Fyctia
Chapitre 7
Ma nuit fut agitée, hantée par des rêves absurdes où des boules à neige se mettaient à hurler à mon contact. Autant dire que mon état au réveil n'était pas digne d'une publicité pour une literie haut de gamme. Lorsque j'émergeai enfin, encore sonnée, l’odeur alléchante de pancakes et de sirop d’érable me fit descendre presque mécaniquement dans la cuisine.
— Bien dormi, mon lapin ? me demanda mon père avec un sourire tendre, agitant une cuillère dans mon chocolat chaud comme il l'avait toujours fait quand j'avais cinq ans.
— Si on exclut les visions cauchemardesques, les insomnies et l’impression de devenir folle, alors oui, plutôt bien, répondis-je d’un ton faussement détendu, embrassant sa joue rugueuse avec tendresse.
Je m’installai à table, prête à attaquer ce festin qui me rappelait à quel point mon père savait me réconforter sans prononcer le moindre mot. Alors que je versais généreusement du sirop sur mes pancakes, la porte d’entrée claqua brusquement, interrompant mon geste avec une théâtralité digne d’un thriller bon marché.
Ambre entra en trombe dans la pièce, rouge comme une tomate après un footing dans le froid hivernal. Sa tenue de sport moulante semblait avoir été spécialement conçue pour me rappeler tout ce que je n’étais pas : sculpturale, sportive et probablement immunisée contre les calories.
Je jetai un coup d’œil à mon vieux pyjama XXL, avec un soupir résigné. Était-ce donc un crime d'aimer autant le chocolat que les séries Netflix sous un plaid ? J'étais loin d'être grosse mais j'étais aussi à des années lumières d'avoir le corps d'une top model. Des seins trop petits, des cuisses pas assez fermes... Un tableau de rêve !
— Ambre, tu veux prendre quelque chose pour le petit déjeuner ? lança notre père avec douceur.
— Euh, je vais voir, papa. Merci ! répondit-elle précipitamment avant de disparaître à l'étage.
Mon père et moi échangeâmes un regard interrogatif. Après une séance de sport aussi intense, j’aurais probablement mangé le canapé, mais Ambre semblait décidément déterminée à entretenir son image parfaite jusqu’au bout.
La bouche pleine de pancake, je réalisai alors que je n’avais pas vu Samuel depuis hier soir. Cette pensée raviva instantanément mon embarras suite à notre échange sur le balcon. Je sentis le rouge me monter aux joues, me maudissant intérieurement d'être aussi vulnérable face à ce fichu libraire.
— Tout va bien ? demanda mon père, remarquant sûrement mon changement de couleur digne d’un caméléon.
— Oui, oui, répondis-je trop rapidement. Le sirop d'érable est... très sucré.
Je remontai rapidement dans ma chambre pour me préparer, tentant d’échapper à toute conversation supplémentaire qui aurait risqué d'exposer davantage ma honte matinale.
En passant devant la salle de bain, je surpris Ambre qui marmonnait d’une voix fébrile. Intriguée, je ralentis mon pas, collant mon oreille à la porte comme une détective en herbe. Elle comptait nerveusement, répétant les chiffres comme un mantra, presque de manière compulsive. À peine eus-je le temps de m’éloigner que la douche s’arrêta brutalement, me figeant sur place, prise en flagrant délit d'espionnage domestique.
Ambre sortit immédiatement, vêtue uniquement d’une serviette. Elle me fixa d’un air accusateur, comme un cerf pris au piège des phares d'une voiture, mais prête à charger à tout moment.
— Je peux savoir ce que tu fais là ? me lança-t-elle, clairement sur la défensive.
— Rien, enfin, je voulais juste... vérifier si tout allait bien, tentai-je maladroitement avec mon plus beau sourire innocent.
— Tout va très bien, Emma, répliqua-t-elle sèchement en passant devant moi sans me regarder.
Mais, alors que j’entrai à mon tour dans la salle de bain, mes yeux tombèrent sur une boîte de médicaments que je connaissais trop bien : des anxiolytiques, et à dose élevée. Perdue dans mes pensées médicales, je n’entendis pas la porte se rouvrir derrière moi.
— Qu’est-ce que tu fais avec ça ? lança Ambre en m’arrachant la boîte des mains, le regard flamboyant d’une colère inhabituelle.
— Je voulais juste comprendre... Ambre, ces médicaments ne sont pas anodins, si tu as un problème, tu peux m'en parler…
— Tu veux m'aider, Emma ? Alors occupe-toi de tes propres névroses avant de fouiner dans les miennes ! répliqua-t-elle brutalement.
Son ton me coupa net, et elle s'enferma aussitôt dans sa chambre. Décidément, cette famille maîtrisait parfaitement l'art du claquage de portes théâtral.
Décontenancée par cette facette inconnue d’Ambre, je décidai de ne pas insister davantage pour le moment. Après tout, j’avais déjà bien assez de problèmes personnels à gérer sans devoir jouer à la psychologue de famille.
Une fois prête, je descendis rejoindre mes parents au salon. Perdue dans mes pensées sur la mystérieuse anxiété d'Ambre, je percutai violemment un torse musclé à l’entrée du salon.
Samuel. Bien sûr. Décidément, cet homme semblait surgir à chaque coin de rue, comme un mauvais tour du destin.
— Bonjour, Miss Laurent, déclara-t-il avec un sourire narquois. Passez-vous une agréable matinée en cette belle journée d'hiver ?
— Nous sommes le 20 décembre, rétorquai-je sèchement. Techniquement, l'hiver commence demain.
— Cette douceur légendaire m’avait manquée, railla-t-il.
Alors que j’allais répliquer, une conversation téléphonique affolée venant du salon capta immédiatement notre attention :
— Jodie, calme-toi ! Je n'arrive pas à comprendre ce que tu dis… comment va Marie ?
La voix paniquée de ma mère me coupa le souffle. Samuel fronça les sourcils, soudain sérieux. Elle raccrocha et se tourna vers nous, le visage tendu :
— C’était Jodie. Sa fille Marie est malade, et elle n’arrive pas à avoir de rendez-vous médical. Elle est paniquée…
Je n’hésitai pas une seconde, retrouvant immédiatement mes réflexes professionnels.
— Où vivent-elles ? demandai-je avec détermination.
— À l’hôtel du centre-ville. Elles viennent d’arriver au village, précisa ma mère.
Sans attendre davantage, je pris mes affaires médicales, mais en descendant, Samuel était toujours là, en manteau et prêt à sortir.
— Qu’est-ce que tu fais encore ici ? lançai-je d'un ton méfiant.
— Je viens avec toi, dit-il fermement, son regard ne laissant pas place au débat. Je connais Marie, c’est une enfant formidable qui vient souvent à la librairie. Je veux juste m’assurer que tout va bien.
— Vous savez que je suis médecin, hein ? rétorquai-je, exaspérée mais secrètement touchée par sa sollicitude.
— Oui, mais tu es aussi Emma Laurent, répondit-il avec un sourire ironique, comme si cette explication se suffisait à elle-même.
Je levai les yeux au ciel en soupirant, mais un léger sourire se dessina malgré moi sur mes lèvres. Sans plus discuter, nous sortîmes dans le froid, direction l'hôtel du centre-ville, Samuel marchant d’un pas déterminé à mes côtés. Décidément, mes vacances tranquilles à Lac-Sur-Iver étaient en train de prendre une tournure particulièrement mouvementée.
22 commentaires
mima77
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Il y a 10 jours
MelinaSANYA
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Il y a 6 jours
La rêveuse d'encre
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Il y a 12 jours
MelinaSANYA
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Il y a 6 jours
MarwanS
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Il y a 13 jours
MelinaSANYA
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Il y a 6 jours
Krissa Danos
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Il y a 14 jours
MelinaSANYA
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Il y a 6 jours
Elisa Daven
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Il y a 14 jours
MelinaSANYA
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Il y a 6 jours