je ne puisse saisir pleinement ce que cela signifiait, je fus brusquement tirée en arrière.

Samuel venait d’ouvrir la porte, me tenant fermement par les épaules.

— Emma ! s’écria-t-il avec inquiétude. Ça va ? Qu'est-ce que tu as vu ?

Le souffle court, incapable de répondre, je le fixai en silence. Dans ses yeux, je vis clairement la même peur qui avait habité mes parents dans cette étrange vision.

Et je compris une chose : Samuel savait exactement ce qui était en train de se passer ici, à Lac-sur-Iver. Et ce n’était que le début…