Fyctia
Chapitre 8
Samuel marcha à mes côtés en silence, mâchoire crispée et regard fixé sur la route comme s'il espérait que celle-ci allait miraculeusement absorber toute sa mauvaise humeur.
Quant à moi, je profitai du silence pour mettre un peu d'ordre dans mes idées. Les secrets d'Ambre, la démence supposée de mon père, et Samuel... surtout Samuel, dont la présence m'agaçait autant qu'elle me troublait.
Arrivés devant la porte de l'hôtel du centre-ville, Samuel ne me laissa même pas frapper. Il appuya avec insistance sur la sonnette jusqu'à ce que Jodie nous ouvre dans un état de panique digne d'une héroïne hitchcockienne.
— Oh mon Dieu, merci d’être venus si vite ! s’exclama-t-elle, le visage pâle comme un cachet d'aspirine. Marie est vraiment très mal.
En entrant, je fus assaillie par une vision chaotique digne d'une scène de crime : couvertures éparpillées, mouchoirs usagés, boîtes de médicaments ouvertes dans tous les sens. Soit la petite Marie était atteinte d'une maladie rare, soit sa mère était la plus grande hypocondriaque des Alpes.
Marie était là, petite silhouette frêle perchée sur le canapé. Son visage, à moitié caché par ses cheveux mal coiffés, s’éclaira timidement à la vue de Samuel. Ce dernier s'accroupit près d'elle, arborant un sourire doux que je n’avais jamais vu chez lui jusqu'à présent.
— Salut Marie. Tu te souviens de moi ? Le libraire grincheux que tu viens souvent embêter ?
La fillette acquiesça, lui rendant un sourire discret.
— Est-ce que tu peux montrer au docteur Emma où tu as mal exactement ? reprit-il d'une voix étonnamment rassurante.
La mère, cependant, ne laissa même pas à sa fille le temps de répondre.
— Elle a plus de quarante de fièvre depuis hier soir ! Et des douleurs abdominales atroces. J’ai tout essayé : ibuprofène, paracétamol, cataplasmes maison… Je suis sûre que c'est quelque chose de grave !
À en juger par le ton dramatique de cette mère au bord de l’hystérie, on aurait pu croire qu’on faisait face à la peste bubonique. Pourtant, je ne remarquai aucun symptôme physique inquiétant chez la petite : pas de sueurs, pas de pâleur excessive, pas de difficulté respiratoire évidente.
— Marie, dis-moi sincèrement : tu as mal au ventre en ce moment ? demandai-je avec douceur.
La petite hésita, puis hocha finalement la tête avec hésitation.
— Un peu moins, je crois…
Sa mère leva les bras au ciel, exaspérée :
— Vous voyez ? Dès qu'un médecin arrive, elle prétend aller mieux, puis tout recommence dès que vous partez ! Elle a eu des tas d’examens, tous soi-disant « normaux », mais je vous assure qu’elle n’est pas comme les autres enfants ! Elle est tellement malade…
Samuel se leva brusquement, visiblement irrité, faisant tomber au passage une pile de boîtes de médicaments qui s'étalèrent sur le sol comme une mauvaise métaphore de la situation. Puis, sans prévenir, il quitta l'appartement en claquant la porte derrière lui, me laissant seule avec la mère hystérique et l'enfant visiblement gênée. Marie se recroquevilla légèrement, comme si elle s’excusait d’exister.
Je réprimai une envie soudaine de lui crier de revenir immédiatement sous peine de lui prescrire une thérapie comportementale, et me tournai plutôt vers Marie avec un sourire rassurant.
— Je pense que tout va bien aller maintenant, Marie. Repose-toi un peu, ça te fera le plus grand bien.
Je me tournai vers la mère et lui indiquai mes prescriptions :
— Veillez à ce qu'elle s'hydrate et surveillez l’évolution dans la journée…
Jodie porta la main à sa poitrine, visiblement non satisfaite :
— Vous ne croyez pas plutôt que des analyses s’imposent ? On ne peut pas rester les bras croisés alors que ma fille pourrait…
Elle s’arrêta, la voix tremblante, puis jeta un regard nerveux à Marie. Je pus déceler la peur dans son regard, mais sentis aussi qu’il se passait autre chose, quelque chose d’indéfinissable.
Je griffonnai mon numéro sur une feuille et la tendis à Jodie, en priant pour qu’elle ne m'appelle pas toutes les cinq minutes.
— Appelez-moi s’il y a quoi que ce soit d’alarmant. On refait le point en fin de journée. Je comprends votre inquiétude mais, croyez-moi, il ne me semble pas y avoir d'urgence vitale.
La mère acquiesça, le visage fermé. Alors que je rangeais mon stéthoscope, Marie tourna ses grands yeux innocents vers moi et osa un timide soutire. J’y lus une gratitude discrète, comme si notre visite à Samuel et moi avaient allégé un fardeau secret. En m’éloignant, je sentis déjà peser une lourde ambiance dans la pièce, et je savais qu’il faudrait être très attentif, au-delà des apparences.
Sortant rapidement, je cherchai Samuel des yeux et le trouvai assis sur la fontaine, un peu plus loin, l'air toujours aussi sombre qu'un personnage de roman noir.
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mima77
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Il y a 10 jours
MelinaSANYA
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Il y a 6 jours
La rêveuse d'encre
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Il y a 12 jours
MelinaSANYA
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Il y a 6 jours
Sunny NDV
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Il y a 13 jours
MelinaSANYA
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Il y a 6 jours
MarwanS
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Il y a 13 jours
MelinaSANYA
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Il y a 6 jours
Krissa Danos
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Il y a 13 jours
MelinaSANYA
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Il y a 6 jours